Italie : tutto bene… ou presque

par Cédric Thellier, économiste chez Natixis

L’arrivée au pouvoir de M. Renzi en février avait été accueillie par Fitch sous la forme d’un maintien de la perspective négative associée à la note BBB+ de la dette souveraine, l’agence de notation soulignant les incertitudes tenant à la durabilité des gouvernements et à leur capacité à consolider le budget et engager des réformes structurelles. Ce matin, Fitch a relevé sa perspective à « stable », prenant acte de l’évolution favorable de l’environnement transalpin depuis un peu plus de deux mois et de l’amélioration des perspectives :

  1. La sortie de récession, engagée au dernier trimestre 2013, devrait être confirmée pour les trois premiers mois de 2014 comme le suggère le redressement des indicateurs avancés(1). Si la reprise reste fragile, la croissance devrait néanmoins se redresser pour atteindre 0,5% en 2014, après deux années de forte contraction de l’activité (-2,4% en 2012 puis -1,8% en 2013) ;
  2. Bien que le risque politique n’ait évidemment pas disparu, il convient néanmoins de reconnaître que le volontarisme (très) affiché de Renzi en matière de réformes structurelles semble pouvoir conduire à quelques avancées non négligeables, au moins jusqu’à présent, notamment en ce qui concerne la flexibilisation du marché du travail ;
  3. Quant à la consolidation budgétaire, la Commission européenne vient de publier les chiffres de déficit public pour 2013 et l’Italie affiche un ratio stable à 3% du PIB, dans la limite imposée par Bruxelles. Si l’objectif gouvernemental de 2,6% pour 2014 nous semble quelque peu optimiste dans la mesure où il repose en particulier sur une hypothèse de croissance (+0,8%) supérieure à la nôtre, sur un programme de réduction de la fiscalité qui n’apparaît pas totalement financé et sur la baisse effective des dépenses, ne pas dépasser la barre des 3% paraît néanmoins crédible ;
  4. De plus, les risques budgétaires liés au secteur financier s’amenuisent, les principales banques profitant de l’amélioration des conditions de marché pour renforcer leurs fonds propres, anticipant ainsi les résultats de l’examen des bilans bancaires conduit par la BCE ;
  5. Dans ce contexte, le coût de financement de la dette publique continue de diminuer, les titres d’Etat italiens ayant retrouvé la faveur des investisseurs avec notamment un taux souverain à 10 ans qui a reculé de 50 pb supplémentaires depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement et qui s’affiche aujourd’hui autour de 3,10%.

De bonnes nouvelles, certes. Mais de nombreux risques persistent cependant. Outre la fragilité de la reprise – compte tenu notamment du niveau historiquement élevé du taux de chômage (13%), de l’investissement des entreprises freiné par les surcapacités de production et des conditions de financement encore difficiles ; et celle du gouvernement qui doit naviguer dans les eaux agitées des prochaines élections européennes, l’inquiétude sur les finances publiques pourrait selon nous (re)surgir si les regards – de la Commission, des agences de notation, des investisseurs, se portent non plus sur la trajectoire du solde budgétaire mais sur celle de la dette publique.

Certes, après avoir augmenté de près de 30 points de PIB depuis le plus bas de 2007, passant de 103,3% à 132,6% selon les derniers chiffres d’Eurostat, celle-ci devrait être quasi-stabilisée cette année et commencer à décroître à partir de 2015. Une première étape relativement encourageante que ne franchiront pas encore la France ou l’Espagne d’ici là. Mais la règle fixée par Bruxelles d’une réduction d’1/20ème par an (en moyenne sur 3 ans) de la partie supérieure à 60% (critère de Maastricht) voudrait que la dette publique italienne s’affiche à 122% en 2016. Or à cet horizon, même avec des hypothèses plutôt optimistes de croissance et de déficit public, le gouvernement table sur une dette à 129,8%, encore loin de la règle donc.

Espérons alors que la Commission regarde avec « compréhension » le programme de stabilité italien, et ses projections de finances publiques, qui tente de trouver un compromis avec la priorité donnée à la consolidation de la reprise et le respect de l’objectif de 3% de déficit, celui de la dette étant relégué au second plan. Si au contraire elle se montrait « rigoureusement » exigeante à cet égard, le risque serait alors celui d’une nouvelle défiance des investisseurs vis-à-vis de la dette italienne, potentiellement contagieuse, et reposerait la question de la restructuration des dettes souveraines en zone euro…

NOTES

  1. Une première estimation du PIB du T1 sera publiée le 15 mai.

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