Zone euro : l’état des dossiers

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

La publication des hypothèses d’hiver de la Commission européenne indique que la sortie de crise sera lente en zone euro. Pour la plupart des Etats membres, 2013 sera encore une année de stagnation, voire de récession.

Allongement des calendriers

Les objectifs budgétaires auront du mal à être tenus. Dans ces conditions, la France a annoncé des coupes supplémentaires dans les dépenses, alors que l’Espagne négocie avec la Commission européenne un allongement du calendrier de réduction du déficit. Par ailleurs, les enjeux de politique intérieure compliquent la donne. Rappelons le cas italien : les marchés financiers avaient plébiscité la politique de modernisation de l’économie et de consolidation budgétaire menée par le gouvernement Monti depuis quinze mois.

Bruxelles envisageait de mettre fin, dans les prochaines semaines, à la procédure de déficit excessif contre l’Italie. Mais le changement de cap prôné par M. Bersani, si tant est qu’il parvienne à former un gouvernement dans les prochaines semaines, rebat les cartes.

Du mieux pour le Portugal et l’Irlande

C’est dans ces conditions que les ministres des finances de la zone euro se sont réunis à Bruxelles en début de semaine. Les questions irlandaise et portugaise étaient à l’ordre du jour. Le principe d’une assistance apportée aux deux pays pour parachever un retour sur les marchés (respectivement à la fin de 2013, et à la mi-2014) est désormais acquis. L’Eurogroupe demandera prochainement à la Troïka (FMI, CE et BCE) de faire une proposition visant à lisser le profil de remboursement des prêts internationaux. La demande du ministre des Finances irlandais, Michael Noonan, d’un allongement de la durée des prêts les plus courts (environ cinq ans) d’ici à 2020 serait acceptée. En revanche, celle d’une recapitalisation directe de son système bancaire par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) ne fait toujours pas l’unanimité et les Etats-membres de la zone euro ne sont pas parvenus à trouver un accord.

La question chypriote en suspens

La question chypriote, d‘autant plus épineuse qu’elle apparaît urgente, faisait elle aussi partie de l’agenda des ministres européens. Le nouveau gouvernement, issu des élections du 26 février et formé par le président élu, Nikos Anastasiadis, a pour mission de négocier auprès du FMI et de l’Union européenne un plan de sauvetage du pays. Son montant est évalué à EUR 17 milliards, dont EUR 8 à 10 mds pour recapitaliser le système bancaire très exposé à la crise grecque et qui représente 750 % du PIB. Envoyé à Bruxelles, le ministre des finances chypriote, Michael Sarris, a détaillé les réformes que son pays est prêt à mettre en œuvre, en particulier en ce qui concerne la privatisation de l’économie et la lutte contre le blanchiment d’argent (le pays devrait soumettre très prochainement son système bancaire à un audit). L’accord n’a toutefois pas été finalisé. Certains différents restent encore à régler. Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, s'est interrogé, ouvertement, sur l'importance systémique de Chypre, l'une des plus petites économies de la zone euro (moins de 1% du PIB total). En outre, il estime que les créanciers privés, principalement grecs et russes, doivent participer à la restructuration de la dette chypriote, ce à quoi s’oppose le nouveau gouvernement.

L’Allemagne en campagne

La position allemande a peu de chance de s’assouplir à l’approche des élections générales, ce qui pourrait entraîner un certain immobilisme européen d’ici septembre. En effet, la défaite de la majorité fédérale aux élections régionales de Basse-Saxe a singulièrement compliqué la tâche du gouvernement. Angela Merkel doit désormais tenir compte du jeu de l’opposition fédérale, entrée en campagne. Depuis sa victoire, le SPD, majoritaire au Bundesrat, est en mesure à la fois d’initier des projets de lois et de faire obstruction au gouvernement (plus de la moitié des textes requiert l’approbation de la Chambre haute). Il a déjà fait usage à deux reprises de ses nouvelles prérogatives. D’une part, le Bundesrat a récemment approuvé un projet de loi SPD d’introduction d’un salaire minimum à l’échelle fédérale (pour l’heure, la fixation des salaires est uniquement du ressort des partenaires sociaux). Ce dernier a peu de chance de passer au Bundestag où l’allié libéral de la CDU, le FDP, s’y opposera. D’autre part, la Chambre haute a bloqué la ratification du pacte budgétaire, les représentants SPD et Verts n’ayant pas obtenu en échange de leur soutien des avancées suffisantes dans certains domaines, comme les émissions de dette commune aux Länder et à l’Etat fédéral (Deutschland bonds) ou encore des rallonges budgétaires pour financer les routes communales. L’Allemagne se retrouve ainsi parmi les derniers pays à ne pas avoir encore transposé dans sa constitution le texte européen qui est entré en vigueur au 1er janvier

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