par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Comme lors de son conseil d’octobre où les marchés avaient été déçus par le statu quo, la BCE semble marquer une pause en décembre en n’annonçant aucune nouvelle mesure. Cette attitude de « wait and see » tranche avec le discours du 21 novembre de Mario Draghi dans lequel il avait alors dit « nous ferons ce que nous devons faire pour accroitre l’inflation et les anticipations d’inflation aussi vite que possible… » suggérant que de nouvelles mesures pour augmenter la taille du bilan étaient imminentes. Eh bien non ! Pas d’achat de titres corporate, pas d’assouplissement des conditions aux TLTRO… La BCE veut prendre le temps d’évaluer l’impact des mesures déjà annoncées et l’effet de la baisse du prix du pétrole. Pour autant, le discours est resté très dove et semble suggérer que la BCE n’est plus très loin d’annoncer de nouvelles mesures…
Le communiqué et surtout la conférence de presse ont apporté des informations intéressantes :
- Concernant la taille du bilan, la formulation a été modifiée. Le mois dernier, les nouvelles mesures adoptées par la BCE devaient avoir un impact important sur la taille du bilan, dont il était attendu (« is expected to ») qu’elle revienne au niveau de début 2012. Début décembre, le « attendu » s’est transformé en « intention » (« is intended to »). M. Draghi explique néanmoins que ce n’est toujours pas un objectif (« target »)… Il y a toutefois un pas en avant dans cette direction…
- Deuxième point important et qui tranche avec le mois dernier, le communiqué n’a pas été adopté à l’unanimité (notamment sur le changement précité)… Il incorpore d’ailleurs un paragraphe supplémentaire indiquant qu’en début d’année, le conseil fera une évaluation de sa politique monétaire (stimulus monétaire atteint, taille du bilan, évolution des prix) et de l’effet à attendre de la récente baisse du prix du pétrole sur l’inflation à moyen terme. Les résultats de cette évaluation pourraient alors la conduire à agir.
- Sans surprise, la BCE a fortement revu ses projections de croissance et d’inflation à la baisse. La croissance est désormais attendue à 1% en 2015 et 1,5% en 2016 (vs respectivement 1,6% et 1,9%). De son côté, l’inflation est révisée significativement à la baisse à 0,7% pour 2015 et 1,3% pour 2016 (vs respectivement 1,1% et 1,4%). Point intéressant, ces projections ne prennent pas en compte les récentes baisses du prix du pétrole faisant peser un risque baissier supplémentaire.
Outre des discours très dove lors des semaines passées, plusieurs éléments nous laissent penser que M. Draghi et d’autres membres souhaiteraient passer à la vitesse supérieure, en élargissant le spectre des achats.
Concernant l’effet pétrole, on aurait pu imaginer le souhait de la BCE de nuancer la faiblesse récente et future de l’inflation zone euro en soulignant que la baisse du prix du pétrole était un choc d’offre. Au contraire, M. Draghi parle d’effets de transmission aux autres composantes et d’effets de second tour (effet de transmission aux salaires)… mais cette fois évidemment à la baisse…. Il insiste également sur la baisse de l’inflation des services… En d’autres termes, son discours est beaucoup plus alarmiste sur les perspectives d’inflation.
Par ailleurs, un choc d’offre pétrole a un effet positif sur la croissance. Certes, Draghi le mentionne rapidement mais insiste plus sur son potentiel impact déflationniste.
Enfin, les différentes options de QE ont été discutées et M. Draghi précise que des achats de titres souverains rentrent dans le mandat de la BCE et qu’ils ne requerraient pas l’unanimité des gouverneurs du Conseil.
Si le prix du pétrole reste à son niveau actuel (70$ le baril) dans les mois qui viennent, l’inflation de la zone euro risque d’être proche de 0% en janvier et légèrement négative en février et mars, obligeant une nouvelle fois la BCE à revoir à la baisse sa prévision d’inflation. Dans ce contexte, il deviendra alors de plus en plus difficile pour la BCE de ne pas faire davantage… surtout si les anticipations d’inflation continuent de baisser. Pour avoir un réel impact sur la taille du bilan, il sera alors compliqué d’éviter les achats de titres souverains.