Union bancaire : l’impact des récents accords sera à surveiller

par Alan Lemangen, économiste chez Natixis

Lors du Sommet européen des 28-29 juin 2012, les chefs d’Etats et de gouvernements avaient envoyé un signal fort aux marchés en s’engageant à rompre le lien entre les dettes souveraines et les bilans bancaires avec le lancement de deux grands projets institutionnels : doter l’Europe d’une Union bancaire (de supervision, de résolution et de protection des déposants) et conférer à l’ESM la compétence de recapitaliser directement les banques en difficulté (sans passer par les comptes publics).

Dès décembre 2012, un accord était trouvé par l’Ecofin au sujet du premier volet de l’Union bancaire, le Mécanisme unique de supervision (SSM), qui confère à la BCE (à partir de mi-2014) des compétences élargies de supervision (en coopération avec les autorités nationales) sur les banques européennes. Le jour même de l’accord, l’agenda pour 2013 était fixé : parvenir, avant le Sommet des 27-28 juin, à un accord sur les recapitalisations directes et une directive relative à l’harmonisation des pratiques de résolution bancaire. C’est chose faite depuis les 20 et 26 juin derniers. L’Eurogroupe s’est d’abord accordé sur les recapitalisations directes par l’ESM. Les nouvelles compétences du mécanisme de sauvetage seront néanmoins particulièrement restreintes pour limiter le risque d’aléa moral :

  • L’enveloppe dédiée sera ainsi plafonnée à 60 mds EUR, soit à peine plus de 10% de la force de frappe totale de l’ESM ;
  • L’intervention de l’ESM ne pourra concerner que les « dettes futures », c’est-à-dire postérieures à l’entrée en vigueur de la supervision unique de la BCE (bien que des recapitalisations rétroactives pourront être envisagées au cas par cas et sur une base exceptionnelle ;
  • Enfin, l’ESM n’interviendra qu’en dernier recours, après le bail-in des actionnaires et des créanciers et conjointement avec les gouvernements ;

Ce qui devait être une des clés de voute de la stabilisation financière de la zone Euro est au final un instrument bien limité. Pour autant, l’engagement de Juin 2012 n’en reste pas moins vivace. Mais plutôt que de mobiliser des fonds publics (même mutualisés) pour sauver les établissements bancaires en difficulté, l’idée prévalant désormais est de s’attaquer directement à la source du problème, en mettant à contribution de manière prioritaire le secteur privé (bail-in) en cas de sauvetage bancaire. L’accord de l’Eurogroupe du 20 juin y fait clairement référence et celui de l’Ecofin du 26 juin en définit le cadre : la directive sur le redressement et la résolution bancaires est, à peu de choses près, l’institutionnalisation du précédent chypriote, où les banques ont été recapitalisées sans injections de fonds publics. Le changement de paradigme est donc clair : désormais, les investisseurs devront prendre leurs pertes en cas de sauvetages bancaires et l’argent du contribuable ne pourra être utilisé qu’en dernier recours.

Ce glissement vers une logique plus affirmée du partage de la charge, s’il va effectivement dans le sens d’une décorrélation entre risque souverain et risque bancaire, n’est pas sans susciter des inquiétudes. En particulier sur le coût de financement des banques européennes. Les actionnaires et les créanciers étant désormais « bail-inables », une prime de risque supplémentaire pourrait apparaître sur une bonne part du passif bancaire. Et ce de manière hétérogène en fonction de la qualité de crédit de l’établissement, puisque celle-ci reste souvent très liée à celle de leur souverain. Au final, si les récentes avancées institutionnelles ont été globalement bien reçues, il faut rester prudent : plutôt que d’assurer la défragmentation des marchés financiers européens, elles pourraient l’accroître, particulièrement – ironie du sort – au détriment des banques européennes.

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