par Charles Bouffier, Directeur général délégué, Responsable des Gestions d’Egamo
L’adversité au risque a marqué l’évolution des marchés financiers depuis le début de l’année 2016, avec une poursuite de la correction des marchés actions (-6,7% pour l’Eurostoxx Dnr en janvier) et la poursuite de la baisse des taux core, avec un taux à 10 ans de l’Etat allemand divisé par deux à 0,30% actuellement.
Des corrections d’une pareille ampleur et sur courte période en début d’année sont particulièrement rares.
Notre sentiment est que les craintes qui alimentent ces mouvements, au-delà des considérations techniques de liquidité qui les accentuent parfois sur certains segments, sont exagérées :
- La poursuite de la baisse des prix du pétrole et des matières premières a certes des effets négatifs immédiats d’un point de vue sectoriel en terme d’investissement pour les entreprises concernées et en terme de perception d’un risque accru pour les banques ayant prêté aux entreprises du secteur les plus vulnérables. Néanmoins, les gains de pouvoir d’achat pour les ménages ainsi que l’accroissement des marges pour les entreprises consommatrices sont significatifs et contribuent à renforcer un cercle vertueux de dynamisation de la demande et de redémarrage de l’investissement dans les secteurs qui en bénéficient. Notre opinion est que le solde net de l’Effet Pétrole est très positif pour la zone Euro, même si c’est au détriment des pays Producteurs, et même si ce solde est sans doute moins favorable concernant les Etats Unis. La perception de ce solde net positif est partiellement occultée par le décalage temporel de la matérialisation de certains effets positifs induits, alors que les effets négatifs se matérialisent immédiatement. Nous pensons que le temps jouera en faveur d’une meilleure prise en compte des effets positifs de l’Effet Pétrole pour nos économies.
- La croissance réduite du secteur manufacturier aux Etats Unis depuis plusieurs mois est due au double impact des problèmes du secteur énergétique et de la remontée du dollar qui pèse sur les exportations. Toutefois, avec un taux de chômage à 4,9% et une politique monétaire de la Fed qui devrait demeurer très accommodante avec une remontée des taux qui sera très lente et progressive, la demande intérieure devrait demeurer vigoureuse, conformément à une évolution mondiale selon laquelle les grands blocs économiques évoluent de manière plus autonome. La tendance des ménages américains à épargner une partie de leurs gains de pouvoir d’achat ne saurait être décemment une source d’inquiétude, compte tenu des excès passés en matière de surendettement, mais traduirait plutôt un assainissement du modèle économique US. Craindre à ce stade une entrée en récession des Etats Unis nous paraît donc infondé.
- La Chine continue de ralentir, mais aucun élément nouveau concernant ce ralentissement ne permet de valider l’hypothèse d’un effondrement de l’économie chinoise, dont la croissance attendue en 2016 reste supérieure à 6%. La lente dépréciation du Yuan doit être relativisée en liaison avec les ajustements de parités entre toutes les grandes devises du monde. Ces ajustements sont fonction des transferts de richesse mais aussi de considérations géopolitiques, et concernant le Yuan, intègrent l’objectif de normalisation des autorités chinoises, pour l’intégrer dans le concert des grandes devises internationales. Nous ne croyons pas à un atterrissage brutal de l’économie chinoise.
- Au-delà du risque spécifique propre par définition à chaque dossier et qui mérite à chaque fois une analyse particulière, les craintes systémiques sectorielles qui ont affecté le secteur bancaire en zone Euro notamment, en particulier concernant le secteur bancaire italien, sont trop exclusivement à charge et semblent sous estimer l’impact des restructurations menées ces dernières années, avec une réglementation beaucoup plus contraignante, ayant abouti à un renforcement des fonds propres et à une plus grande sélectivité en matière de risques.
Alors que les craintes sont exagérées, la réalité de la reprise de l’activité en zone Euro n’est pas prise en compte : dans un contexte international agité, notre zone s’avère résiliente.
Nous demeurons sur un niveau de croissance supérieur aux anticipations de la fin de l’année 2014, même si des ajustements très modestes à la baisse par rapport aux prévisions de l’automne 2015 peuvent être observés.
La Commission Européenne prévoit 1,7% de croissance du PIB pour 2016 (prévision publiée le 4 février 2016), soit seulement 0,1% de moins que dans ses prévisions de novembre 2015. Sur cette base, les anticipations d’inflation qui ont plutôt régressé récemment, devraient pouvoir se redresser progressivement. La baisse du prix du pétrole arrivant proche de son terme, l’inflation réelle totale convergera vers l’inflation core.
Force est de constater que le Mix – Policy de la zone Euro constitué de politiques budgétaires concrètement globalement moins restrictives, d’une politique monétaire particulièrement accommodante et d’une parité de l’Euro plus avantageuse que par le passé favorise le modèle d’une croissance, certes modeste mais néanmoins résiliente et bien réelle. Celle-ci est davantage auto-entretenue, alimentée par la demande interne et contribue à nous immuniser partiellement de chocs exogènes éventuels. Dans sa conférence de presse du 21 janvier, Mario Draghi a par ailleurs confirmé la volonté de la BCE d’ajuster sa politique monétaire de manière pragmatique si besoin était, en fonction de l’actualisation de ses prévisions d’inflation et de croissance publiées en mars.
Nous sommes confiants dans la poursuite du lent rétablissement économique de la zone Euro.
En conséquence pour les mandats assurantiels, la correction en cours sur les actifs risqués doit être considérée comme une source d’opportunités pour se positionner sans précipitation, de manière tactique, et contribuer à la performance de la poche de diversification, nécessaire comme prévu pour atteindre les objectifs comptables définis pour l’année 2016.
Car même si les taux finiront par remonter, en liaison avec le lent rétablissement des anticipations d’inflation, ils demeureront néanmoins à un bas niveau, rendant indispensable la contribution de la performance de la poche de diversification, dans le cadre des règles propres à chaque mandat, en complément du revenu généré par la poche obligataire de portage.
Osons donc être raisonnable et garder le cap !