par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis AM
La crise se poursuit et le retour à une croissance forte et pérenne semble difficile à atteindre. Ainsi, depuis le second trimestre 2011, l’activité mesurée par le PIB recule en zone euro, tandis que celle de la France stagne. Un tel schéma exclut un retour rapide au plein emploi et pose la question du financement du modèle social car, notamment en France, celui-ci est conditionné par le niveau d’emploi.
Mais la voie vers une nouvelle croissance ne semble pas avoir été trouvée : ce point est clairement préoccupant. Certains préconisent une politique de soutien de la demande “tous azimuts” afin de stimuler l'activité à court terme et limiter le risque de hausse forte et durable du chômage. Si cela semble effectivement nécessaire, cela ne répond pas à toutes les questions.
Les pays européens se trouvent aujourd’hui confrontés à 4 défis majeurs. Si ceux-ci reflètent parfois les conséquences d’un certain passé, il s’agit surtout aujourd’hui de choix à opérer pour faciliter la convergence vers une trajectoire plus robuste.
Le poids du passé
La dynamique financière des années 2000 s’est traduite par une accumulation spectaculaire de dette privée. Les dynamiques liées à l’immobilier ont engendré une hausse de l’endettement. Pour éviter l’effondrement de l’activité en 2008 – 2009, les États ont mis en place des stratégies accommodantes entraînant in fine une hausse de la dette publique.
La résorption du désendettement des ménages et l’objectif de stabilisation des finances publiques prendra du temps : entre 5 et 10 ans selon Reinhart et Rogoff dans leur livre “Cette fois, c’est différent”. Ces deux éléments pénalisent la croissance et l'emploi à court terme. Poursuivre de tels objectifs nuit en effet à l'activité en limitant la demande adressée aux entreprises.
Ces effets du passé handicapent donc aujourd’hui la capacité des économies, notamment européennes, à disposer de suffisamment de latitude pour trouver la bonne trajectoire de croissance.
Changement d’équilibre de l’économie globale
Jusqu'à la fin des années 90, la dynamique de la production mondiale était conditionnée principalement par les États-Unis, l'Europe et le Japon. Les pays émergents ne jouaient qu'un rôle secondaire, hors périodes de chocs sur les matières premières. Cet équilibre a changé sous l'impulsion de la Chine et depuis le début des années 2000, les pays émergents sont devenus les principaux contributeurs à la croissance mondiale. Leur niveau d'activité a augmenté de façon substantielle et le rapport de force entre pays développés et émergents a nettement évolué en faveur de ces derniers.
Le dynamisme des émergents a par ailleurs des répercussions sur la situation des pays développés via ses impacts sur le prix des matières premières et ils sont devenus une source de concurrence aussi inattendue que fulgurante avec les montées en gamme et la nette amélioration de leur production.
Une profonde révolution technologique
Les capacités de calcul, l'intelligence artificielle ou la robotisation modifient en profondeur l'équilibre entre le capital technologique et le travail. La vitesse à laquelle la technologie se développe va obliger à repenser le travail mais de manière quelque peu paradoxale.
En augmentant la productivité, la technologie va en effet accroître le revenu de façon significative, alors qu’elle aura dans le même temps un impact fort et parfois négatif sur le travail. Les évolutions technologiques vont plus vite que notre façon d'appréhender ces questions. Les stratégies, les organisations et les qualifications devront donc être rapidement repensées.
Le choix énergétique
Pour des raisons écologiques liées au réchauffement climatique et parce que les énergies fossiles (notamment le pétrole) sont condamnées, de nouvelles ressources énergétiques doivent être trouvées pour permettre un développement “propre” et pérenne. C'est un enjeu majeur qui conditionne la forme de la croissance de demain.
Oubliées les énergies du passé, de nouveaux paris doivent être faits sur la façon d’extraire l'énergie dont nous aurons besoin. Et ces choix vont être conditionnés par la trajectoire de croissance qui sera suivie.
Conclusion
Les 4 éléments évoqués dans ce papier reflètent des contraintes essentiellement nées des années écoulées. Elles conditionnent l’avenir de l’Europe. Des orientations décisives devront donc être prises. Toute la difficulté réside dans notre capacité à nous adapter au nouvel environnement en définissant une ligne cohérente dans le temps sur les volets tant énergétiques, que concurrentiels ou technologiques. La maîtrise de ces situations va passer par davantage de flexibilité afin de pouvoir faire face systématiquement aux évolutions de notre environnement. Il s’agira dès lors de réagir rapidement afin d’allouer des ressources là où cela s’avèrera nécessaire pour développer une nouvelle activité porteuse de valeur ajoutée et d'emploi.