par Christopher Dembik, Economiste chez Saxo Banque
La publication d’indicateurs PMI en net recul en France est la preuve incontestable qu’en dépit de facteurs externes favorables, la croissance n’est toujours pas de retour et ne risque pas de l’être cette année. Un PIB en progression de 1% – 1,2% pour 2015 sera déjà un exploit.
Le secteur des services, qui a pourtant été l’un des rares éléments de soutien de l’activité ces derniers mois, accuse un ralentissement surprise mais il semble peu probable qu’une dégradation plus importante ait lieu. Il s’agit vraisemblablement d’une pause avant une poursuite de la hausse.
En revanche, deux points noirs subsistent. Le secteur du BTP, qui est habituellement appréhendé comme un indicateur avancé de croissance, est sinistré avec une activité qui ne devrait redémarrer que vers la fin de l’année, dans le meilleur des cas. Par ailleurs, les perspectives de reprise du secteur manufacturier restent faibles, ce qui a certainement freiné la progression du PIB au premier trimestre. En témoigne la part des exportations françaises de produits manufacturiers dans la zone euro qui reste encore très loin de ses niveaux de 2006. Malgré les mesures fiscales prises dans le cadre du pacte de responsabilité, le secteur manufacturier en profite peu. Les principaux bénéficiaires sont les secteurs protégés de l’économie et peu exposés à la concurrence internationale, comme la grande distribution par exemple.
L’évolution conjoncturelle prouve, une nouvelle fois, que les facteurs externes considérés comme des catalyseurs de croissance ont un impact plutôt faible. L’influence de la baisse de l’euro est, en particulier, souvent surestimée dans les études. On a trop tendance à oublier que la dévaluation monétaire engagée par la BCE ne profite qu’à un pan marginal de l’économie qui ne représente qu’environ 11% du PIB. L’évolution des PMI français en avril constitue, à cet égard, une piqûre de rappel salutaire.
Les trimestres à venir devraient confirmer la croissance molle et peu créatrice d’emplois de l’économie française. Nous maintenons notre anticipation de retour plus notable de l’activité à partir de mi-2016, ce qui permettrait d’envisager un repli du taux de chômage seulement à partir de cette période.
Depuis 2012, à marche forcée, la France a indéniablement entamé sa révolution copernicienne en laissant plus de place à l’initiative individuelle, en encourageant et en accompagnant la prise de risque et en privilégiant un Etat stratège plutôt qu’un Etat omnipotent. Cependant, les réformes sont encore bien trop timorées pour permettre un rebond perceptible de l’activité. Notre principale inquiétude aujourd’hui a trait au fait que l’entrée dans un intense cycle électoral a toutes les chances d’hypothéquer toutes velléités de réformes. La croissance sera bien là à moyen terme mais tout indique que la France ne sera pas en mesure de rattraper son retard par rapport au reste de l’Europe, et notamment celui pris depuis près de quinze ans face à l’Allemagne.