Conjoncture mondiale : le retour du « spécifique »

par Marie-Pierre Peillon, Directrice de la Recherche de Groupama AM

Etats-Unis : de la croissance, mais pas d’accélération à ce stade

Que ce soit dans l’industrie, dans les services ou dans la construction, les indicateurs de climat des affaires suggèrent que les États-Unis se situeraient actuellement en zone de croissance. En ce début d’année, la croissance américaine bénéficierait donc d’une dynamique positive de l’investissement, de la reconstitution des stocks et de l’investissement résidentiel.

Au-delà de la demande des entreprises, la demande des ménages aussi progresse. En fait, la consommation bénéficie de l’effet dit de « richesse » lié à la hausse des actions et des prix de l’immobilier. Les dernières statistiques publiées sur l’immobilier et sur les ventes de maisons neuves (+15,6% en janvier, la plus forte hausse sur un mois depuis 1993) confirment bien qu’une reprise est en cours dans l’immobilier américain. La hausse des prix de l’immobilier combinée avec celle des actions a donc permis, selon nos estimations, à la richesse totale des ménages américains de retrouver son niveau de pré-crise. De ce point de vue, la Fed réussit son objectif « intermédiaire » : faire baisser les taux longs pour soutenir les actions et l’immobilier, afin de doper la richesse des ménages et maintenir « sous perfusion » la consommation, le temps que les entreprises prennent le relais par l’investissement, avec pour corollaire l’objectif final de reprise de l’emploi.

Pour autant, l’élastique conjoncturel n’est pas suffisamment tendu à ce stade pour conclure que l’économie américaine accélère. Les carnets de commandes se regarnissent, mais cela manque encore d’impulsion. En effet, les incertitudes autour de la politique économique, notamment fiscale, empêchent toujours l’accélération.

Zone euro: toujours en zone de contraction, mais des prémisses d’un regain d’activité

La conjoncture européenne se caractérise en ce moment par une très forte hétérogénéité. Ainsi, l’écart entre le climat des affaires en Allemagne et celui de la France est au plus haut. Si les perspectives dans l’industrie s’améliorent franchement en Allemagne et sont encourageantes en Espagne, elles ne s’améliorent que timidement aux Pays-Bas, et restent déprimées en Italie.

Après des signaux de stabilisation, les dernières enquêtes auprès des chefs d’entreprises suggèrent donc des prémisses d’un regain d’activité. Reste que la consommation devrait encore plomber la croissance dans la plupart des pays européens, conduisant à des chiffres encore négatifs au premier trimestre. Le deuxième trimestre devrait traduire la stabilisation avec des chiffres de croissance en territoire positif. Au-delà, si le rebond se confirme en Asie et aux États-Unis, la Zone euro devrait bénéficier plus sensiblement de la dynamique positive du commerce international, et surtout, de façon plus homogène.

Pays émergents : un resserrement monétaire à venir

Les pays émergents sont également dans des situations conjoncturelles hétérogènes. Pour certains d’entre eux, un resserrement monétaire gagne même en probabilité. En Chine, la conjoncture est restée favorable début 2013. Elle a été alimentée par les exportations, qui ont progressé vers l’ensemble des destinations géographiques (Japon excepté). Elle l’a été également par l’investissement, en particulier dans la construction, effort financé en grande partie par le shadow banking chinois. En relation avec cela, le fait marquant en ce début d’année chinoise est le redémarrage du marché immobilier, avec à nouveau une progression des prix. A l’opposé, la consommation s’est révélée moins bien orientée, ce qui peut s’expliquer par un accroissement du taux d’épargne consécutif à ce redémarrage du marché immobilier (les ménages thésaurisent en prévision d’achats futurs plutôt que ne s’endettent). Or, ces évolutions ne vont pas dans le sens d’un rééquilibrage du modèle de croissance chinois vers la consommation. En conséquence, des mesures pour ralentir les transactions immobilières sont dans les « tuyaux », tandis qu’un resserrement monétaire (via une hausse des réserves obligatoires) est devenu plus probable, les conditions de crédit étant devenues de fait plus souples depuis près de six mois.

Au Brésil, où la croissance est revenue à un rythme annualisé proche de 3%, les tensions inflationnistes sont telles que la banque centrale ne parle plus de maintenir ses taux inchangés jusqu’en 2014, ce qui pourrait préparer là-aussi, à un resserrement monétaire précoce.