par Charles Bouffier, Directeur général délégué d'Egamo, Responsable des gestions
Dans un contexte international moins porteur, la croissance du PIB attendue pour la zone Euro a été maintenue par la BCE à +1,5% en 2015 et à +1,9% en 2016, elle a été légèrement révisée à la baisse à +2% en 2017 (versus 2,1% précédemment).
Les données d'enquêtes, même si elles cessent de progresser et témoignent d'un petit ralentissement du redressement de la croissance, demeurent néanmoins à un niveau élevé sur un an : l'indice PMI-composite de l'activité du secteur manufacturier et des services (confiance des directeurs d'achat) pour la zone Euro a légèrement reculé en mai à 53,6 points (versus 53,9 en avril). Le PMI des services s'est établi à 53,8 en avril (versus 54,1 en avril), et celui de l'industrie a progressé à 52,2 (versus 52 en avril).
Les disparités entre pays demeurent néanmoins importantes dans notre zone. Sur un an au premier trimestre 2015, la croissance du PIB en zone Euro s'est établie à 0,99%. En Espagne, elle s'est élevée à 2,63%, en Allemagne 0,95%, au Portugal 1,4%, en France 0,7%, elle a été nulle (-0.01%) en Italie.
Certains facteurs favorables à l'activité continuent de se renforcer tandis que d'autres faiblissent à court terme :
Aux Etats-Unis, même si la croissance attendue sur l'ensemble de l'exercice selon la FED serait d'environ 2%, la croissance du PIB au premier trimestre 2015 a été décevante et encore révisée à la baisse, avec une contraction de -0,7%, négativement impactée par le recul des exportations (à -7,6%, les importations progressant de +5,6%), la baisse des investissements des entreprises (-2,8%); la consommation des ménages, à +1,8%, a bien résisté. Le taux de chômage a légèrement progressé à 5,5% en mai 2015 (versus 5,4% en avril), le nombre de créations d'emplois s'élevant à +280 000 en mai 2015 (versus 221 000 en avril). Si l'inflation (CPI) est encore négative à -0,2% sur un an en avril, l'indice Core CPI progresse pour sa part de 1,8% sur un an. Les gains de pouvoir d'achat des ménages américains continuent néanmoins d'alimenter davantage l'épargne qu'un surcroît de consommation. Ce ralentissement de la croissance des Etats Unis, qualifié de temporaire par la Fed, avec une inflation toujours basse, ne remet pas en cause le principe d'une hausse des Fed Funds dans les prochains mois, le FOMC ayant même évoqué un risque de "Surchauffe" de l'économie américaine.
La baisse de l'Euro contre Dollar, par rapport au seuil de 1,39 début mai 2014, est favorable aux exportations Européennes. Cette baisse de l'Euro semble néanmoins connaître un point d'inflexion, à 1,12 actuellement (versus un point bas à 1,05 en mars 2015) en liaison avec le ralentissement de la croissance aux Etats Unis et la meilleure résistance de la croissance dans notre zone.
En zone Euro, la distribution de crédit confirme mois après mois son amélioration. Sur un an, les prêts aux entreprises non financières (en données corrigées) ont très faiblement reculé à -0,1% en avril 2015 (versus -0,2% en mars 2015) et les prêts aux ménages ont progressé sur un an à +1,3% en avril 2015 (versus +1,1% en mars 2015). Les taux d'intérêt très bas, dans le cadre d'une politique monétaire très accommodante, favorisent cette amélioration progressive du crédit privé, tout en réduisant le coût du service de la dette pour les Etats.
Par ailleurs, les marges de flexibilité dans le cadre du Programme de stabilité et de croissance favorisent des politiques budgétaires moins restrictives. Le Plan Juncker, d'un montant de 315 milliards d'euros, sera lancé dès cet automne, les dépenses des Etats dans ce cadre pouvant être traitées favorablement en matière "d'autorisation" de déficit. La poursuite de la mise en œuvre des réformes structurelles dans les pays périphériques permet d'envisager un renforcement du potentiel de croissance à moyen terme.
Enfin, le prix très modéré de l'énergie et des matières premières reste globalement un facteur de soutien, notamment en dynamisant la consommation des ménages qui ont bénéficié d'un gain de pouvoir d'achat. La baisse du prix du pétrole est néanmoins interrompue depuis plusieurs semaines. Le prix du baril de Brent se situe actuellement aux alentours de 65 Dollars (nettement en dessous du seuil de 115 Dollars atteint en juin 2014).
Toutefois, des facteurs défavorables à l'activité persistent : A l'international, les incertitudes géopolitiques demeurent vivaces et peuvent toujours perturber le scénario global de manière imprévisible.
Au Japon, la reprise de l'activité reste excessivement dépendante des exportations, en raison d'un manque de vigueur persistant de la demande intérieure (la consommation des ménages a reculé, pour le 13 ème mois consécutif, de -1,3% en avril), malgré la mise en oeuvre des Abenomics . La croissance du PIB a été cependant de +1% au premier trimestre 2015 (par rapport au trimestre précédent) grâce à la progression des dépenses d'investissement, et pour la première fois depuis deux ans, les salaires ajustés de l'inflation ont progressé de 0,1% en avril.
La zone émergente continue de s'essouffler. La Chine a enregistré au T1 une croissance de son PIB de 7%, en régression par rapport à son niveau de 2014 (7,4%); son industrie continue de se contracter en mai 2015 avec un PMI manufacturier à 49,1 (versus 48,9 en avril). L'Inde inquiète les investisseurs avec des projets de taxation accrue des plus-values. Au Brésil, le PIB du premier trimestre a reculé de 1,6% en rythme annuel. Les pays émergents exportateurs de pétrole souffrent des bas prix de production. Dans ce contexte, le commerce international est globalement moins porteur.
La question de la pérennité du Royaume Uni dans l'Union Européenne peut être une source d'incertitudes.
Concernant les facteurs endogènes à la zone Euro, même si le doute sur la possibilité de conclure un accord sur le dossier Grec régresse, le problème persiste pour l'instant. En zone Euro, le chômage reste à un niveau élevé bien qu'en recul (en avril 2015, il s'est établi à 11,1% versus 11,2% en mars 2015) ce qui ne contribue pas à un rétablissement de la confiance des ménages, et pèse toujours sur la consommation.
Concernant les entreprises, les capacités de production demeurent excédentaires, freinant ainsi un redémarrage de l'investissement. Celui-ci serait pourtant nécessaire pour prendre le relais de la consommation dont la dynamisation par la baisse du prix de l'énergie semble proche de son terme.
L'inflation sur un an en mai en zone Euro a progressé à 0,3% (versus 0% en avril et -0,1% en mars). L'inflation dite "core", hors prix de l'énergie et de l'alimentation, s'est établie à +0,9%. Il se confirme que le risque de déflation régresse, l'anticipation d'inflation à 5 ans dans 5 ans est à 1,74%, elle se rapproche de la cible de 2% de la BCE. Les agrégats monétaires présentent par ailleurs des taux de progression significatifs sur un an en avril 2015 : +5,3% pour M3 et +10,5% pour M1. La BCE a révisé à la hausse ses prévisions d'inflation à +0,3% en 2015 (versus 0% précédemment), et les a maintenues à +1,5% en 2016 et 1,8% en 2017 pour la zone Euro.
La BCE va continuer de mettre en œuvre une politique monétaire accommodante et des mesures de soutien à la distribution de crédit. Le QE sur titres souverains, dont Mario Draghi a réaffirmé qu'il durera jusqu'à son terme en septembre 2016, se déroule en conformité avec les objectifs quantitatifs fixés par la BCE. En mai, le montant des achats de la BCE s'est élevé à 63 milliards d'euros (en incluant outre les obligations d'Etat, les ABS et les obligations sécurisées) et pourrait être supérieur en juin, en anticipation de la période "creuse" estivale. Les conditions de refinancement pour les banques dans le cadre du TLTRO sont très favorables.
Même si l'amélioration de l'activité en zone Euro atteint un palier sur la base des derniers indicateurs connus, et si le relais que doit prendre l'investissement tarde à se manifester, à la suite du rebond de la consommation, la croissance est néanmoins meilleure qu'attendu dans notre zone en tout début d'année, tant dans l'absolu qu'en relatif par rapport aux autres blocs économiques, et le risque de déflation continue de s'estomper.
Conclusions sur les principales classes d'actifs
Ce scénario macro-économique incite à une prudence modérée, avec une neutralité globalement concernant la progression des marchés d'actions et des marchés obligataires.
– Pour les marchés obligataires : (Les opinions que nous formulons concernent les Effets Cumulés)
Concernant le Directionnel Etat, nous demeurons neutres sur le core et sur les périphériques. La volatilité persiste. Les taux se réapprécient globalement et en particulier sur les pays périphériques avec un portage de plus en plus intéressant.
Concernant les Courbes d'Etat, nous demeurons neutres sur le core et sur les périphériques. La pentification sur toute la courbe liée au directionnel se poursuit.
Concernant les obligations indexées à l'inflation, notre opinion demeure neutre sur le core et passe de neutre à positive sur les périphériques. Les taux réels remontent sur les périphériques et les Break Even baissent légèrement dans le mouvement de remontée générale des taux (opportunités d'achat).
Concernant le risque crédit, pour les sécurisées, notre opinion demeure neutre sur le core et sur les périphériques. Le portage est faible, les achats de la BCE se poursuivent.
Pour les financières et les corporates, sur le core nous demeurons neutres et sur les périphériques nous évoluons de neutres à positifs. Des opportunités d'investissement existent notamment sur les périphériques suite à la correction des taux.
Pour le High Yield, nous évoluons de positifs à neutres. La prudence en liaison avec la volatilité globale des marchés, est de mise. Pour les marchés de dettes émergentes, nous demeurons neutres, à court terme. Pour les obligations convertibles, notre vision évolue de neutre à négative. Le niveau élevé de la volatilité implicite et la perte de convexité incitent à la prudence.
Pour l'ensemble de ces thématiques d'investissement, la politique monétaire aux USA, la Grèce et le prix du pétrole seront à surveiller plus particulièrement.
– Pour les marchés d'actions :
Pour les actions, la composante Valorisation demeure neutre, la composante Résultats passe de positive à neutre, le Momentum et la note globale demeurent neutres. Le potentiel de hausse se réduit sans remise en cause de la tendance. Les thématiques d'investissement portant sur les fusions/acquisitions et les cycliques sont à privilégier. Dans ce contexte, la politique monétaire aux USA, la Grèce, le prix du pétrole et les parités de change seront à surveiller tout particulièrement.
– Pour les classes diversifiantes :
Pour les Matières Premières, notre opinion demeure neutre. Pour l'Alternatif, notre opinion demeure positive en Effet Cumulé, l'environnement de taux bas et le contexte de volatilité étant toujours propices aux stratégies alternatives.