par Cedric de Fonclare, gérant du fonds Jupiter GF European Opportunities chez Jupiter Asset Management
Les années qui viennent devraient être caractérisées en Occident par une croissance faible, consécutive au mouvement de désendettement de ces dernières années. Dans cet environnement, nous privilégions les entreprises ayant un bilan sain, car cela signifie qu’elles sont à même de financer leur croissance et de verser des dividendes à leurs actionnaires. La stratégie serait radicalement différente si nous étions dans un contexte de croissance forte, dans lequel il faudrait favoriser les compagnies ayant un effet de levier important : quoiqu’on en dise, la qualité du bilan est importante !
La qualité des entreprises se mesure aussi à l’aune de la qualité de leurs activités. L’environnement concurrentiel est tel qu’il est nécessaire pour une entreprise de proposer des produits de qualité, d’être proche de sa clientèle ou encore d’être devenu un fournisseur essentiel dans la chaîne de valeur. Il est également important de comprendre la dynamique du secteur dans lequel l’entreprise opère, le rapport de force entre les fournisseurs et les clients, et la capacité de l’entreprise à fixer les prix. Ces aspects qualitatifs sont évalués lors des entretiens que nous avons avec le management des entreprises.
Ce dialogue avec les sociétés nous permet également d’affiner les prévisions faites sur des données financières, notamment celles sur la croissance des profits que nous souhaitons supérieures à la moyenne et donc à même d’engendrer une génération de cash flow elle aussi supérieure à la moyenne. En conséquence, sur les 12 derniers mois, le secteur de l’industrie a eu un poids prépondérant dans notre portefeuille et, dans une moindre mesure, le secteur des technologies. Mais nous ne regardons que les entreprises opérant en BtoB, comme SAP ou encore ASML, les valeurs technologiques en BtoC faisant face à un cycle de vie de leurs produits beaucoup plus court avec lequel nous ne sommes pas à l’aise.
Enfin le secteur des valeurs financières a aussi apporté sa contribution à la performance du portefeuille, mais a nécessité d’être très sélectif et de ne pas toujours opter pour les valorisations les plus basses, mais de tenir compte de leurs contextes respectifs. C’est la raison pour laquelle nous avons privilégié les banques scandinaves.
Plus généralement, et encore une fois dans le contexte actuel, nous sommes très prudents sur les extrémités du spectre des valorisations et préférons nous concentrer sur des entreprises dont les valorisations sont moyennes. En effet, selon nous, la croissance des revenus est le premier élément à surveiller concernant les actions européennes, bien plus que le niveau des valorisations. Entre la baisse du pouvoir d’achat et la hausse des impôts, avec un risque politique toujours présent, la croissance des bénéfices reste le défi le plus important à relever pour les entreprises européennes. D’ailleurs, les derniers chiffres publiés ont été le reflet de cette économie morose, avec malgré tout de bonnes surprises du côté des dividendes. Ces derniers ont donc participé à la hausse des cours d’entreprises ayant pourtant annoncé des prévisions prudentes de croissance pour 2013, à l’image d’Adidas.
Il faut cependant noter que certaines entreprises européennes légères en capital, avec des ramifications internationales et ne subissant pas d’interférences politiques, devraient pouvoir tirer leur épingle du jeu. Encore une fois, le stock-picking sera la clé.
Enfin, il nous semble que quelques secteurs sont à éviter pour les années à venir. Tout d’abord, le manque de visibilité sur les industries régulées (notamment les services de bien public) nous incite à rester à l’écart. Les télécoms, de leur côté, doivent se réinventer pour pallier au très fort taux de pénétration des téléphones portables. Et la taille conséquente d’acteurs établis comme France Telecom ou Deutsche Telekom, les rend vulnérables face à l’agilité des nouveaux entrants. Les valeurs financières que nous avions sélectionnées pour notre portefeuille ont jusque là bien progressé, il nous semble donc plus prudent maintenant de nous alléger, et ce d’autant plus que d’une manière générale le secteur est fortement dépendant de décisions politiques. Enfin, les pétrolières qui doivent faire face à un épuisement des réserves et à une augmentation des coûts, sont également un secteur à éviter.
D’une manière générale, nous préférons éviter toutes les entreprises gourmandes en capital, plus ou moins régulées et dépendantes de la croissance domestique, mais au contraire se diriger vers des entreprises ayant été capable de générer une croissance supérieure à la moyenne du fait de leur exposition à des tendances structurelles fortes, comme la démographie, la tendance à l’externalisation ou encore l’efficacité énergétique.