Vers un renforcement de la gouvernance budgétaire en zone euro

par Alan Lemangnen, économiste chez Natixis

Après plus d’un an de négociations, les Ministres des finances de l’UE ont avalisé le 5 mars dernier le compromis trouvé quelques jours plus tôt entre la Commission et le Parlement au sujet du « two-pack », un paquet législatif visant à renforcer la gouvernance budgétaire de la zone euro.

La décision intérimaire de l’Ecofin – les textes seront officiellement adoptés en avril – vient donc compléter l’architecture institutionnelle que s’est progressivement forgée la zone euro en réponse à la crise. Mais alors que semblent se superposer les textes et procédures visant à renforcer la coordination des politiques économiques (Pacte de Stabilité et de Croissance, Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG), Semestre européen, « six- pack »), quelle sera la véritable valeur ajoutée du « two-pack » ?

Formellement, le paquet regroupe deux règlements : un premier sur le renforcement du contrôle et de l’évaluation des plans budgétaires des Etats de la zone euro, avec une attention toute particulière conférée aux Etats faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif (PDE) ; un second, relatif au renforcement de la surveillance des Etats faisant face (ou étant menacés) à de sérieuses difficultés financières, ou qui sont sous assistance financière de leurs partenaires.

Dans les faits, deux grandes mesures ressortent des textes, qui devraient entrer en application dès 2014 : Les Etats seront d’abord dans l’obligation de soumettre pour examen, au 15 octobre de chaque année, leur projet budgétaire pour l’exercice à venir à la Commission européenne. Si cette évaluation révèle de « sérieux écarts de conformité » avec les dispositions budgétaires du Pacte de Stabilité et de Croissance ou les recommandations spécifiques du Conseil européen dans le cadre du Semestre européen, la Commission pourra demander la révision du plan budgétaire.

Par ailleurs, tout Etat affrontant d’importantes difficultés financières ou bénéficiant d’une assistance financière de précaution sera automatiquement placé sous surveillance renforcée de la Commission. De même, les Etats recevant une assistance financière de ses partenaires devront de fait être soumis à un programme d’ajustement macroéconomique, ce qui pourrait concerner l’Espagne dans le cadre de l’aide octroyée pour la restructuration de son système bancaire. La principale innovation du « two-pack » consiste donc essentiellement en un renforcement significatif du pouvoir de la Commission vis-à-vis des gouvernements et des parlements nationaux, bien que ces derniers demeurent souverains pour le vote des budgets définitifs. L’étendue de ces nouvelles prérogatives reste toutefois à être clarifiée dans la pratique, notamment l’interprétation que fera la Commission de la notion d’« écarts sérieux de conformité » entre les budgets nationaux et les dispositions en matière budgétaire du traité.

Par ailleurs, le « two-pack » ne remplace pas le « six-pack » ou le TSCG, mais vient accentuer leur caractère contraignant. Ainsi permet-il le renforcement du volet préventif de la gouvernance budgétaire européenne prévu au « six-pack », garantissant de fait l’intégration des recommandations de l’UE dans la définition des politiques budgétaires nationales. Il assure en outre la transposition dans le droit communautaire des dispositions du TSCG, en particulier l’injonction faite aux Etats de se doter d’un organe indépendant en charge du contrôle de l’application de la règle d’or pour les finances publiques.

Politiquement, l’adoption du « two-pack » constitue surtout une nouvelle victoire de la vision allemande du « plus de contrôle avant plus de solidarité » en matière budgétaire. Mais ce compromis n’écarte pas la perspective d’une plus grande solidarité à moyen terme. Les eurodéputés ont en effet obtenu des Ministres des finances la conduite avant 2014, sous supervision de la Commission, d’une évaluation des avantages et inconvénients d’un fonds d’amortissement de la dette publique et de l’émission commune d’Eurobills. Si bien qu’au final, les revendications françaises de « plus de solidarité dans la rigueur », peu audibles jusqu’à présent auprès des partenaires du « Nord », pourraient ne pas rester lettre morte.

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