par Christophe Morel, Chef économiste chez Groupama AM
1. L’essentiel de la baisse du prix du pétrole depuis le début juillet est lié à l’offre (accord avec l’Iran, hausse de la production américaine) et non à la demande (questionnement sur la croissance chinoise). En effet, si la baisse du prix du pétrole relevait de la demande, elle se traduirait aussi dans le prix des matières premières industrielles. Force est de constater qu’à l’instar de l’épisode de baisse de l’automne 2014, la diminution récente du prix des matières premières industrielles est sans commune mesure avec celle du prix du pétrole.
2. Le déséquilibre sur le marché du pétrole a encore augmenté puisque l’offre mondiale progresse toujours plus dynamiquement que la demande. L’excès d’offre mondiale par rapport à la demande s’établit désormais entre 1.5 et 2 millions de barils par jour et peut justifier un baril entre 45 et 50 dollars. La « surprise » vient du fait que la production américaine n’a pour le moment pas baissé, et elle a même sensiblement augmenté.
3. Depuis 3 ans, la hausse de la production américaine de pétrole a contribué pour 2/3 à l’augmentation de l’offre mondiale. A demande inchangée, une résorption du déséquilibre sur le marché mondial suppose forcément un ajustement de l’offre américaine. En supposant que l’ajustement se concentre uniquement aux États-Unis, il faudrait donc que la production US baisse de près de 20% (c’est-à-dire qu’elle revienne sur son niveau de début 2014) pour que le prix du pétrole remonte. Si la production américaine ne corrige pas suffisamment, le risque est même encore baissier sur le prix du pétrole.
4. A court terme, il n’est pas sûr que l’offre américaine s’ajuste pour des raisons climatiques et de coût de production. A moyen terme, cela devrait pourtant survenir au vu de l’exceptionnel ajustement de l’investissement dans le secteur de l’exploration minière de près de 70% en rythme annualisé sur le premier semestre ! Le graphique 5 montre d’ailleurs que hors énergie, l’investissement aux États-Unis a progressé sur le même rythme qu’en 2014 traduisant là un choc spécifique sur l’industrie américaine. De ce point de vue, il est crucial d’accorder une grande importance à l’enquête de conjoncture dans la Région de Kansas pour diagnostiquer les signes de stabilisation.
5. Puisqu’il ne s’agit pas d’un « impact de la demande », cette baisse du prix du pétrole constitue donc à terme un « choc d’offre positif ». Toutefois, à court terme, cette variation du prix du pétrole entretient la volatilité, et alimente de fait l’incertitude. Évidemment, si elle se maintient, la baisse du prix du pétrole affecterait les perspectives d’inflation. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, si le prix du pétrole WTI se maintient à 46 dollars, cela nous conduirait à abaisser notre prévision d’inflation en Zone euro de 1/10ème en 2015 et 2/10ème en 2016, et de respectivement 2/10ème et 3/10ème l aux États-Unis.