Zone euro : la vague de révisions en baisse devrait se poursuivre

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

La publication des statistiques de PIB du T4-2012 des pays de la zone euro est venue rappeler que, malgré l’amélioration de l’environnement financier, les économies réelles restent en grande difficulté : le PIB de l’ensemble de la zone euro est ressorti en deçà des attentes avec une contraction de 0,6% T/T au dernier trimestre 20121 et un recul de 0,9% sur un an (-0,5% en moyenne annuelle).

Parmi les grands pays, la France et l’Allemagne enregistrent une baisse de leur PIB, rejoignant les pays, en particulier l’Espagne et l’Italie, déjà en territoire négatif depuis plusieurs trimestres. Si la dégradation du commerce mondial engendre un recul des exportations dans la plupart des pays, c’est surtout le recul de l’investissement qui pèse fortement sur l’activité, suggérant que les perspectives de croissance restent très dégradées et reflétant l’érosion de la croissance potentielle de la zone euro.

La zone euro commence l’année avec un acquis statistique2 de -0,5% pour l’année 2013. Il faudrait donc un rebond significatif de la croissance pour obtenir une croissance nulle ou légèrement négative comme l’anticipe actuellement le consensus (de notre côté nous anticipons un recul de 0,7%). La vague de révisions à la baisse des projections de croissance pour la zone euro nous semble loin d’être terminée pour 2013 mais également pour 2014 (le consensus prévoit 0,9% vs 0,5% pour Natixis). En particulier, la Banque Centrale Européenne devrait être amenée à revoir sensiblement à la baisse sa prévision pour l’année prochaine qui se situe encore à 1,2%.

Pourquoi cette prudence sur la zone euro alors que les risques financiers se sont atténués et que les ajustements macroéconomiques des pays périphériques ont avancé ?

Tout d’abord, le reste du monde ne devrait pas rebondir fortement en 2013. Certes, les enquêtes de conjoncture suggèrent que le point bas de la croissance mondiale est derrière nous (T4-2012) mais la reprise devrait s’avérer de faible ampleur : les marges de manœuvre de politique économique sont limitées dans de nombreux pays émergents avec souvent des conflits d’objectifs (croissance/inflation), la croissance américaine ralentit sous l’effet de restrictions budgétaires (qui restent toutefois modérées). En conséquence, le commerce mondial ne va s’améliorer que modestement en 2013 et n’apportera pas de soutien à la zone euro.

Concernant les facteurs internes, il ne faut guère attendre de stimulus supplémentaire de la part des politiques économiques dans un contexte de poursuite du désendettement.

L’ajustement budgétaire des pays de la zone euro devrait être moins marqué qu’en 2012. Après le « mea culpa » du FMI sur les estimations de multiplicateurs budgétaires, largement sous estimés, de nombreuses voix s’élèvent pour donner plus de temps aux pays et se focaliser sur le déficit structurel (hors évolution du cycle). D’ailleurs, même le gouvernement français a annoncé que l’objectif de 3% de déficit était difficilement tenable étant donné la dégradation de la conjoncture. Pour autant, même si l’impact pourrait être moins important qu’en 2012, la politique budgétaire restera restrictive dans la zone euro.

Parallèlement, les conditions monétaires se resserrent avec les effets des remboursements de VLTRO et l’appréciation de l’euro depuis quelques semaines. Par ailleurs, l’assouplissement de la politique monétaire de la BCE n’est toujours pas répercuté dans les pays périphériques qui ne profitent pas de la faiblesse des taux d’intérêt. Le relatif optimisme de la BCE ces derniers temps l’incitant au « wait and see » pourrait rapidement céder la place à plus de prudence et à agir de nouveau.

Enfin, l’ajustement des bilans des agents privés n’est pas terminé avec la poursuite du désendettement dans un certain nombre de pays, ce qui constitue toujours un frein à la reprise de la croissance.

Ainsi, la dynamique de reprise de la zone euro va rester très faible. Les réformes mises en place dans différents pays en faveur du soutien de la croissance en zone euro, via la productivité, la compétitivité et l’innovation, ne soutiendront guère la croissance de court terme. Pour autant, la contraction du PIB devrait s’avérer moins prononcée début 2013 (-0,2% T/T attendu en T1) que fin 2012 et la croissance devrait redevenir positive en seconde partie d’année.

NOTES

  1.  Pour plus de détails cf. Thèmes économiques et financiers d’Eco hebdo : « Zone euro : fort recul du PIB au T4-2012 »
  2. Acquis statistique : moyenne annuelle obtenue si la croissance est nulle chaque trimestre de l’année.

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