par Alexandre Hezez, Actuaire, Directeur de la Gestion Collective chez Auris Gestion Privée
Après la zone Euro, la Suède, le Danemark et la Suisse, la banque centrale du Japon annonce à son tour des taux monétaires négatifs pour stimuler son économie et son inflation. A horizon cinq ans, plusieurs Etats et même quelques entreprises empruntent à des taux négatifs auprès des investisseurs. Mais est-ce raisonnable ?
Tout se passe comme si les autorités avaient trouvé la solution pour forcer la consommation et l’investissement en permettant la distribution de crédit tout en évitant la thésaurisation. Cependant, investir à des taux négatifs n’est-il pas antinomique par rapport à la définition même de l’investissement? Le signal envoyé n’a-t-il pas une portée négative de manière à entamer la confiance ? Car les effets pervers sont nombreux. Cela accroît les inégalités en favorisant l’effet richesse des actifs financiers. Il en découle : une mauvaise allocation du capital (puisque l’argent est gratuit, des projets autrefois non rentables le deviennent). Enfin cela crée des bulles spéculatives (un actif attractif aux yeux des spéculateurs va attirer une masse de flux importants jusqu’à l’éclatement).
Le concept de taux d’usure a été créé pour protéger les emprunteurs face à des créanciers trop gourmands. Lorsque les intérêts étaient trop importants, le remboursement du capital était quasiment impossible. Donner la possibilité d’emprunter à des taux négatifs n’est-il pas signe d’une déresponsabilisation en amenant l’agent économique à une situation bien plus périlleuse dans le futur en lui faisant croire qu’il peut emprunter indéfiniment (en gagnant de l’argent) ? Rappelons si nécessaire qu’emprunter à un taux négatif revient à recevoir de l’argent pour emprunter !
Notons que depuis 2008, la Réserve fédérale américaine n’a jamais osé mettre des taux monétaires négatifs mais a injecté des liquidités de manière quasi illimitée. Elle a certainement compris que mettre en place des taux négatifs niait la notion même d’investissement et donc pouvait être de nature à ruiner la confiance et la reprise de l’investissement. Les fondements de l’investissement résident dans la rémunération du risque.
Le taux négatif est bien loin d’une solution miracle empêchant la thésaurisation et redonnant confiance. Il peut avoir des effets inverses, créer des doutes sur la pérennité du modèle économique et décourager l’investissement. La confiance dans l’avenir est primordiale pour relancer l’économie. Le risque de déflation est permanent dans des économies déjà sclérosées par la dette. Il va falloir être plus ingénieux dans les solutions à apporter à la crise. Les moyens mis en œuvre par la BCE doivent être à la hauteur mais les effets secondaires des taux négatifs vont devoir être analysés avec discernement.
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