par Philippe Waechter, Directeur recherche économique de Natixis Asset Management
Depuis 2011, la conjoncture globale suit une trajectoire atone. Aucune des grandes régions, États-Unis, Chine ou Europe, n'a la capacité de caler sa croissance sur une trajectoire qui convergerait vers le plein emploi.
D’une gestion globale…
Cette situation est nouvelle. Dans le passé, il y avait toujours un pays qui réagissait rapidement et durablement après une récession pour retrouver une allure menant au plein emploi. Ce changement de régime avait un impact fort sur l'activité mondiale en permettant à celle-ci de se caler sur une trajectoire plus robuste. La récession était vite oubliée.
Les États-Unis ont généralement tenu ce rôle de locomotive en raison de leur capacité à réagir très vite et à adapter leur système productif à une configuration nouvelle.
Au début des années 2000, c'est la Chine qui a eu ce rôle de catalyseur.
…vers une gestion individuelle des contraintes
Aujourd'hui, la dynamique globale est celle d'une économie ou chaque grand pays gère les contraintes qui lui sont propres et où aucun d'entre eux n'est susceptible de provoquer une impulsion capable de modifier la trajectoire globale. Aux États-Unis, la gestion des ajustements de dettes privée et publique sont au coeur de la demande modérée adressée aux entreprises.
En Chine, le rééquilibrage de la croissance vers son marché intérieur est une nécessité.
Quant à la zone euro, elle doit renouveler le cadre institutionnel de la monnaie unique et trouver une plus grande autonomie de croissance. C'est probablement elle qui souffre le plus de la langueur globale puisque sa demande interne n'est pas capable de s'ajuster rapidement. Ceci, en raison d'une dette privée qui reste forte dans de nombreux pays mais aussi parce que le cadre institutionnelle de la monnaie unique n'étant pas stabilisé engendre de l'incertitude.
Comment sortir de cette dynamique atone ?
La question majeure pour les conjoncturistes est donc de déterminer l'évènement qui modifierait durablement les comportements. Quels seraient les facteurs qui permettraient de sortir de cette dynamique atone ? Ils peuvent traduire l'épuisement des situations qui actuellement contraignent les comportements. Ils peuvent venir aussi d'un changement d'équilibre.
Contraindre les comportements
– L'arrêt du désendettement des ménages américains
Cela leur redonnerait des ressources financières plus importantes et doperait la demande. Jusqu'à présent et depuis 2009 leur dette a baissé de 15 points de PIB à un peu plus de 80% désormais. C'est encore cependant bien au-delà du niveau constaté avant le début du gonflement immobilier des années 2000.
– Une politique moins rigoureuse en zone euro
L'objectif n'étant plus alors de réduire trop vite les déficits publics et de vouloir stabiliser à tout prix la dette publique. Les réflexions après la polémique récente sur la dette publique aura peut être un effet.
Modifier l’équilibre
– Une baisse durable du prix des matières premières
Un remake du contre-choc pétrolier du milieu des années 80 pourrait être envisagé mais sans hélas en avoir l'ampleur. Cela permettrait de rendre de nouveau solvable l'ensemble des acteurs économiques des pays occidentaux et leur donnerait une capacité de demande dont bénéficieraient l'activité et l'emploi. La faible croissance globale et le développement de la production américaine d'énergie peuvent aller dans ce sens.
– Quelle dynamique de taux d’intérêt ?
On peut caler la dynamique des taux d'intérêt sur cette conjoncture. Les banques centrales via leurs politiques très accommodantes facilitent les ajustements macroéconomiques et favorisent ainsi la dynamique de la reprise.
Les taux d'intérêt très bas traduisent d'abord l'absence d'opportunités sur d'autres actifs. Dès lors que ces opportunités ne se présenteront pas il serait illusoire d'imaginer une remontée durable des taux d'intérêt. En effet, l'impact d'un tel mouvement serait de fragiliser la reprise et finalement de faire retomber la dynamique. C'est pour cela que tant que la trajectoire de l'économie globale restera atone, les taux resteront très bas.