par Juan Carlos Rodado, Yuze Yuan, Nicolas Castex, économistes chez Natixis
La Présidente Dilma Rousseff est sur le point d’être destituée. Le camp du « oui » a remporté la majorité des deux tiers requise à la chambre basse pour que la procédure de destitution soit examinée par le Sénat. Alors que la bataille pour le Trône de Fer continue, nous regardons sur plusieurs questions, dont : qui aura le Trône ? Et pour combien de temps ?
1/ Où en sommes-nous ?
La tournure des évènements liés à la procédure de destitution est devenue très défavorable pour la Présidente Rousseff. La chambre basse a voté la motion avec une majorité de 367 voix (plus que les 342 nécessaires). Le revers a été sévère pour la Présidente. Cette dernière avait pourtant offert des postes dans le gouvernement à plusieurs parlementaires (PP et PR) pour encourager leur soutien. Alors que la procédure sera désormais examinée au Sénat, la probabilité d’un retournement est faible.
La récession, les problèmes sociaux et les scandales de corruption à grande échelle ont toutefois discrédité l’ensemble de la classe politique. Ils ont été à l’origine de l'essor du mouvement « fora todos ». Si l’image de la Présidente Rousseff a été plutôt épargnée par les différentes enquêtes de corruption, son arrogance et ses erreurs en matière de politique économique ont renforcé sa chute.
2/ La suite des événements
Une nouvelle commission spéciale sera formée au Sénat. Elle devra rapidement se prononcer sur la poursuite ou non de la procédure de destitution. Un vote entérinant cette dernière (à la majorité simple, soit avec 41 voix) entraînerait la démission temporaire de la Présidente Rousseff. Le Vice-président Temer serait alors nommé Président par intérim. Au regard des derniers sondages, cette issue semble inévitable. La procédure de destitution serait alors officiellement votée par le Sénat. Si elle devait être encore approuvée (à la majorité des 2/3, soit avec 54 voix), la Présidente Rousseff serait démise de ses fonction et Temer serait nommé Président. La Présidente Rousseff dénonce un coup d’Etat et a promis de se battre, mais sa situation semble irréversible.
D’autre part, le scénario d’une nouvelle élection (après l’annulation de celle de 2014) est de plus en plus évoqué. Dans un tel cas de figure, l’ex-président Lula Da Silva (21% d’opinion favorable) et l’ancienne sénatrice Marina Silva (19%) sont les favoris en cas de nouvelles élections présidentielles. Selon Datafolha, Lula est populaire chez les personnes âgées (32%), les classes défavorisées (28%) et les travailleurs les moins qualifiés (31%), alors que Silva et Neves font la course en tête auprès des jeunes (respectivement 22% et 23%). Jair Bolsonaro est le plus populaire parmi la population la plus aisée et la plus qualifiée (20%) selon les sondages.
3/ Impact sur les marchés
Le BRL s’est fortement apprécié depuis le début de la procédure de destitution, (3,57 contre dollar, après 4,15 en janvier). La BCB a même été en mesure de réduire son stock de swaps par le biais de reverse swaps. Même si une grande partie de l’ajustement est intégrée dans le cours, la devise pourrait encore s’apprécier après la nomination de Temer comme Président. À moyen terme, le risque politique reste toutefois élevé. Un possible manque de légitimité de Temer après sa nomination, l’incertitude juridique caractérisant la procédure de destitution, et même un retour de l'ancien Président Lula, à l’image de celui de John Snow, ne doivent pas être exclus.
Parallèlement, les DI’s ont fortement corrigé. La décélération de l'inflation (9,4% en GA en mars après avoir culminé à 10,7% en janvier) et la vigueur du BRL ont renforcé la probabilité d’un assouplissement monétaire. L'inflation diminue aussi en raison d’un effet de base favorable, de la hausse du chômage et modération salariale. Nous anticipons un repli progressif de l’IPCA en 2016 (à 7,2% en moyenne) et en 2017 (6,2%), permettant deux baisse des taux de 50pbs au S2. Les DI’s augurent une réduction comprise entre 125pbs et 150pbs d’ici fin 2016, concentrée en grande partie entre juillet et octobre prochains. Une récession prononcée et durable comme le prévoit notre scénario central imposera une baisse des taux pour relancer la croissance, et ce, indépendamment de qui remportera le Trône.
Conclusion : dans la saga brésilienne, comme dans la série Game of Thrones, il ne faut pas s’attacher aux personnages. Le scénario d’une destitution de la Présidente Rousseff reste le plus probable, d’où la vigueur persistante du BRL. Mais la situation pourrait rapidement évoluer. Le manque de légitimité du nouveau Président renforce la probabilité de nouvelles élections, ce qui laisse penser que la saga n'est pas terminée. Qu’importe qui prendra la tête de l’exécutif, une chose est certaine : des baisses de taux sont nécessaires pour relancer la croissance tandis que la question budgétaire est en suspens.