par Patrick Artus, Directeur des études économiques chez Natixis
Une des mauvaises surprises de 2015 a été la faiblesse de l’économie mondiale par rapport aux attentes. Pourrait-on voir une amélioration en 2016, ce que prévoient aujourd’hui les différents prévisionnistes ? Il faut regarder les différentes régions :
• en Chine, en réalité, le point bas du cycle semble devoir avoir eu lieu au 1er semestre 2015 ; les politiques de relance peuvent alors procurer une amélioration en 2016 ;
• au Japon, la poursuite de la situation d’absence de hausse des salaires empêche qu’il y ait, sauf transitoirement avec un nouveau stimulus budgétaire et monétaire, une reprise de la croissance ;
• dans les pays émergents autres que la Chine, les problèmes structurels (contraintes d’offre) ne peuvent pas être corrigés rapidement, et les dépréciations des taux de change ne font qu’aggraver la situation ;
• les prix des matières premières ne devraient normalement que peu se redresser en 2016, et la situation des pays exportateurs que peu s’améliorer ;
• la situation de la zone euro est difficile à évaluer : la perte des effets positifs venant de la baisse du prix du pétrole et de la dépréciation de l’euro est bien sûr un facteur négatif ; l’investissement ne semble pas se redresser rapidement ; les flux massifs d’immigration par contre vont soutenir la croissance ;
• on ne voit pas d’accélération en 2016 aux Etats-Unis : en 2015, à partir du 2ème trimestre, l’économie est à son « rythme de croisière » ; de plus l’appréciation du taux de change du dollar pourrait se poursuivre. Au total, prenant toutes les régions ensemble, on ne voit qu’une très légère augmentation de la croissance mondiale entre 2015 et 2016, avec les conséquences évidentes de cette situation sur les marchés financiers: politique monétaire expansionniste, taux d’intérêt et prix des matières premières bas, ambiguïté pour les marchés d’actions.
1. Déception en 2015 au sujet de la croissance mondiale
On sait que la croissance de la Chine est en réalité très inférieure à la valeur officielle de 7% ; ceci implique que, probablement, la « vraie » croissance mondiale en 2015 est à peine supérieure à 2%, ce qui montre un net ralentissement.
Peut-on espérer un redressement de la croissance mondiale en 2016 ? (le G20 vient de dire au début de septembre que c’était ce qu’il fallait attendre). Regardons les différentes grandes régions.
2. Probablement un léger redressement en Chine
En réalité, la Chine a connu un « hard landing » entre le milieu de 2014 et le milieu de 2015, ce que montrent tous les indicateurs liés à l’activité.
Les mesures de relance décidées par le gouvernement (politique monétaire plus expansionniste, investissements publics divers) vont apporter une légère amélioration déjà visible (crédit, dans le futur investissement en construction, en infrastructures).
3. Blocage de la croissance au Japon
En dehors de périodes transitoires liées à des politiques économiques stimulantes nouvelles (investissements publics comme au début de 2015, Quantitative Easing, comme en 2013), la croissance du Japon est bloquée par la faiblesse des salaires qui déprime la demande des ménages.
Même les pressions gouvernementales n’ont pas pu conduire les entreprises japonaises à sortir de leur politique de limitation des salaires, qui maintient, tant qu’elle est présente, la dynamique déflationniste au Japon.
4. Les pays émergents autres que la Chine et autres que les exportateurs de matières premières subissent un freinage de leur croissance (graphique 4a) de nature stagflationniste : l’inflation vient de la présence de contraintes d’offre (marché du travail, énergie, infrastructures de transport insuffisantes) très longues à corriger.
La dépréciation des taux de change de ces pays, avec leurs difficultés économiques, la dégradation de 2000 à 2013 de leur commerce extérieur aggrave leur situation: elle ne soutient pas la production en raison des contraintes d’offre et accroît leur inflation.
5. Situation toujours difficile dans les pays exportateurs de matières premières
Nous verrons plus loin qu’il est très peu probable que la croissance mondiale se redresse vraiment en 2016 : les prix des matières premières ne devraient au mieux que peu progresser.
Ceci devrait entretenir les difficultés des pays exportateurs de matières premières : croissance ralentie, déficits publics.
6. Zone euro : des forces dans les deux sens
La croissance de la zone euro est due en 2015 entièrement à la baisse du prix du pétrole et à la dépréciation de l’euro qui stimule les exportations.
Si les prix des matières premières et le taux de change de l’euro sont stables, ces deux soutiens de la croissance de la zone euro vont disparaître en 2016. En sens inverse :
• l’investissement des entreprises de la zone euro ne semble pas devoir repartir fortement, ce qui est inquiétant ;
• les permis de construire de la zone euro sont plats, mais les ventes de maisons progressent ;
il faut tenir compte de l’énorme flux d’immigration vers la zone euro qui commence en 2015 et qui devrait amener un supplément significatif de croissance, d’où, au total, une incertitude sur la variation de la croissance.
7. Etats-Unis : croissance constante
Nous ne voyons pas la croissance des Etats-Unis accélérer en 2016 par rapport à 2015. En effet, la croissance américaine semble stabilisée en ce qui concerne les créations d’emplois, l’investissement.
L’investissement résidentiel se redresse mais la forte appréciation du dollar qui pourrait s’amplifier avec les difficultés des autres régions est défavorable. 8. Au total avec :
* un léger redressement en Chine
* la poursuite des difficultés dans les autres pays émergents, au Japon, dans les pays exportateurs de pétrole ;
* la probable stabilité de la croissance entre 2015 et 2016 dans la zone euro et aux Etats-Unis ;
La croissance mondiale ne devrait que marginalement se redresser en 2016. Ceci justifie :
• le maintien d’une politique monétaire expansionniste (taux d’intérêt faibles par rapport à la croissance) ;
• le maintien de taux d’intérêt à long terme bas ;
• comme on l’a vu plus haut, le maintien de prix des matières premières faibles ;
• l’ambiguïté sur les cours boursiers, avec une croissance faible mais une politique monétaire expansionniste et des taux d’intérêt faibles.