Royaume-Uni : en meilleure forme que la zone euro ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Le Royaume-Uni est revenu en croissance positive au premier trimestre (+0,3% T/T) alors que la zone euro est vraisemblablement restée en territoire négatif (les chiffres ne seront publiés que le 15 mai, notre estimation :-0,2% T/T). Cette divergence entre les deux zones pourrait s’avérer durable avec des perspectives de croissance un peu plus favorables au Royaume-Uni (même si elles restent faibles) que dans la zone euro pour 2013 et 2014.

Comment expliquer la meilleure performance de l’économie britannique comparée à celle de la zone euro ?

Il y a clairement une divergence de politiques économiques entre les deux zones avec un policy-mix globalement plus accommodant au Royaume-Uni que dans la zone euro.

D’une part, la politique budgétaire est moins restrictive, le Royaume-Uni ayant même décidé de faire un peu plus de déficit cette année pours soutenir son plan en faveur de l’investissement alors que la zone euro a du mal à sortir de son austérité excessive. Par ailleurs, la stratégie fiscale des pays de la zone euro n’est guère lisible, excepté celle de trouver des milliards pour réduire le déficit. Au Royaume-Uni, la politique menée peut être critiquable à divers points de vue mais elle a le mérite d’avoir un cap, celui de soutenir l’offre. En effet, de nombreuses mesures ont été prises en ce sens: plan de soutien au secteur immobilier, soutien à l’investissement, dépenses d’infrastructure1.

D’autre part, la politique monétaire est beaucoup plus offensive au Royaume-Uni que dans la zone euro. Si la base monétaire en % du PIB était du même ordre mi-2012 dans les deux zones (environ 18% du PIB), elle a continué de progresser au Royaume-Uni avec la poursuite du programme d’achats de titres du Trésor alors qu’elle a diminué en zone euro sous l’effet des remboursements des VLTRO2. Cette tendance pourrait se poursuivre avec la volonté affirmée de la Banque d’Angleterre de soutenir la croissance. Par ailleurs, la hausse de la base monétaire en zone euro a principalement servi à soutenir les banques mais pas directement à acheter de la dette publique. La BCE ne s’est pas (encore ?) engagée dans une politique visant explicitement à faire baisser les taux d’intérêt dans les pays périphériques.

Du point de vue des fondamentaux, la zone euro n’a pourtant que peu à envier au Royaume-Uni. La perte de compétitivité affecte les deux zones et la désindustrialisation britannique n’a rien de nouveau. Si le désendettement des agents privés est déjà bien avancé au Royaume-Uni (passant d’un pic de 196% en pourcentage du PIB fin 2009 à 182% récemment) alors que celui de la zone euro n’a guère commencé (de 137% à 133%), le niveau d’endettement privé est beaucoup plus faible dans la zone euro qu’au Royaume-Uni. Concernant les finances publiques, la zone euro se trouve dans une situation plus favorable avec un déficit en % du PIB bien inférieur à celui du Royaume-Uni (3,6% vs 5,6% en 2012) et une dette publique à peu près équivalente (93% vs 91% en 2012). Enfin, la balance courante reste négative outre Manche alors qu’elle est excédentaire dans la zone euro. Dans ces conditions rien d’étonnant que le Royaume-Uni se soit fait dégrader par une deuxième agence de notation récemment et ne fasse plus partie des pays AAA3. Pour autant, le Royaume-Uni n’a guère de mal à se financer en raison des interventions de la BoE.

Si la zone euro était une union fédérale, la situation ne serait pas si mauvaise. Le problème c’est que les écarts entre les pays sont très importants et que les efforts à faire dans ceux qui vont mal sont très coûteux, sans l’aide de ceux qui vont bien.

Au total, ce sont plus la différence de politiques économiques et l’incapacité de la zone euro à former une unité que les fondamentaux macroéconomiques qui sont à l’origine de la meilleure performance du Royaume-Uni. La morale de l’histoire est toujours la même, à savoir que de nombreux problèmes de la zone euro pourraient être atténués avec davantage d’intégration économique et de fédéralisme (budget fédéral, harmonisation fiscale, mutualisation des dettes publiques, union bancaire,…).

NOTES

  1. Cf. Note mensuelle Royaume-Uni d’avril 2013 « Royaume-Uni : qu’attendre des nouvelles mesures de soutien à l’investissement ? »
  2. VLTRO : very long term refinancing operations 3 CF. Thèmes économiques et financiers : « Royaume-Uni : et de deux ! »

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