par Philippe Waechter, Directeur de la Recherche Economique de Natixis Asset Management
Le Trésor américain et la Fed ont décidé la création d'une structure qui achèterait les actifs toxiques (non liquides et très dévalorisés) des institutions bancaires et financières à un prix réduit. Les mesures mises en œuvre depuis une semaine n'ont pas été efficaces. Malgré d'importants apports de liquidités de la part de nombreuses banques centrales, le fonctionnement du système financier n'est pas revenu à la normale, ni aux USA, ni ailleurs.
L'objectif est donc de définitivement sortir ces actifs toxiques des bilans des institutions bancaires et financières afin que celles-ci puissent à nouveau fonctionner normalement. Dis autrement, un plan de ce type mutualise les risques. Jusqu'à présent, les risques financiers étaient cantonnés principalement au secteur financier. Avec la création de cette structure, le risque est porté par tous. Cette mutualisation repose sur l'idée que la remise en fonctionnement du système financier permettra à l'économie de retrouver plus rapidement le chemin de la croissance. Ne pas mutualiser est prendre le risque qu'un secteur clé (la finance) pénalise trop durablement la croissance économique.
Les contours de ce plan ont été évoqués au Congrès américain jeudi soir mais son détail (les types d'actifs, les types d'institutions) ne sera probablement connu qu'au cours de la semaine à venir. Le montant des actifs pris en charge par cette structure serait de 500 milliards selon le Trésor américain. D'autres estimations vont jusqu'à 1000 milliards de dollars. Pour en jauger l'ampleur cela représente entre 3.5 et 7 % du PIB américain. Le coût final sera moindre car une partie des actifs va se revaloriser dans le temps.
Outre le détail des actifs qui seront concernés, l'autre question est de savoir qui paiera cette structure. Soit ce financement est interne et dans ce cas il sera assumé par le contribuable américain. Cette hypothèse est peu probable. Soit elle est financée par émission de dette publique et dans ce cas, tout le monde participera au financement de cette structure car la dette publique américaine est détenue en grande partie par des investisseurs étrangers ou internationaux. Ces derniers détiennent 28 % de la dette brute et 55 % de la dette nette (la dette nette est la dette totale moins celle détenue dans les comptes d'administration et dans les comptes de la Fed).
Le plan ressemble à ceux mis en œuvre dans les années 30 ou à la fin des années 80. Cependant, le détail (celui que l'on connait déjà) ne permet pas une comparaison directe. Dans les années 30, le RFC (Reconstruction Finance Corporation) achetait des actions préférentielles afin de consolider le capital des banques et pour leur permettre de prêter davantage. Dans les années 80, le RTC (Resolution Trust Corp) avait à gérer des établissements (caisses d'épargne) qui étaient en faillite. Il fallait liquider les actifs des institutions qui avaient fait faillite. L'entité qui sera créée prendra en charge les actifs toxiques d'institutions qui sont encore viables. Le parallèle n'est donc pas aussi immédiat. La mise en place de cette entité permet de limiter une source d'inquiétude sur la croissance, mais toutes les hypothèques ne sont pas encore levées.
Les évolutions observées depuis une semaine avaient engendrées un ré étalonnage du risque de la part des investisseurs et des opérateurs de marché. Cela s'était traduit par une fuite très importante des actifs risqués vers les actifs sans risques (le taux des bons du Trésor à 3 mois étaient tombés à 0.02 %). La mutualisation provoquée par cette nouvelle entité va progressivement réduire le risque globale et rendre plus attrayants les actifs risqués. Si le plan est effectivement mis en œuvre, il est probable que le pire est derrière nous même si cela ne signifie pas que les reprises de l'économie et des marchés seront immédiates.