par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, Xavier d’Ornellas, Gérant Associé – Pôle Gestion Flexible, avec la participation de Jean-Michel Mourette, économiste chez Amplégest
En Europe, depuis des mois, même des années, nous pourrions demander, dans une transcription du conte de Charles Perrault « la barbe bleue » : « Anne ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? ». La réponse, invariablement, reste la même : rien ne vient, rien ne change, tout semble figé. Les réformes se font, soit trop tard, soit trop lentement, soit à contre temps. Leur effet récessif à court terme ne fait qu’augmenter la température du malade. Les désaccords à l’intérieur de la zone entre l’Allemagne d’un côté, la France et l’Italie de l’autre, rendent difficile un consensus politique. Les mauvais résultats nourrissent le pessimisme, qui lui-même contribue à la stagnation. Cercle vicieux…
Et pourtant nous voulons ici adresser un message plus positif sur l’avenir. Quatre faits nous permettent d’espérer prochainement un printemps dans la zone euro :
Comme nous l’anticipions dans notre dernier point macro, Mario Draghi a changé de braquet avec les annonces faites début septembre. La BCE, outre un abaissement de ses taux directeurs, prévoit un vaste programme de rachat de créances, afin de relancer le crédit bancaire aux entreprises. Les huit TLTRO programmés d’ici septembre 2018, visent à inciter les banques à prêter d’avantage aux entreprises et aux ménages. Jusque-là les prêts massifs à taux quasi nuls accordés aux institutions financières par la banque centrale n’avaient pas eu l’impact escompté, les banques préférant investir dans l’achat d’obligations d’Etat, plus sûres et rentables. Une économie où la monnaie ne circule pas, où le crédit ne se diffuse pas, ne peut pas rebondir de manière pérenne. Les choses changent, progressivement, grâce à l’action et à la vigilance de la BCE, qui a su passer outre les réticences allemandes. Les dernières statistiques sur l’augmentation du crédit aux entreprises sont une hirondelle qui, espérons le, contribuera au printemps.
L’euro a perdu plus de 8% depuis le début de l’année face au dollar. Ce repli, que l’on n’espérait plus, va redonner de la compétitivité à nos industries. Certaines études montrent que la hausse du dollar depuis le début de l’année, si elle devait durer et à fortiori s’accentuer, pourrait se traduire par un surplus de croissance de 0,5% à 1% pour la zone euro en année pleine. L’inflation importée, qui s’accroit lorsque la devise d’une zone baisse, serait paradoxalement plutôt une bonne nouvelle dans une zone menacée de déflation.
La baisse du pétrole, aujourd’hui à des prix favorables, est également positive pour la croissance économique. Traditionnellement un tel mouvement est bon pour la consommation et le moral des ménages, même s’il est atténué en grande partie par l’effet devise. Le prix du baril reste bien sûr sujet aux incertitudes géopolitiques. On constate néanmoins qu’en dépit des tensions actuelles au moyen orient, la baisse s’est poursuivie, incitant même les pays de l’OPEP à envisager une réduction de la production. Le pétrole n’est pas aujourd’hui un risque qui pourrait gripper la machine, d’autant que la production américaine a désormais dépassé celle de l’Arabie Saoudite.
La croissance des Etats-Unis est désormais bien établie. Elle semble même s’accélérer, avec une reprise de l’investissement qui était le dernier maillon manquant à la chaîne américaine. Cette croissance va finir par impacter positivement, avec des délais, la zone euro. Nous pensons que le wagon européen finira par profiter de la locomotive américaine, comme on l’a constaté à plusieurs reprises dans l’histoire économique depuis la seconde guerre mondiale.
Ces quatre points nous redonnent donc un peu d’espoir pour une zone qui jusqu’à présent tourne au ralenti. Les marchés étant généralement en avance sur l’économie, nous avons déjà anticipé ces hypothèses économiques dans nos allocations. Nous sommes surpondérés en actions européennes dont la valorisation n’est pas excessive et le rendement intéressant. Les autres classes d’actifs européennes sont aujourd’hui peu attrayantes, avec des taux proches de zéro. Nous pensons que les grandes valeurs internationales, sensibles au dollar et à la croissance, vont bénéficier de ces mouvements, ce qui devrait profiter à notre fonds Multicaps. Nos fonds flexibles pourraient en outre réallouer prochainement une partie de leurs actifs vers les actions européennes
En espérant que soeur Anne ne se soit pas trompée !