par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Après avoir échoué à se mettre d’accord sur le vote du budget ou sur la prolongation des crédits, les membres du Congrès américain ont provoqué le shutdown1 de l’administration américaine le 1er octobre. Un jour, deux jours,… 10 jours ! Et ça semble parti pour durer encore. C’est maintenant au tour du plafond de la dette d’être au centre des préoccupations.
S’il devrait être atteint le 17 octobre, le Trésor aura encore un peu de trésorerie pour tenir et éviter un défaut de paiement sur sa dette jusqu’à la fin octobre. Il semble toutefois que les républicains et les démocrates soient sur la voie pour trouver un compromis mais qui n’atténuerait les tensions qu’à court terme puisqu’il permettrait d’augmenter le plafond de la dette pour 6 semaines. La situation risque donc de rester tendue pendant cette période. Une entente à court terme ne réglerait pas le problème de fond des difficultés persistantes à trouver des compromis qui va peser sur le climat politique jusqu’aux prochaines élections. Un défaut sur la dette nous semble toutefois improbable, en raison des conséquences sur la notation des Etats-Unis et des impacts potentiels sur les marchés.
Face à cette déferlante de « mauvaises » nouvelles depuis quinze jours, la nomination de Janet Yellen par B. Obama, dont la confirmation au Sénat ne devrait pas, a priori, poser problème, constitue une bonne nouvelle à plusieurs titres. Tout d’abord elle permet de lever une incertitude en écartant les possibilités, certes peu probables, de nomination d’autres candidats. De plus, Yellen est probablement la mieux placée aujourd’hui pour remplacer B. Bernanke : vice- présidente de la Fed, ancienne présidente de la Fed de San Francisco, économiste renommée, elle est spécialiste de la politique monétaire. Elle est par ailleurs bien connue des marchés. Enfin, sa nomination est également bien accueillie car Janet Yellen fait partie des membres les plus dove de la Fed, c’est-à-dire de ceux privilégiant une politique monétaire favorisant la croissance, mais sans complaisance face au risque inflationniste. La nomination de J. Yellen suggère une certaine continuité dans la politique monétaire qui va être menée et une sortie très progressive du QE32.
La publication des Minutes du FOMC du 18 septembre ne modifie pas cette dernière perception. Elles ont confirmé ce que l’on savait déjà, à savoir le désaccord entre les membres de la Fed concernant la réduction des achats de titres dès le mois de septembre, et que le maintien du QE3 avait été un « close call ». Le point intéressant est la mise en avant (par ceux qui souhaitaient diminuer les achats) de la potentielle perte de crédibilité et de prédictibilité de la politique monétaire que pouvait impliquer un statu quo après avoir envoyé au marché le signal que le tapering était imminent. Alors que la communication est devenue un outil privilégié de la banque centrale, il nous semble, en effet, que la Fed a fait une erreur en maintenant son programme d’achat intact, rendant la politique monétaire plus incertaine. C’est bien dommage après les efforts et les progrès accomplis avec l’introduction de la forward guidance et la transparence sur les stratégies de sortie.
Par ses effets sur la croissance et la perturbation des statistiques3, les imbroglios actuels entre républicains et démocrates pourraient avoir un impact important sur la politique monétaire et les marchés financiers mondiaux. Alors qu’une réduction des achats semblait très probable lors du FOMC de décembre, cette hypothèse devient de moins en moins plausible. Il va, en effet, être de plus en difficile pour la Fed de réduire ses achats à une période où les statistiques ne seront vraisemblablement pas meilleures qu’en septembre. Dans ce contexte d’incertitude, la communication va rester un outil très précieux pour guider les anticipations des agents.
. Yellen va donc hériter de la difficile tâche du pilotage de la sortie des politiques monétaires non conventionnelles. Si une sortie en douceur est la seule solution pour éviter tout krach sur les marchés financiers, il nous semble cependant indispensable de commencer à réduire les achats (ce qui ne constitue pas un resserrement monétaire !), de façon à éviter à ce que la réduction de certains déséquilibres macroéconomiques (taux de chômage) ne conduise à l’augmentation de déséquilibres financiers.
NOTES
- Fermeture de l’administration américaine faute de vote du budget au Congrès ou de prolongation des crédits
- QE3 : politique quantitative 3
- CF. Eco Hebdo du 04 octobre, thèmes économiques et financiers n°3 « Etats-Unis : les risques associés aux négociations budgétaires ».