par Ariel Bezalel, Gérant du fonds Jupiter Dynamic Bond chez Jupiter Asset Management
Entre une banque centrale américaine méfiante et la situation en Grèce qui est loin d’être résolue, le marché du crédit devrait rester instable, mais les obligations souveraines australiennes pourraient être la solution pour réduire le risque de même que les opportunités offertes par Chypre et en Inde.
En durcissant le ton à propos de ses intentions, la Fed n’a fait qu’accroître l’incertitude ambiante sur les perspectives concernant la politique monétaire américaine, provoquant une fébrilité certaine sur les marchés obligataires. Selon nous, ceci ne fait qu’augmenter le risque d’une erreur de politique.
Ceci étant, la possibilité d’une hausse des taux dès le mois de septembre n’est pas pour nous le signal qu’il faille vendre nos obligations. Nous pensons que la croissance mondiale et l’inflation seront vraisemblablement limitées dans un environnement où les hauts niveaux de dette et la population vieillissante dans la majeure partie des pays développés vont freiner la croissance économique. De plus, on voit aux Etats-Unis de nombreux signes de « bonne déflation » comme la mise en place de processus commerciaux plus efficaces qui ont permis de maîtriser les pressions inflationnistes. Dans ce contexte, nous ne pensons pas que l’économie mondiale serait à même de digérer une forte hausse des taux et nous nous attendons à un resserrement graduel des conditions monétaires mondiales. Nous conservons donc nos perspectives haussières sur le dollar américain.
La situation en Grèce loin d’être résolue
Le feuilleton grec devrait continuer à tenir le devant de la scène et à provoquer des accès de volatilité sur les marchés de crédit et des dettes souveraines périphériques. Il y aura vraisemblablement d’autres moments de tension entre la Grèce et ses créanciers dans les mois à venir. Nous avons donc pris nos profits sur nos positions sur la dette souveraine grecque avant le vote du parlement grec le 15 juillet dernier. Au bout du compte, en représentant moins de 2% du PIB européen et avec la majeure partie de la dette grecque détenue par le secteur public, les répercussions en cas de « Grexit » seront, selon nous, loin d’être comparable à ce qui s’est passé au moment de la faillite de Lehman Brothers.
Des ventes massives d’obligations souveraines des pays périphériques (comme l’Espagne, l’Italie ou le Portugal) pourraient amener la Banque Centrale Européenne à une intervention beaucoup plus agressive pour limiter la hausse des rendements. Dans ce contexte, il nous semble judicieux d’opter pour une forte pondération en obligations d’Etat triple A avec des maturités à moyen et long terme pour contrer les risques de déflation.
L’attrait des obligations d’Etat chypriotes
Les obligations souveraines chypriotes, que nous avons ajoutées à notre portefeuille cette année, ont selon nous des perspectives positives. Contrairement à la pagaille grecque, Chypre nous semble être sur la bonne voie avec son programme de réformes. Le plan de sauvetage de Chypre en 2012 consistait davantage à renflouer le surendettement de son secteur financier que celui de l’Etat, et depuis l’économie chypriote a fortement rebondi. Le secteur bancaire a été recapitalisé avec succès et même si la dette publique reste élevée, les comptes de l’Etat se sont améliorés ; contrairement à certains de ses pairs parmi les plus grands, Chypre ne contrevient pas aux règles de l’Union Monétaire concernant les déficits excessifs. Ses obligations d’Etat offrent actuellement des rendements relativement élevés si on les compare avec ceux offerts par d’autres émetteurs souverains et elles pourraient devenir éligibles au programme d’assouplissement quantitatif de la BCE.
L’Inde reste notre principale exposition aux pays émergents
Nous sommes prudents concernant les perspectives des marchés émergents, particulièrement la Chine, car les chiffres continuent de nous décevoir. Notre avis se fonde sur les mauvais fondamentaux économiques que l’on retrouve dans les pays émergents ainsi que sur nos anticipations d’un dollar haussier, ce qui pourrait créer des tensions dans des économies déjà endettées.
L’Inde est une exception. Les raisons pour lesquelles nous détenons de la dette en roupie indienne est tout d’abord que l’économie est en pleine amélioration et en second lieu, la probabilité non négligeable qu’il y ait une autre baisse des taux. Enfin, l’Inde importe la majeure partie de l’énergie dont elle a besoin, donc une baisse supplémentaire des prix du pétrole serait avantageuse.
Nous détenons quelques lignes dûment sélectionnées dans d’autres pays émergents comme des titres à court terme de valeurs russes dans les secteurs de l’énergie et des ressources naturelles, comme Gazprom et Lukoil. L’aversion des investisseurs pour la Russie depuis le début du conflit avec l’Ukraine nous a permis de trouver des entreprises avec un bilan digne d’un rating A voire AA mais dont les obligations se négocient à des taux plus représentatifs d’un rating B ou BB.
Les obligations souveraines australiennes ont souffert au deuxième trimestre mais ajoutent de la performance depuis le début de l’année.
Les obligations d’Etat australiennes (couvertes) sont une des lignes principales de notre portefeuille et la baisse des taux de 0.25% en mai dernier de la banque centrale australienne nous a donné raison. Nous conservons nos perspectives baissières sur l’économie domestique : l’investissement des entreprises est faible, les prix du charbon et du minerai de fer sont bas, le taux de change n’est pas compétitif et les salaires augmentent faiblement. Par ailleurs, nous pensons que le ralentissement chinois continuera d’affecter l’économie. Cependant la bonne santé des finances publiques nous amène à penser que les inquiétudes concernant une dégradation possible de la notation du pays sont surévaluées. Selon nous, il faudrait une considérable détérioration des fondamentaux pour que la notation de l’Australie baisse. A l’heure actuelle, la dette publique australienne nous paraît bien plus viable que celle de beaucoup de pays développés.)