par Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole
Les prix commencent à baisser. L’ampleur du recul est modeste en moyenne (-1,7% sur un an fin 2012 dans l’ancien), mais des baisses plus marquées sont observées sur certains segments. Les volumes de vente se replient assez nettement. Comme ce fut le cas en 2008, dès que le marché immobilier s’infléchit, les mêmes débats ressurgissent. Sommes-nous dans une bulle immobilière spéculative ? Le recul des ventes et des prix va-t-il être violent ? Allons-nous connaître, avec cinq ans de retard, la même spirale baissière qu’aux États-Unis ou en Espagne ?
Notre diagnostic ne change pas. L’ajustement en cours est d’ordre conjoncturel et s’explique par l’environnement économique et les mesures de durcissement fiscal. Mais le marché immobilier français se distingue de la plupart des marchés européens par des « fondamentaux » favorables.
Le contexte économique est très dégradé, croissance nulle, baisse du pouvoir d’achat, remontée continue du chômage. Les règles fiscales sont globalement durcies, surtout pour les investissements locatifs : en premier lieu, forte réduction de l’abattement sur les plus-values immobilières (hors résidences principales) ; mais aussi hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et plafonnement des niches fiscales. Le dispositif « Duflot » pour l’investissement locatif dans le neuf, qui remplace le « Scellier », devrait avoir un succès mitigé : réduction d’impôt de 18% de la valeur du bien, mais contraintes renforcées et fiscalité alourdie au moment de la revente.
Les fondamentaux du marché, qui restent favorables, exercent une force de rappel : demande structurellement forte (démographie, décohabitation, préparation de la retraite, effet valeur refuge…), pas d’excès d’offre de logements, pas de bulle du crédit, bas niveau des créances douteuses habitat, pas de resserrement marqué du crédit; pas de signes de bulle spéculative. De plus, les taux de crédit habitat sont en baisse depuis plusieurs mois. La faiblesse relative de l’offre limite la baisse des prix.
Le scénario le plus probable est donc non pas une correction rapide et marquée, mais un ajustement graduel, dans la durée. En 2013, les volumes de ventes se stabiliseraient à un bas niveau dans le neuf et reculeraient de 10% dans l’ancien. Les prix baisseraient de -5 à -6% en glissement annuel dans l’ancien, soit un repli cumulé de 7 à 8% entre fin 2011 et fin 2013. Une baisse des prix de 5% est attendue en 2014.