par Catherine Stephan, Economiste chez BNP Paribas
- L’Espagne, dans l’impasse politique depuis décembre 2015, a tenu de nouvelles élections le 26 juin dernier.
- Le Parti populaire est parvenu à conforter sa place de premier parti d’Espagne à l’issue du scrutin.
- Le paysage politique reste toutefois éclaté, et aucune coalition ne se dessine clairement.
Les Espagnols se sont à nouveau rendus aux urnes le 26 juin, les principaux partis politiques n’étant pas parvenus à s’entendre pour former un gouvernement à l’issue des précédentes élections générales de décembre 2015. Le paysage politique reste éclaté à l’issue de ce scrutin, mais l’Espagne pourrait se doter prochainement d’un gouvernement. Les principaux partis politiques ont, en effet, intérêt à trouver un accord compte tenu de la lassitude de la population.
Le Parti populaire consolide sa première place
Ce scrutin apporte quelques changements par rapport au précédent. Le Parti populaire (PP, de droite), à la tête du gouvernement sortant, est parvenu à conforter sa place de premier parti d’Espagne en recueillant 33% des voix et 137 sièges, soit quatorze de plus qu’en décembre dernier. Les Espagnols, vraisemblablement lassés par six mois de tractations, ont en effet plébiscité un parti qui s’en était tenu à l’écart. Ils ont également pu se résoudre à voter en faveur des partis traditionnels, après que ceux-ci ont axé la campagne électorale sur la peur de l’inconnu et donc des nouveaux partis. Les craintes qu’a suscitées le résultat du référendum sur le Brexit ont par ailleurs pu conforter ce message. Cette campagne a probablement profité au PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), qui conserve sa deuxième place. Le PSOE, qui a contrarié certains électeurs de gauche en tentant de former un gouvernement de coalition avec le parti de centre droit Ciudadanos, est en effet parvenu à déjouer les pronostics en recueillant 22,7% des suffrages exprimés et en conservant 85 sièges au Congrès (contre 90 en décembre).
A l’inverse, la coalition de gauche radicale Unidos Podemos, formée en mai dernier par le parti anti-austérité Podemos et les communistes d’Izquierda Unida, a perdu plus d’un million de voix par rapport à décembre dernier. Créditée de 21,1% des voix, elle dispose de 71 sièges au Congrès. Le report des électeurs de droite vers le PP s’est, en revanche, fait au détriment du parti Ciudadanos qui, fort de 13,1% des voix contre 13,9% en décembre, ne détient plus que 32 sièges au Congrès des députés, contre 40 précédemment.
Un paysage politique parsemé
Le PP a conforté son avance et sa légitimité, mais le paysage politique reste confus à l’issue de ce scrutin. Aucun parti politique n’a en effet obtenu une majorité de sièges au Congrès des députés (fixée à 176 sur un total 350 sièges), et aucune coalition ne se dessine clairement malgré quelques concessions. Deux options sont davantage envisageables, toutes deux accompagnées d’obstacles importants. La coalition Unidos Podemos, avec pour chef de file Pablo Iglesias, ne devrait plus poser comme condition à sa participation à un gouvernement la tenue d’un référendum d’autodétermination sur l’indépendance de la Catalogne. C’est ce point, notamment, qui l’avait opposée, au cours de ces six derniers mois, au PSOE et à Ciudadanos.
Toutefois, une grande coalition, qui associerait Unidos Podemos, Ciudadanos et le PSOE, paraît peu probable en raison des divergences d’opinion entre la coalition de gauche et Ciudadanos. Celui-ci pourrait, à son tour, offrir son soutien au PP sans exiger que son chef de file, Mariano Rajoy, dont l’image a été fortement écornée par d’importants scandales de corruption impliquant des membres de son parti, renonce au poste de Premier ministre. Toutefois, une telle coalition a besoin du soutien du PSOE et de son leader Pedro Sanchez pour disposer de suffisamment de sièges au Congrès. Or, il est peu probable que celui-ci accepte de participer à un gouvernement dirigé par le PP ou offre ses voix à une coalition formée par le PP et Ciudadanos, compte tenu des divergences d’opinion entre les deux partis et des scandales de corruption impliquant le PP. En outre, le PSOE risquerait, le cas échéant, de s’aliéner une partie des électeurs de gauche hostiles aux mesures d’austérité et renforcer Podemos.
Les partis disposent, s’ils le souhaitent, de temps pour s’entendre. Le roi Felipe VI n’a, en effet, pas de contrainte de date pour proposer à un leader politique de former un gouvernement. Cela dit, l’ensemble des partis s’est engagé à sortir l’Espagne de l’impasse politique. Le PSOE pourrait donc, à défaut de soutenir explicitement une grande coalition de droite, s’abstenir au second tour du vote d’investiture au Congrès des députés1. Celle-ci serait alors en mesure de former un gouvernement minoritaire.
NOTES
- Une majorité absolue est nécessaire au premier tour. Dans le cas d’une majorité simple, seules les voix exprimées comptent.