Que nous révèlent les fonds alternatifs ?

par Patricia Kaveh, Directeur du Développement d’Henderson Global Investors France, Monaco, Genève

De nombreux investisseurs n’investissent pas dans les fonds alternatifs, du fait qu’ils soient offshore voir non réglementés ou simplement parce qu’ils ne croient pas en cette tendance. Or depuis plusieurs années, il est enfin possible d’accéder aux stratégies des fonds alternatifs par l’intermédiaire des Newcits qui offrent une meilleure liquidité et plus de transparence. Plusieurs raisons nous poussent à observer l’évolution de ces fonds alternatifs, dont les encours sous gestion ont quasiment atteint 2.5 trillions de dollars, car les études produites par les principaux courtiers qui détaillent positionnements et performances peuvent se révéler très instructives.

Les informations provenant des fonds alternatifs sont souvent plus opportunes et reflètent mieux leur positionnement réel que celles des fonds commun de placement. En effet, les données des fonds alternatifs montrent leur positionnement actuel plutôt que de simples opinions reflétant souvent la façon dont les gérants traditionnels souhaiteraient être investis plutôt que leurs réels investissements. Les fonds alternatifs peuvent également être considérés comme une réserve d’argent « intelligente ». Ce n’est pas parce qu’ils sont fondamentalement plus intelligents que les fonds traditionnels mais parce que leurs allocations sont basées sur de fortes convictions plutôt que la résultante de contraintes indicielles ou sectorielles.

Les données des fonds actions long/short, l’une des stratégies les moins obscures parmi les stratégies de gestion alternative, sont généralement les plus révélatrices. Ces fonds initient des positions longues (achat) sur les titres qu’ils apprécient mais également des positions courtes (vente) sur des titres qu’ils n’aiment pas. Les principaux indicateurs pour ces stratégies sont l’exposition brute globale du fonds (la somme des positions longues et des positions courtes) et l’exposition nette (positions longues moins positions courtes). Une exposition brute élevée reflète généralement la conviction du gérant dans sa sélection de titres et son niveau de confort face à la volatilité de ses titres et celle du marché en général. L’exposition nette peut être influencée par les vues macro- économiques du gérant et/ou sa conviction dans ses positions sous-jacentes.

Selon les données publiées par Goldman Sachs, l’exposition longue nette a atteint 53% au cours du premier trimestre de cette année, soit un niveau record. Alors que les niveaux bruts sont tout naturellement bien inférieurs à leurs niveaux d’avant crise (aux vues des contraintes de financement et des récentes montées brutales de la volatilité). L’effet de levier dans les stratégies long/short a néanmoins progressé de façon constante depuis fin 2011.

Si ces données sont utiles, il faut néanmoins aller plus loin que le simple fait de conclure que les fonds alternatifs n’ont jamais été aussi « bullish ». Ces données montrent que les gérants sont convaincus que leurs stratégies fonctionnent et qu’ils continueront de performer – et les chiffres, qui ont nettement progressé depuis mi-2012, viennent le confirmer. Mis à part la déroute de 2008, 2011 fut la pire année pour les stratégies long/short depuis 1994. Les actions étaient volatiles et le MSCI World Index a chuté de 5% (en dollars US). Cependant, les stratégies long/short ont enregistré de bien plus mauvais résultats, un péché capital, surtout lorsque l’on sait que le S&P 500 a progressé de 2% au cours de cette année.

Le problème rencontré par les gérants de fonds alternatifs au cours de cette période fut le manque de dispersion entre les actions. En d’autres termes, le cours des actions entre mi-2011 et mi-2012 n’a pas fortement évolué. Le marché était à l’époque influencé par les inquiétudes macro-économiques, liées principalement à l’Europe. L’attitude des investisseurs a oscillé entre la prise de risque et l’aversion au risque, valeurs cycliques ou défensives. Au cours de cette période, les fondamentaux des sociétés, qui sont essentiels au succès d’un gérant long/short, ont été relégués au second plan. Il est impossible de s’attendre de façon réaliste à ce que les gérants génèrent de l’alpha si leurs positions longues et courtes évoluent de façon parallèle.

La dispersion entre les performances des actions dans le marché a augmenté et ainsi les fonds alternatifs performent de nouveau. De plus, les données annualisées rendement/risque sur les dix dernières années sont attractives étant désormais quasiment identiques à la performance des actions, avec une volatilité deux fois plus faible. C’est ce que les investisseurs attendent d’une stratégie action long/short. Cependant, tous les marchés ne conviennent pas à des stratégies de ce genre. Nous continuons de surveiller de près les données et les mesures globales des fonds alternatifs, telles que la corrélation et la dispersion, afin d’évaluer l’ensemble des opportunités.