France : où en sont les comptes ménages et entreprises ?

par Axelle Lacan, économiste au Crédit Agricole

• L’Insee a publié fin septembre les comptes nationaux détaillés du deuxième trimestre. La progression du PIB en volume de 0,5% t/t est confirmée (après -0,1% t/t au premier trimestre, chiffre révisé à la hausse de 0,1 point). Ce rebond de l’activité s’est accompagné d’une légère amélioration des comptes des ménages et de ceux des entreprises.

• Le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages a progressé de 0,5% t/t, grâce à l’accélération du salaire moyen par tête, sous l’effet de versements de primes. Parallèlement au sursaut de l’activité et à la hausse de la valeur ajoutée induite, le taux de marge des sociétés non financières s’est amélioré, de 28,2% à 28,5%.

• Malgré des avancées sur le front de l’emploi, notre scénario table sur un repli du pouvoir d’achat des ménages au second semestre, en raison de l’accélération des impôts sur le revenu et le patrimoine, et au redressement des prix à la consommation. La situation financière des entreprises sera également pénalisée par la hausse des prélèvements fiscaux et sociaux, dans un contexte d’activité atone.

Un léger mieux pour les ménages et les entreprises au deuxième trimestre

– Nouvelle hausse du pouvoir d’achat des ménages

Le pouvoir d’achat des ménages a progressé de 0,5% t/t, sous l’effet de l’accélération des revenus d’activité (+0,6% t/t) et du tassement des prix à la consommation (-0,1% t/t).

Le revenu disponible brut des ménages avait déjà sensiblement augmenté au premier trimestre (+1,3% t/t) grâce à la forte baisse des impôts sur le revenu et le patrimoine (contrecoup d’un second semestre 2012 très dynamique). Il s’améliore à nouveau au deuxième trimestre (+0,4% t/t), sous l’effet, cette fois-ci, de l’accélération des revenus d’activité. Le salaire moyen par tête a été un peu plus dynamique, grâce au versement de primes. Les prestations sociales (indemnités journalières et prestations familiales notamment) ont également progressé un peu plus rapidement (+0,8% t/t, après +0,7% t/t).

Dans le même temps, les prix à la consommation ont reculé en moyenne sur le trimestre (-0,1% t/t, après +0,3 % t/t).

– …et du taux de marge des entreprises

Le redressement du taux de marge1 des sociétés non financières (SNF) s’est poursuivi au deuxième trimestre, de 28,2% à 28,5%.

L’excédent brut d’exploitation des SNF a connu sa hausse la plus marquée depuis le premier trimestre 2010 (+2,3% t/t, après +0,8% t/t).

– Les charges d’exploitation (rémunérations et impôts liés à la production) ont pourtant pro- gressé plus rapidement qu’au premier trimestre, en conséquence de l’accélération de la masse salariale versée (moindre repli de l’emploi et hausse plus forte du salaire par tête).

– Mais la hausse des ressources d’exploitation a été plus forte, grâce au rebond de l’activité et à la progression marquée de la valeur ajoutée qui l’a accompagné.

Une fin d’année sous contraintes pour les ménages

– Contrecoup attendu pour le pouvoir d’achat des ménages

La situation du marché de l’emploi devrait s’améliorer au second semestre 2013. Notre scénario table sur des destructions nettes d’emplois moins nombreuses au troisième trimestre (4 000, après 11 000 au deuxième trimestre) et même des créations nettes d’emplois en fin d’année (10 000 prévues au quatrième trimestre).

Deux tendances se distinguent, avec un emploi dans les secteurs marchands toujours sous la pression de l’atonie de l’activité passée et un emploi dans les secteurs non marchands dynamisé par la mise en place de contrats aidés.

– Le gouvernement a annoncé la mise en place de 100 000 emplois aidés supplémentaires (contrat unique d'insertion – contrat d'accompagnement dans l'emploi – CUI-CAE) pour la fin de l’année 2013, l’enveloppe totale retrouvant ainsi son niveau de 2012 (soit 440 000 emplois aidés).

Par ailleurs, 100 000 entrées en emplois d’avenir sont prévues pour 2013. 21 500 postes ont été créés au premier semestre. Les emplois d’avenir, destinés à lutter contre le chômage des jeunes peu ou non qualifiés, sont réservés aux 16-25 ans sans qualification et issus de quartiers sensibles ou de zones rurales. Ils sont principalement destinés au secteur non marchand (collectivités, hôpitaux, associations). La subvention de l’État atteint 75% du Smic, pour une durée comprise entre un et trois ans. Le secteur privé peut dans quelques cas recourir à ces contrats pour des emplois à « utilité sociale avérée » ; la participation de l’État n’est alors que de 35% du salaire. Un effet de substitution (recrutements de jeunes qui auraient été de toute manière embauchés) pourrait néanmoins légèrement atténuer l’impact positif de ces contrats aidés sur l’emploi total.

Malgré ces évolutions plutôt favorables sur le marché de l’emploi, le revenu disponible brut des ménages est attendu en recul au second semestre 2013 (-0,5% t/t et -0,3% t/t respectivement aux troisième et quatrième trimestres).

– Au troisième trimestre, les revenus d’activité ne seront plus soutenus par le versement de primes. Ils devraient donc freiner, et ne progresser que modestement, de l’ordre de +0,2% t/t.

– Au second semestre, les impôts sur le revenu et le patrimoine vont accélérer (+5% t/t environ par trimestre). L’impact des mesures de la loi de finances 2013 est en effet concentré sur cette période, à l’instar de la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu ou de la baisse du quotient familial.

En conséquence du repli du revenu disponible brut et de la légère hausse attendue des prix de la consommation des ménages (+0,1% t/t et +0,3% t/t attendus aux troisième et quatrième trimestres), le pouvoir d’achat est attendu en baisse sur la fin de l’année (-0,6% t/t, et -0,5% t/t aux troisième et quatrième trimestres).

Face à ce repli, et afin de limiter les fluctuations de la consommation, les ménages devraient moins épargner. Ainsi, le taux d’épargne s’ajusterait à la baisse sur le second semestre, passant de 16% au deuxième trimestre à 15% en fin d’année.

Au total, après avoir fortement reculé en 2012 (-0,9% en moyenne annuelle), le pouvoir d’achat des ménages devrait très légèrement progresser en 2013 (+0,2% en moyenne annuelle). Le taux d’épargne serait de 15,6% en moyenne sur l’année, comme en 2012, avec un profil heurté suivant celui du pouvoir d’achat.

– Un redressement seulement modéré du taux de marge des SNF fin 2013

Notre scénario table sur une quasi-stabilisation du taux de marge au second semestre 2013, à 28,6% en fin d’année. Ceci est cohérent avec nos prévisions de faible progression de la valeur ajoutée, dans un contexte d’atonie de l’activité (stabilisation du PIB en volume au troisième trimestre puis progression de 0,1% t/t au quatrième trimestre).

Le revenu disponible (RDB) des SNF, qui correspond aux profits une fois les intérêts, dividendes et impôts sur les bénéfices versés (autrement dit, l’épargne), souffrira quant à lui de l’accélération des impôts sur les bénéfices sur la seconde partie de l’année.

Sa progression sera en revanche forte en 2014, avec la mise en place du Crédit d’impôt Compétitivité Emploi (4% de la masse salariale – salaires de 1 à 2,5 SMIC – en 2014, 6% en 2015) et de diverses mesures de soutien (notamment la refonte de la fiscalité des plus-values mobilières).

Ainsi, il atteindrait 14,8% en 2014, après 13,1% en 2013 (hors prise en compte de la probable surtaxe de l’impôt sur les sociétés pour les plus grandes entreprises, toujours en débat).

NOTES

  1. Taux de marge au sens de la comptabilité nationale: Excédent brut d’exploitation/Valeur ajoutée.

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