par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas
• Les négociations pour la première revue du programme pourraient se conclure prochainement. Les Grecs comme les Européens s’offrent un répit politique.
• Des cibles budgétaires très ambitieuses sont maintenues, et les négociations sur le service de la dette s’ouvrent. La pleine participation du FMI au programme est toutefois encore incertaine.
Tandis qu’Eurostat a évalué, dans son estimation préliminaire, le recul du PIB grec à 0,4% t/t au T1 2016, soit -1,3% en un an, les discussions pour la conclusion de la première revue du programme de financement du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) ont enregistré des avancées notables ces dernières semaines. Il est désormais très probable qu’un accord soit trouvé rapidement, peut- être même dès le prochain Eurogroupe du 24 mai.
Cela permettrait aux créanciers européens de clore temporairement le dossier grec à l’approche du référendum britannique, sans risquer début juillet une crise de liquidité de l’ampleur de celle de l’an dernier, et au gouvernent d’Alexis Tspiras de consolider un peu sa majorité parlementaire par cette victoire politique. Reste à savoir sur quelles bases exactes ce compromis est en passe de se construire, et quelles seront les conséquences pour l’économie et la soutenabilité des finances publiques grecques. En effet, il y a peu de temps encore, les divergences étaient fortes, non seulement entre Athènes et ses créanciers, mais également entre les Européens et le Fonds monétaire international1.
Cibles budgétaires : le choix de l’austérité
Un premier point de désaccord concernait l’ampleur des économies à attendre du paquet de mesures élaboré l’été dernier (EUR 5,4 mds soit 3% du PIB), et que l’Etat grec a fini de faire voter au début du mois de mai. Au final, les Européens n’ont rien voulu savoir et la cible d’excédent budgétaire primaire assignée à l’Etat grec est maintenue inchangée à moyen terme, à 3,5% du PIB à compter de 2018. Si, comme le craint le FMI qui jugeait l’objectif de 1,5% plus crédible et raisonnable, les résultats ne sont pas au rendez-vous, un mécanisme devrait être voté prochainement, permettant une mise en place automatique de mesures d’économies supplémentaires. Un an au plus après le déclenchement du mécanisme, les mesures automatiques temporaires devront être remplacées par des réformes structurelles validées par les créanciers, à même de renforcer l’excédent budgétaire de manière pérenne. Au maximum, ces mesures contingentes pourraient s’élever à EUR 3,6 mds, soit 2% du PIB grec.
Dette : les négociations sont entamées
Toujours sous la pression du FMI, les Européens ont dû accepter d’ouvrir les négociations sur la restructuration de la charge de la dette avant la conclusion de la première revue du programme. A ce stade, les membres de l’Eurogroupe sont très prudents: sans reconnaître qu’une telle restructuration est nécessaire pour restaurer la soutenabilité des finances publiques grecques, ils la jugent utile pour aider le pays à retrouver accès aux marchés financiers et lisser le profil de remboursement auquel il va devoir faire face à l’issue du présent programme. Cela dit, ils souhaitent également maintenir des incitations pour l’ajustement du pays au-delà du programme. A ce stade, l’Eurogroupe a donc ouvert les négociations sur la base d’un processus en trois étapes : i) à court terme, il s’agira de rechercher tout type de mesures techniques à même de faciliter la gestion de la dette ; ii) à moyen terme, les Européens pourraient consentir, si nécessaire et conditionnellement au bon déroulement du programme, de nouveaux allongements de maturités et périodes de grâce ; iii) à long terme, c’est-à-dire à l’issue ou après la fin du programme actuel (août 2018), les créanciers s’engagent à considérer des efforts supplémentaires, si ceux-ci apparaissent encore nécessaires une fois les cibles d’excédents budgétaires atteintes2.
Sous quelle forme le FMI participera-t-il au programme ?
Nous sommes loin, à ce stade, de la restructuration de grande ampleur qui permettrait dès aujourd’hui d’éclaircir l’horizon des finances publiques et de susciter le regain de confiance tellement nécessaire au retour des investissements, au redressement de l’activité, au succès du programme de privatisation. De fait, la presse relate que le Fonds monétaire international demanderait pour sa part aux Européens de repousser toutes les échéances d’intérêts ou de principal sur ses prêts au-delà de 2040. Les négociations ne font que commencer. En cas d’échec, le FMI pourrait refuser d’intégrer le programme en tant que créancier et préférer le rôle de « conseiller technique » des institutions. Mais la pression des Européens est forte et nous n’en sommes pas encore là.
NOTES
- Voir par exemple « Grèce : une fois encore, rien n’est acquis », Eco perspectives du 2ème trimestre 2016, BNP Paribas.
- Pour le gouvernement allemand, cette solution offre en outre l’avantage de renvoyer les discussions les plus difficiles au-delà des prochaines élections générales.