par Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole
Le marché résidentiel est entré en phase de correction en 2012. Celle-ci est nette sur les volumes de ventes : -15% en 2012 dans l’ancien et -25% dans le neuf promoteurs (avec une chute de 40 % pour les investissements locatifs dans le neuf). En revanche, les prix résistent pour l’instant au recul des ventes. L’ajustement en cours est avant tout d’ordre conjoncturel et s’explique par l’environnement économique et les nouvelles mesures fiscales.
Le contexte économique est fortement détérioré. Et les règles fiscales qui s’appliquent à l’immobilier sont globalement durcies, ce qui affecte particulièrement les investissements locatifs : réduction de l’abattement sur les plus-values immobilières (hors résidences principales), hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, plafonnement des niches fiscales. Le nouveau dispositif « Duflot » (qui remplace le « Scellier ») combine une réduction d’impôt attractive, 18 % de la valeur du bien, étalée sur 9 ans, et des contraintes renforcées (zonage, plafond de loyers, conditions de ressources des locataires, etc).
Mais les fondamentaux du marché, qui restent favorables, exercent une force de rappel : demande structurellement forte (démographie, décohabitation, préparation de la retraite, effet valeur refuge…) ; pas d’excès d’offre de logements, pas de bulle du crédit, bas niveau des créances douteuses habitat. De plus, les taux de crédit habitat sont en baisse depuis plusieurs mois.
La faiblesse de l’offre explique la résistance des prix : les vendeurs potentiels hésitent à vendre et à accepter des baisses de prix face à l’imposition des plus-values et à la faible attractivité des placements financiers. Les prix devraient toutefois s’ajuster un peu plus fortement cette année.
On s’achemine ainsi vers une correction graduelle et probablement assez longue, trois à quatre ans. En 2013, les ventes se stabiliseraient à un bas niveau dans le neuf et reculeraient de 10 % dans l’ancien. Les prix baisseraient de -5 à -6 % en glissement annuel dans l’ancien, soit un repli cumulé de 8% entre fin 2011 et fin 2013.
Baisse sensible des ventes en 2012
Les signes de retournement de la demande de logements anciens se confirment sur les derniers mois. Les ventes, encore soutenues en 2011, baisseraient de 15 % en 2012.
Le nombre de transactions dans le logement ancien a atteint 805 000 en 2011 (source : Conseil général de l’environnement et du développement durable, d’après les bases fiscales et notariales), soit une hausse de 3% sur un an. Ce chiffre est très élevé, proche des records historiques de 2004-2005, de l’ordre de 830 000 par an.
Les transactions sont restées très soutenues au premier trimestre 2012, 217 000, du fait d’un rebond en janvier, 100 000 environ : certaines ventes ont été anticipées avant la réduction en février de l’abattement sur les plus-values immobilières. Mais les ventes se sont repliées ensuite et le mouvement s’est accentué au cours de l’année. Le nombre de transactions a été ramené à 167 000 au deuxième trimestre, -16 % sur un an, et à 163 000 au troisième, -24 % sur un an. On s’achemine vers un niveau de 700 000 ventes en 2012, -15 % environ sur un an, proche du chiffre atteint en 2008.
En Ile-de-France, les ventes avaient connu un début de repli en 2011. Les ventes d’appartements anciens avaient atteint 102 000 unités, -9% sur un an. Au premier trimestre 2012, elles se sont fortement redressées, +16% sur un an, avec l’effet de la réforme des plus-values. Mais elles se sont fortement repliées ensuite, -21 % sur un an au deuxième et au troisième trimestres, et les niveaux atteints, 22 000 par trimestre environ, sont les plus bas depuis 2009 et sensiblement en deçà de la moyenne.
Résistance relative des prix
A l’inverse, les prix de l’ancien ne se replient que très modérément et résistent, pour l’instant, à la baisse des ventes). Les prix étaient encore en hausse en 2011, même si le rythme était ralenti, 3,7 % sur un an fin 2011, après 7,6% fin 2010. En 2012,ils commencent à baisser, mais faiblement. En glissement sur 12 mois, après +1,9% au T1 2012, ils se replient de -0,3% au T2 et de -1,1 % au T3. Le repli est plus accusé en province, -1,5 % a/a. Les prix stagnent en Ile de France, -0,2%. Mais ils restent en hausse à Paris, 0,8% a/a. Graphique 3
En rythme trimestriel, les prix baissent modérément : -0,1% t/t au T3, après -0,5%0 au T2 et -0,3% au T1 (chiffres CVS). Les évolutions sont du même ordre en Ile-de-France et en province.
Par communes, les tendances peuvent être toutefois très différenciées (notamment en grande couronne, où des variations trimestrielles de +15 % ou -15 % sont observées sur certaines communes). Au vu des avant-contrats de vente, les prix à Paris resteraient à peu près stables au T4 2012 et début 2013.
Au troisième trimestre 2012, le prix moyen du mètre carré des appartements anciens s’élève à 8 440 € à Paris, 4 480 € en Petite Couronne et 3 140 € en Grande Couronne. Le prix des logements anciens est estimé à 2 900 € le m2 en France.
Les prix restent donc très élevés. Rappelons que la hausse cumulée dans l’ancien depuis le début du boom (1998) est considérable, 155%. Les prix sont toujours assez nettement surévalués, de 15 à 20%.
Le repli des ventes se poursuit
En 2011, les ventes de logements neufs (réservations, filière promoteurs, programmes d’au moins cinq logements) avaient atteint 105 000 unités, soit un recul de 9 % par rapport à 2010. Ce niveau de ventes restait assez élevé, mais en deçà des records des années 2004-2007, 122 000 par an. Après un sursaut fin 2011 (30800 au T4), lié à la volonté des investisseurs de profiter in extremis d’un dispositif Scellier avec réduction d’impôt de 22%, les ventes se replient fortement en 2012. Elles atteignent 20 900 unités par trimestre en moyenne sur les trois premiers trimestres, en baisse de 25 % sur un an.
En Ile-de-France, les ventes avaient baissé plus nettement en 2011, de 17% sur un an. En 2012, elles se replient plus modérément, -3 % sur un an au cours des trois premiers trimestres.
La demande de logements neufs se réduit fortement depuis le début de l’année et cette tendance devrait se poursuivre, voire s’amplifier, sur les prochains trimestres. D’après les enquêtes INSEE menées auprès des promoteurs, les perspectives sur la demande de logements neufs continuent à se dégrader et n’ont jamais été aussi basses depuis 1995.
Mais les évolutions sont très différenciées entre le segment «investisseurs» (qui achètent un bien pour le louer) et le segment « primo-accédants » (qui achètent un bien pour y habiter) et on peut parler d’un marché à deux vitesses.
Le segment « investisseurs » a un poids élevé dans le neuf promoteurs, proche en moyenne de 40 à 50% du marché, contre 10 à 15% dans l’ancien. Ce poids fluctue toutefois fortement en fonction des dispositifs fiscaux. Il était monté à 64% en 2009- 2010, du fait du succès du dispositif Scellier. En 2011, cette part s’est réduite à 57%, avec une baisse de 17% du nombre de ventes investisseurs. Celles-ci chutent encore plus sévèrement en 2012, d‘enviro3n3 40 % par rapport à 2011, pour avoisiner 36 000 unités. Leur poids serait ramené à 45% du total.
Cette chute s’explique en bonne partie par les mesures de durcissement fiscal mises en place en 2012 et annoncées pour 2013. Ces mesures ciblent en effet principalement les hauts revenus et les revenus du capital et plusieurs mesures concernent les investissements locatifs dans le neuf : nouveau dispositif Duflot qui remplace le Scellier, fiscalité durcie sur les plus-values immob9i0lières hors résidences principales, taux de prélèvements sociaux accrus. Les investisseurs sont ainsi11 devenus très hésitants et attentistes depuis le début de l’année 2012.
Le segment « primo-accédants » résiste mieux. En 2011, sa part dans le total des ventes est montée à 43 %, contre 37 % en 2010, avec une hausse des transactions de 6%. Cette demande a été stimulée par les facteurs de soutien habituels (notamment démographiques) et la mise en place du PTZ+ (début 2011). En 2012, avec la hausse du taux de chômage et un PTZ+ moins favorable, les ventes sur ce segment seraient en repli modéré, – 4 %. Leur part remonterait à 55 % de l’ensemble.
En 2012, les vent1e5s devraient être en baisse marquée, – 25 % sur un an, pour atteindre 80 000 unités, retrouvant le bas niveau de 2008.
Nette remontée de l’encours de logements
Les mises en vente de logements avaient atteint 122 000 unités en 2011, en hausse de 12% sur un an. Elles restaient en deçà des records de 2006-2007, 150 000 par an, mais s’étaient redressées du fait de la bonne tenue relative des ventes et de niveaux de stocks proches de la normale. En 2012, après un niveau encore assez élevé au T1 (31 000), les mises en vente se réduisent au T2, 29 000, et au T3, 25 000. Sur les trois premiers trimestres, elles se replient de 10 % sur un an.
Cette réduction s’explique par la décrue des ventes et la remontée de l’encours de logements neufs proposés à la vente. Celui-ci atteint 91 300 unités en septembre, 17 000 de plus qu’un an plus tôt. Le ratio encours/ventes, qui mesure le délai moyen d’écoulement de l’encours, retrouve un niveau élevé, 13 mois de vente en septembre 2012, après 7,5 mois fin 2011 et 6,1 mois fin 2010. Il est nettement supérieur au niveau moyen de 2000-2010, 7,7 mois. Les stocks proprement dits (encours de logements proposés à la vente qui sont achevés ou en cours de construction) sont beaucoup plus faibles, 35 000 unités : 4 % des encours sont achevés, 34 % en cours de construction, et 62 % sont en projet.
En Ile-de-France, on constate également une remontée de l’encours, avec un ratio encours/ventes à 9,7 mois de vente en septembre 2012, contre 5,4 mois fin 2011 et 3,8 mois fin 2010. On sait que les besoins de logement sont élevés en Ile-de-France et l’offre structurellement insuffisante, en raison notamment du manque de foncier disponible. Malgré tout, la demande se replie (baisse des ventes et annulation de certaines réservations à la vente) et les encours remontent.
Recul des mises en chantier
En 2011, la construction de logements était encore assez soutenue (bonne tenue relative de la demande et niveaux d’encours assez bas). Les mises en chantier ont totalisé 421 300 unités, +22% sur un an et les permis de construire 534 800 unités, +18% sur un an.
Cette reprise était surtout imputable au logement collectif (et notamment à la construction de logements sociaux). En 2012, la tendance s’inverse, compte tenu de la baisse des ventes et de la remontée de l’encours. Sur les trois derniers mois connus (septembre-novembre), les mises en chantier sont en baisse de 3,3% par rapport aux trois mois précédents et les permis de construire en baisse de 0,2 %. Sur un an, le repli est de -22% et -10%. Sur les 12 derniers mois, les mises en chantier totalisent 360 000 unités. Le mouvement risque de s’accentuer au cours de l’année 2013.
Freinage continu des prix
Les prix des appartements neufs continuent à ralentir. Ils ont progressé de 1,2% sur un an au troisième trimestre 2012, après 3,5% au quatrième trimestre 2011 et 5,1% fin 2010. En Ile-de-France, les prix sont en recul assez net, -5,3 % sur un an (contre +10,5 % fin 2011). Les prix sont donc désormais quasi-stagnants, du fait de la baisse des ventes et de la remontée des encours. Mais ils ne baissent pas (en moyenne sur le territoire) compte tenu notamment de la nécessité d’amortir les hausses de coûts de production, avec en particulier le poids des normes environnementales (« bâtiment basse consommation »). Il s’agit de prix « à la réservation ».
Focus : point sur les nouvelles mesures fiscales
Plusieurs facteurs négatifs se cumulent depuis plusieurs mois. Un facteur est particulièrement marqué, le durcissement des dispositions fiscales pour l’immobilier résidentiel (qu’il faut toutefois nuancer avec la mise en place du dispositif « Duflot »).
* Mesures de resserrement fiscal mises en place en 2011-2012
Ces mesures affectent sensiblement le marché immobilier et expliquent en partie le recul des ventes de logements en 2012: – le dispositif Scellier pour l’investissement locatif dans le neuf a été revu nettement en baisse. La réduction d’impôt a été ramenée de 22% en 2011 à 13% en 2012 pour les logements BBC. Elle était supprimée en 2012 pour les logements non BBC et le dispositif Scellier disparaît en 2013 ;
- l’abattement sur les plus-values immobilières hors résidences principales est fortement réduit. Les propriétaires bénéficiaient d’un abattement de 10 % par an au-delà de la cinquième année de détention. Les ventes au-delà de 15 ans de détention étaient donc exonérées d’impôt. Désormais, l’abattement est très progressif, 2 % par an de la 6e à la 17e année, 4 % de la 18e à la 24e et 8 % ensuite l’exonération étant totale au-delà de 30 ans. Cette mesure s’applique depuis février 2012 ;
- le taux de prélèvements sociaux (CSG-CRDS) sur les revenus du capital (ce qui inclut les loyers et les plus-values immobilières) a été relevé de 3,2% (1,2% en 2011, 2% mi-2012) et atteint 15,5 % ;
- le PTZ+ (prêt à taux zéro) est recentré sur le logement neuf.
* Nouvelles mesures décidées dans la loi de finances 2013
Cette loi de finances prévoit une hausse significative des prélèvements fiscaux et sociaux. En matière de logement, certaines mesures jouent négativement, d’autres, notamment le nouveau dispositif Duflot, combinent des aspects positifs et négatifs.
- un plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros de diminution d'impôt par an contre 18 000 précédemment (ce qui concernera le dispositif « Duflot » décrit ci-dessous) ;
- un alourdissement de l’ISF ;
-
une modification de la fiscalité sur les plus-values immobilières. Pour les terrains à bâtir, les plus-values seront soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu à partir de 2015. Et le système d’abattement progressif est supprimé en 2013. Pour les résidences principales, les plus-values restent exonérées. Pour les autres biens immobiliers, un abattement exceptionnel de 20 % est appliqué en 2013 sur les plus-values imposables. Parallèlement, le PFL (19 % en 2012) est accru de 2 % en 2013 pour une plus-value entre 50 000 et 100 000 €, puis de 1 % par tranche de 50 000 jusqu’à 6 % pour une plus-value de 250 000 € (plus-value calculée après abattements) ;
- un nouveau dispositif « Duflot » en faveur de l’investissement locatif dans le logement neuf est créé, en remplacement du dispositif « Scellier ». L’avantage fiscal est revu en hausse mais les contraintes sont renforcées. Le dispositif permet une réduction d’impôt de 18 % de la valeur du bien, étalée sur 9 ans, dans la limite de 300 000 € et d’un plafond par mètre carré de 5500 €. Le dispositif est réservé aux zones « tendues », A et B1, c’est-à-dire Paris- Ile-de-France et les grandes agglomérations, où les besoins de logements sont importants. Le bien doit être loué au minimum 9 ans et les loyers sont plafonnés et inférieurs à ceux du marché d’environ 20 %. Les locataires seront sous conditions de ressources, le dispositif « Duflot » ciblant les classes modestes et moyennes. L’investisseur ne pourra pas louer à des membres de sa famille. Ce type d’opération ne pourra être réalisé que sur deux logements par an au maximum. Enfin, les logements devront atteindre un certain niveau de performances énergétiques. Après amendements, il a été décidé que la zone B2 (moyenne tension) restait éligible pour le dispositif « Duflot » au 1er semestre 2013.
N.B. Le Conseil Constitutionnel a annulé, fin décembre 2012, la disposition suivante : « Pour les terrains à bâtir, les plus-values seront soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu à partir de 2015 ». Il est probable également que l’ensemble de la mesure sur les plus-values immobilières décrite ci-dessus soit remis en cause.
Quel impact peut-on attendre du nouveau dispositif « Duflot » ?
Il est relativement attractif du point de vue fiscal, la baisse d’impôt étant de 18 % de la valeur du bien contre 13 % pour le « Scellier » 2012. Cet avantage fiscal est d’autant plus intéressant que la plupart des placements financiers subissent une hausse des prélèvements fiscaux et sociaux. Mais il comporte un certain nombre de contraintes, davantage que le Scellier.
On peut noter en premier lieu qu’il sera difficile de construire des logements à moins de 5 500€ le m2 (niveau du plafond par m2 pour la réduction d’impôt) dans les grandes agglomérations et en premier lieu à Paris, compte tenu du prix du foncier, du niveau des coûts de construction et du poids des normes environnementales.
Les investisseurs potentiels risquent d’être rebutés par les diverses contraintes du dispositif, notamment les suivantes :
- les zones éligibles sont moins nombreuses que pour le « Scellier » ; • les niches fiscales sont plafonnées à 10 000 euros par an ;
- le logement ne pourra pas être loué aux descendants ;
- le taux de rendement effectif de cet investissement sera faible, avant l’avantage fiscal, avec des prix de vente probablement assez élevés et des loyers inférieurs de 20 % à ceux du marché.
Au moment de la revente (au bout de 9 ans) s’appliquera une fiscalité très alourdie sur les plus- values : l’abattement n’atteint que 8 % au bout de 9 ans de détention ; le prélèvement forfaitaire libératoire atteint 19 % (voire plus si s’applique l’aménagement décidé dans la loi de finances 2013), auquel se rajoutent des prélèvements sociaux de 15,5 %.
Plus généralement, les changements fréquents en matière de règles fiscales créent un sentiment d’instabilité qui pèse sur les projets d’investissement. Enfin, les objectifs de réduction des déficits publics au-delà de 2013 risquent de conduire à de nouvelles hausses de prélèvements dans le domaine de l’immobilier.
Au total, ce dispositif combine des aspects positifs et négatifs. Les investisseurs devraient être ainsi très sélectifs afin de tenir compte au mieux des diverses contraintes. Les ventes sur ce segment (investissements locatifs dans le logement neuf promoteur) pourraient se stabiliser en 2013 au bas niveau atteint en 2012, 36 000 environ. Le mouvement de baisse observé en 2012 serait enrayé, mais un rebond semble peu probable.
La correction est enclenchée
Comme vu dans les pages précédentes, la correction du marché résidentiel est clairement à l’œuvre depuis le début de l’année 2012. Celle-ci est très nette sur les volumes de vente : -15% environ en 2012 sur un an dans l’ancien, -25% dans le neuf promoteurs et près de -40 % pour les investissements locatifs dans le neuf. La construction commence à se retourner. En revanche, les prix ne baissent que très modérément en 2012 et résistent pour l’instant au recul des ventes.
L’inflexion est encore plus sensible en matière de crédit habitat. Leur progression atteint 3,5 % sur un an en novembre 2012, à comparer avec 6,1 % fin 2011. L’inflexion est beaucoup plus nette sur la production de nouveaux prêts à l’habitat. Ce flux (en cumul 12 mois) recule de 33 % sur un an en novembre. La production mensuelle a atteint un point bas entre mars et mai 2012, 6,4 milliards par mois, qui s’explique par la baisse du marché immobilier, mais aussi probablement par une réduction des opérations de rachats de crédits : les taux de crédit habitat sont en effet remontés en 2011 et début 2012 (4,07% en mars 2012 pour un prêt habitat à taux fixe de durée supérieure à un an, contre 3,41% fin 2010). La production mensuelle s’est redressée au second semestre, à 9 milliards par mois en moyenne entre septembre et novembre. Elle reste toutefois nettement en deçà des flux mensuels atteints en 2010 et 2011, près de 13 milliards en moyenne.
Les signes de correction sont donc présents, mais l’ajustement reste pour l’instant assez graduel et ne s’inscrit pas dans un schéma de spirale marquée, du type de celles observées dans plusieurs pays européens depuis 2008, notamment Espagne, Royaume-Uni et Irlande. En fait, deux processus se combinent : un ajustement d’ordre conjoncturel lié à un contexte conjoncturel très médiocre et aux mesures de durcissement fiscal ; une résistance relative permise par des fondamentaux structurels favorables.
Facteurs conjoncturels négatifs
- Le contexte économique est fortement détérioré. La croissance du PIB, quasi nulle en 2012 (+0,1% en moyenne), sera en très faible reprise en 2013 (0,4%). Le taux de chômage remonte mois après mois et devrait atteindre 9,9% en moyenne en 2012 (en métropole) et 10,5% en 2013. Le pouvoir d’achat est en léger repli et la confiance des ménages reste très basse. Cet environnement rend les acquéreurs prudents et attentistes et une partie des acheteurs potentiels doivent renoncer à acheter.
- Les règles fiscales qui s’appliquent à l’immobilier résidentiel sont globalement durcies. Ce point est détaillé dans le chapitre précédent. Le dispositif Duflot, avec ses avantages et ses contraintes, et les hausses de prélèvements, notamment sur les plus-values, permettront au mieux une stabilisation des achats de logements neufs au titre d’un investissement locatif. Une baisse des transactions est probable pour ce type d’achats dans l’ancien. Rappelons que le poids des investissements locatifs est très important (de l’ordre de 50 % des ventes) dans le segment du neuf promoteurs, beaucoup moins dans l’ancien, 10 à 15% du total.
- Les prix de vente restent très élevés. Ils ont pour l’instant très peu baissé et sont assez nettement surévalués, la hausse des prix de 155 % accumulée depuis 1998 n’ayant été que partiellement compensée par la baisse des taux de crédit, l’allongement de la durée des prêts et les hausses de revenu. Cette surévaluation peut être estimée à 20 % environ en moyenne dans l’ancien, et 35% à Paris, au vu des niveaux atteints par les taux d’effort théoriques1, 37% au T3 2012 contre 30% en 2003. L’approche par les primes de risque2 donne un résultat du même ordre, une surévaluation de 15 à 20 % en 2012. Les taux de crédit baissent légèrement depuis quelques mois (cf. plus bas) mais la durée des crédits est relativement stable et au total les coûts d’acquisition restent très élevés. Ils ont même été accrus pour de nombreux primo-accédants par la suppression du PTZ+ dans l’ancien. Tout ceci décourage une partie des acheteurs. Les prix ayant cessé de s’accroître, la plupart des acquéreurs peuvent davantage prendre leur temps et négocier :
- En sens inverse, les taux de crédit habitat sont à nouveau à la baisse. Ils atteignent 3,51 % en novembre 2012 pour un prêt habitat à taux fixe de durée supérieure à un an, contre 4,07 % en mars. Ils devraient rester proches de 3,50 % sur les prochains mois. Les taux courts vont rester stables à un bas niveau, 0,25 % pour l’Euribor 3 mois, d’ici la fin 2013. Les taux des OAT dix ans remonteraient très modérément, vers 2,30 % fin 2013 contre 2,15 % en janvier. Les critères d’octroi de crédit habitat seraient inchangés ou très légèrement resserrés en raison du fléchissement de la demande de logements. D’où des taux de crédit à peu près stables à un niveau historiquement bas, ce qui jouera positivement, mais marginalement par rapport aux facteurs négatifs décrits précédemment.
Facteurs structurels positifs
Les moteurs structurels habituels de la demande vont continuer à jouer : désir d’accession à la propriété, démographie favorable, phénomènes de décohabitation, préparation de la retraite, saturation du marché locatif et surtout effet « valeur refuge ». L’environnement économique et financier reste incertain et les ménages sont confrontés à de multiples inquiétudes : conjoncture très médiocre, hausse du chômage, mesures de resserrement budgétaire, marchés financiers volatils et peu rémunérateurs. A côté des placements monétaires défiscalisés (livret A, LDD) ou de l’or, l’immobilier continuerait donc à jouer un rôle de «valeur refuge » : la pierre rassure, par son coté tangible, des évolutions assez régulières, une valorisation favorable sur longue période.
Rappelons de plus que le marché immobilier français ne s’inscrit pas dans un processus de bulle spéculative ou de bulle du crédit. Il n’y a pas eu d’excès en matière de construction de logements neufs et l’offre de crédit est restée prudente. Les ratios d’encours de créances douteuses habitat sont faibles, 1,26 % en 2011, l’octroi d’un crédit habitat est fondé essentiellement sur la capacité de remboursement de l’emprunteur, les prêts sont très majoritairement à taux fixe et les maturités restent raisonnables (18,5 ans en moyenne en 2011). La France n’a pas développé comme d’autres pays un éventail de crédits non standards. Au vu des enquêtes récentes, les critères d’octroi de crédit habitat n’ont été que légèrement resserrés au premier semestre 2012 et sont restés inchangés au second semestre.
Prévisions
Ces fondamentaux rendent peu probable un scénario d’ajustement rapide et marqué, qui serait lié par exemple à des dénouements de positions spéculatives ou à une forte remontée des créances douteuses générant un resserrement marqué du crédit. La demande est affaiblie par des facteurs conjoncturels mais reste potentiellement solide, soutenue par divers moteurs structurels et le bas niveau des taux de crédit. Les ventes vont continuer à se replier (dans l’ancien), mais ne vont pas s’effondrer.
Les prix devraient peu à peu s’ajuster. Pour l’instant, ils résistent à la baisse, du fait de la faiblesse de l’offre. Une partie des vendeurs potentiels hésitent à vendre et à accepter des baisses de prix face au durcissement de l’imposition des plus-values et à la faible attractivité des placements financiers. Ils préfèrent retirer leur bien de la vente. Par ailleurs, le recul des taux de crédit joue favorablement. Si l’érosion des ventes se poursuit, les stocks de logements invendus vont s’accroître et les prix devraient logiquement reculer progressivement. Mais ceci dépendra du comportement des vendeurs.
En 2012, les ventes de logements anciens se replieraient de 15%, pour atteindre 700 000 unités. Dans le logement neuf, les ventes baisseraient de 25%, et avoisineraient 80 000 unités. Les prix de l’ancien connaîtraient une baisse de -3% en glissent (de décembre 2011 à décembre 2012) et -2% en moyenne annuelle. Le recul serait plus accusé sur certains segments. Les prix dans le neuf seraient à peu près stables.
En 2013, les ventes se stabiliseraient dans le neuf et baisseraient d’environ 10 % dans l’ancien, Les prix de l’ancien baisseraient de 5 à 6% en glissement annuel, soit un repli cumulé de 8%,entre fin 2011 et fin 2013.
Un des principaux risques par rapport à ce scénario central serait celui d’une forte remontée des taux de rendement obligataires français et par suite des taux de crédit habitat, qui conduirait à une baisse plus prononcée des ventes et des prix. Cette hypothèse n’est pas à ce stade la plus probable surtout depuis que la zone euro a mis en place des boucliers efficaces (programme d’achat de dette de la BCE, fonds de secours pérenne) pour éviter tout phénomène de panique sur les marchés.
NOTES
- Le taux d’effort est la charge de remboursement annuelle d’un crédit habitat (capital et intérêts) rapportée au revenu annuel du ménage acquéreur. Le taux d’effort théorique est calculé aux conditions du marché (prix, taux, durée des crédits), mais en supposant que les acheteurs ont toujours le même profil de revenu et achètent toujours le même type de bien (en termes de surface et de standing).
- La prime de risque compare le taux de rendement interne d’un investissement immobilier locatif avec un taux obligataire. En 2010-2012, on prend un taux obligataire lissé, compte tenu des niveaux historiquement bas atteints sur cette période.