French bashing ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

La France passe souvent pour l'homme malade de l'Europe avec sa croissance faible, ses difficultés à réformer et son incapacité à réduire son déficit public. S'ajoutent son manque de compétitivité et en corollaire son déficit courant.

Notre point n’est pas de remettre en cause ce constat, ni de nier les problèmes français. Cependant, alors que l’on compare souvent la France avec son voisin anglais en mettant en avant le dynamisme de ce dernier, il nous semble important de souligner que si la situation conjoncturelle du Royaume-Uni est clairement plus favorable aujourd’hui que celle de la France, ses fondamentaux structurels ne le sont guère.

D'un point de vue conjoncturel, l'économie britannique va afficher cette année un taux de croissance de 3 %, nettement supérieur au modeste 0,4% attendu en France. Le corollaire est une amélioration significative de son marché du travail et une forte baisse du taux de chômage alors que la France n’a pas encore stabilisé le sien qui a légèrement dépassé 10%.

Cette divergence cyclique entre les deux économies s'explique en grande partie par les différences de politiques économiques menées ces dernières années, la réduction du déficit public outre-manche n’ayant pas été une priorité et la Banque d’Angleterre ayant mis en place une politique monétaire très expansionniste (achats d’actifs, programmes de crédit). Cette dernière a permis notamment un redémarrage de l'immobilier et conduit au retour de la croissance lié aux effets richesse induits (immobilier et financier). Par ailleurs, la baisse du taux de chômage britannique masque une situation très hétérogène avec une forte hausse de l'emploi indépendant (emplois précaires) qui implique de très faibles progressions des salaires.

Sur les fondamentaux macroéconomiques, la comparaison est nettement moins flatteuse pour le Royaume Uni.

Sur le front de la croissance potentielle, tant la France que le Royaume-Uni enregistre de faibles gains de productivité, proches de respectivement 0,9% et 0,6% sur les trois dernières années.

Le problème de compétitivité des entreprises françaises et leurs pertes de parts de marché sont aussi souvent évoquées pour illustrer la faiblesse de la France mais on observe la même situation au Royaume-Uni. Les entreprises anglaises ont perdu 45% de parts de marché depuis le début des années 2000, soit un ordre de grandeur comparable à la France (40%). En termes de solde extérieur, les deux pays enregistrent des déficits courants et sont donc tributaires des financements externes. Là encore, la France n’a pas vraiment à rougir face à son homologue anglais avec un déficit courant de l’ordre de 2,5% (du PIB) alors que le Royaume-Uni est plus proche de 4%. Par ailleurs, il faut souligner que la France a pris un certain nombre de mesures (Pacte de responsabilité) visant à améliorer la situation des entreprises françaises, dont le taux de marge est faible, pour qu’elles se remettent à investir et ensuite à embaucher.

Du côté des finances publiques, le gouvernement français se trouve actuellement sur le devant de la scène, ayant finalement présenté un budget prévoyant un déficit de 4,3% en 2015, bien supérieur aux 3% auxquels il s’était engagé (cf SR « France : les grandes lignes du Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2015 »). Mais les finances publiques du Royaume-Uni n’ont pas encore été assainies, le déficit public devrait atteindre 5% cette année. Si la dette publique est légèrement inférieure à celle de la France, elle dépasse toutefois les 90% de PIB.

Concernant l’endettement privé, les agents non financiers sont moins endettés en France qu’au Royaume-Uni, notamment les ménages, avec un taux d’endettement de 85% du revenu disponible brut vs 130% pour les anglais. Du côté des entreprises, l’écart est plus marginal (endettement de 65% du PIB en France vs 72% pour le Royaume-Uni en début d’année 2014).

Enfin si la situation politique est aujourd’hui compliquée en France et plus globalement dans la zone euro, les référendums britanniques sur l’indépendance de l’Ecosse et sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne reflètent bien le malaise politique outre-manche. Au total si la situation économique française est aujourd’hui dégradée avec la conjonction de problèmes conjoncturels et structurels, il faut cependant nuancer ce propos.

Retrouvez les études économiques de Natixis