par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Une fois n’est pas coutume, la France fait mieux que ses voisins européens au troisième trimestre avec une croissance de 0,3% T/T vs 0,2% pour la zone euro dans son ensemble et 0,1% pour l’Allemagne (cf. « PIB Zone euro : le pire n’est jamais certain »). Après deux trimestres de stagnation, la croissance française rebondit et ressort supérieure aux attentes, ce qui constitue une surprise positive. Toutefois, le « bon » chiffre du PIB masque de bonnes et de moins bonnes nouvelles.
Du côté des points « positifs », la consommation des ménages continue de progresser modérément soutenue par la désinflation. De plus, l’investissement des entreprises se stabilise quasiment (-0,1% T/T) après deux trimestres de baisse alors que la dégradation de la confiance ces derniers mois suggérait une contraction plus marquée. Certes, il n’y a pas de quoi crier victoire mais finalement l’évolution est moins négative qu’attendu. Par ailleurs, les exportations se renforcent légèrement. Concernant les points négatifs, l’investissement logement des ménages et l’investissement des administrations publiques continuent de se contracter significativement. De plus, les stocks contribuent positivement à la croissance à hauteur de 0,3pt mais une partie est le reflet de fortes importations de matériel de transport.
Cette amélioration du PIB augure-t-elle un vrai rebond ou n’est-ce finalement qu’un feu de paille ? Il ne faut probablement pas s’attendre à un redémarrage fort de la croissance française à court terme. On connaît bien les faiblesses structurelles de l’économie française, notamment sa faible croissance potentielle liée à des gains de productivité modestes, son manque de compétitivité et en corollaire son déficit commercial et courant. La déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires dégrade la profitabilité des entreprises et décourage l’investissement. Tout ceci caractérise un problème d’offre. Les réformes mises en œuvre (CICE, Pacte de responsabilité) vont dans le bon sens mais n’auront pas un effet immédiat sur la croissance. Par ailleurs, outre la question de la baisse de la fiscalité, les entreprises ont besoin d’un cadre fiscal stable et d’un choc de simplification.
Sont souvent opposés les problèmes d’offre et de demande, or si la France souffre du premier, elle pâtit également d’un problème de demande à court terme. Pendant la dernière décennie, la demande des ménages a progressé plus rapidement que la production mais depuis la crise ce n’est plus le cas. Or dans un environnement de confiance dégradé et avec des perspectives de demande en berne, les entreprises sont peu incitées à investir.
Quel soutien attendre des politiques économiques ?
Du côté budgétaire, les marges de manœuvre sont inexistantes, le déficit prévu dans le PLF 2015 va déjà être difficile à tenir. En revanche, le plan d’investissement de 300Md€ sur trois ans annoncé au niveau européen pourrait être positif s’il était finalement mis en œuvre.
Du côté monétaire, les mesures prises par la BCE peuvent paraître inefficaces (cf « La BCE et les marchés ») car elles n’ont eu, pour le moment, que peu d’impact sur le crédit bancaire et n’ont pas permis une reprise de l’investissement logement. Elles ont cependant des effets positifs sur le financement du déficit public via des taux d’intérêt très faibles (diminution du coût de la dette) mais aussi sur la compétitivité des entreprises via la dépréciation du taux de change. L’eurodollar a perdu environ 10% depuis début mai et le taux de change effectif s’est déprécié de 5%. Ce retournement de tendance est une bonne nouvelle pour les entreprises exportatrices françaises même si les exportations resteront contraintes par l’absence de redémarrage du commerce mondial et une croissance faible en zone euro (environ 45% des exportations françaises).
Par ailleurs, la baisse du prix du pétrole depuis cet été va soutenir le revenu des agents privés, notamment celui des ménages ce qui devrait permettre à la consommation de continuer à progresser modestement malgré la faiblesse de l’emploi. Au total, ce sont plutôt des facteurs exogènes qui pourraient soutenir la croissance française en 2015, dans l’attente d’un réel redémarrage de l’investissement des entreprises et de l’emploi. Pour cela, c’est également un retour de la confiance dont la France a besoin.