par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Un compromis entre la Grèce et ses créanciers a finalement été trouvé le 12 juillet permettant le maintien de la Grèce dans la zone euro au moins à court terme.
Première réaction, le soulagement. En effet, le compromis a deux mérites : le premier d’éviter une sortie désordonnée de la Grèce avec des conséquences vraisemblablement désagréables pour tout le monde (cf edito GREXIT : le pari perdant – perdant) ; le deuxième est d’envisager un financement de la Grèce jusqu’en 2018 avec un plan d’environ 85Md€ pour tenter de stabiliser la situation.
Deuxième réaction, la déception lorsque l’on regarde les contreparties demandées à la Grèce (mise sous tutelle, politique fiscale restrictive) et le manque de réelle volonté de discuter sur la dette publique sont restées au second plan. Une impression de « déjà vu ». Rappelons en effet que la Grèce a déjà bénéficié depuis 2010 de deux plans de sauvetage à hauteur de plus de 200Md€ et d’une réduction de sa dette de 105Md€… qui ont conduit ni au retour de la croissance, ni à la stabilisation de l’endettement public. La Grèce s’est enfoncée depuis 2010 dans un cercle vicieux où l’austérité a conduit à une chute de la croissance, cette dernière rendant difficile l’atteinte des objectifs budgétaires. On s’est aperçu que le multiplicateur budgétaire était finalement beaucoup plus élevé qu’anticipé.
Quelles conséquences du compromis ? Les créanciers pensent que la mise en place de réformes, accompagnée d’une aide de 35Md€ sur les fonds européens sur 5 ans permettrait un retour de la confiance et de la croissance à moyen terme. Cela nous semble bien optimiste. S’il est effectivement validé (par les différents parlements nationaux), la mise en place du nouveau plan va contraindre la Grèce à poursuivre et intensifier les réformes, ce qui, pour un certain nombre d’entre elles, est légitime. Toutefois, pratiquer à nouveau une politique fiscale restrictive alors même que l’économie grecque est en train de plonger semble assez paradoxale et va vraisemblablement conduire l’économie à une aggravation de la récession. …
Les créanciers demandent à la Grèce d’obtenir des excédents primaires (hors charges de la dette) de 1% cette année, 2% en 2016 et 3% en 2017, ce qui peut paraître surmontable sur le papier. En effet, la Grèce a enregistré un excédent primaire de 2,3% du PIB en moyenne de 1995 à 2000 mais avec une croissance du PIB de 3,8% en moyenne sur la période… La situation est très différente aujourd’hui, et l’obtention de ces excédents primaires semble compliquée avec une économie vacillante et une inflation négative…
Par ailleurs, les excédents primaires demandés risquent de ne pas suffire à stabiliser la dette…
Le solde primaire stabilisant la dette dépend du niveau de la dette publique et de l’écart entre les taux d’intérêt réels et la croissance réelle de l’économie. Plus la dette (en % du PIB) et l’écart entre les taux d’intérêt réels et la croissance sont élevés, plus le solde primaire doit être important.
En calculant les niveaux du solde primaire nécessaire pour stabiliser la dette à son niveau de 2014 (177% du PIB) en fonction de différents scénarios de taux d’intérêt et de croissance, on s’aperçoit que l’équation va rapidement devenir très compliquée pour la Grèce (en excluant les privatisations qui se sont révélées bien modestes ces dernières années). Aujourd’hui le taux d’intérêt apparent sur la dette est d’environ 2%. La croissance réelle était proche de zéro en début d’année 2015 et l’inflation est significativement négative (-1,1% en juin). Même en prenant un scénario « rose » d’un taux d’intérêt réel de 2,0% (soit un déflateur nul) et une croissance réelle de 1% (ce qui semble difficilement réalisable compte tenu de la situation actuelle), on obtient un solde primaire nécessaire de 1,8% du PIB en 2015… Dans un scénario plus plausible d’un taux réel de 2,5% (déflateur négatif de 0,5%) et d’une croissance nulle, le solde primaire stabilisant la dette passe à 4,4% du PIB…
La situation semble donc assez difficilement gérable et la solvabilité des finances publiques grecques non acquise.
Ainsi, la question d’une réduction de la dette grecque dont les européens ne veulent pas entendre parler va réapparaître tôt ou tard. Les européens ont peut-être gagné une bataille contre les grecs en leur imposant finalement ce compromis mais la guerre risque d’être encore longue et pénible pour les deux parties.