Etats-Unis : les différentes forces en jeu

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Dans un environnement de dégradation généralisée de la croissance, les Etats-Unis ont fait exception en 2012. En effet, en dépit du ralentissement du commerce mondial, l’économie américaine a bien performé l’année passée avec une croissance légèrement supérieure à 2%1. Si les exportations ont effectivement ralenti, les importations ont suivi la même tendance permettant au commerce extérieur d’être quasiment neutre sur la croissance.

Par ailleurs, la demande intérieure s’est renforcée, le ralentissement de la consommation étant plus que compensé par la progression de l’investissement, notamment des investissements de construction2 qui contribuent à hauteur de 0,6pt sur la croissance en 2012. Ainsi, cette bonne performance de l’économie américaine s’explique en grande partie par les politiques économiques expansionnistes mais aussi par la disparition de l’effet négatif de la contraction du marché immobilier sur l’activité.

A court terme, les perspectives pourraient s’assombrir avec la fameuse falaise budgétaire3 mais cette dernière ressemble plus à une pente douce qu’à un précipice avec un effet de 1pt de PIB vs les 4pts théoriques. Le sujet de la hausse du plafond de la dette a été une nouvelle fois repoussé (jusqu’au 19 mai) mais n’est pas réglé. Reste la question de la coupe automatique des dépenses qui devrait revenir sur le devant de la scène et qui pourrait renforcer l’impact négatif sur la croissance (0,4pt de PIB). Au total, la croissance américaine devrait avoisiner 1,8% en 2013.

Au-delà de la «falaise budgétaire» affectant la croissance à court terme, les Etats-Unis souffrent encore de déséquilibres macroéconomiques importants : le déficit public fédéral représentait 6,9% du PIB en 2012 avec une dette fédérale4 d’environ 72%. Par ailleurs, les Etats-Unis seront eux aussi confrontés à la consolidation budgétaire à moyen terme (retraites, dépenses de santé,…). La zone euro n’a donc rien à envier aux finances publiques américaines (déficit de 3,4% en 2012 en zone euro). Même constat du côté de la balance courante, les Etats-Unis enregistrant encore un déficit d’environ 3pts de PIB en 2012 alors que la zone euro a affiché un léger excédent. Cette dernière peut toutefois envier aux Etats-Unis leur gestion et leur fédéralisme qui leur permet de réduire leurs déséquilibres de façon plus douce qu’en zone euro, en limitant les effets négatifs sur leur croissance potentielle. S’il faudra encore du temps pour résorber les déficits publics et courants, le processus pourrait cependant s’avérer un peu moins compliqué qu’il n’y paraît. En effet, en période de croissance, les ajustements sont beaucoup moins difficiles. En 2012, le déficit public s’est réduit de 1,6pt sans impact trop fortement négatif sur la croissance car provenant en grande partie d’une réduction du déficit conjoncturel. En 2013, le déficit public se réduira encore d’un point pour atteindre 5,8% mais cette fois principalement en raison de la contraction du déficit structurel.

Par ailleurs, l’économie américaine bénéficie de plusieurs facteurs favorables qui pourraient rendre les ajustements un peu moins douloureux :

  • Alors que la politique budgétaire devient plus restrictive, la politique monétaire prend le relais avec la nouvelle vague d’achats de titres par la Réserve fédérale (85Md$ par mois) permettant au policy-mix de rester accommodant avec un niveau faible des taux d’intérêt, un soutien aux actifs un peu plus risqués avec des effets richesse positifs. D’autre part, les Etats-Unis ont toujours le privilège du dollar qui garde son statut de monnaie internationale.
  • Après six années d’ajustement à la baisse, le marché immobilier repart. Les mises en chantier ont sensiblement progressé revenant vers un niveau de 1 million d’unités annualisées, mais encore en deçà des niveaux nécessaires pour répondre à la demande potentielle de maisons (estimé à 1,5 million). Les stocks ont beaucoup baissé revenant à des niveaux jugés comme normaux. Enfin, les prix immobiliers sont repartis à la hausse, brisant le cercle vicieux entre les défaillances et la baisse des prix. L’assainissement du bilan des ménages américains est également bien avancé, l’endettement en % du revenu se situant désormais au niveau de 2003 (107% du PIB vs un pic à 130% en 2007).
  • Le coût de l’énergie a baissé avec l’émergence du gaz de schiste depuis quelques années permettant à l’économie américaine de gagner en compétitivité et de réduire sa dépendance énergétique. Les importations de pétrole en volume ont baissé de 23% depuis 2006 alors que les exportations ont nettement progressé sur la même période. Ces évolutions pourraient permettre la poursuite de la réduction du déficit courant dans les années qui viennent.

NOTES

  1. Avec notre hypothèse pour le PIB du T4-2012 qui sera publié le 30/01.
  2. Investissement en structures + investissement résidentiel
  3. Fiscal cliff : choc fiscal de 4pts de PIB qui aurait touché l’économie américaine en cas d’absence d’accord (finalement trouvé le 31/12/12)
  4. Dette détenue par le public, la dette fédérale totale était de 102% en 2012.

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