par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
L’indice de confiance des consommateurs américains, calculé par le Conference Board, a continué de se redresser en mai, de 40,8 en avril à 54,9, probablement à la faveur d’une amélioration de la situation des ménages en termes de revenus depuis le début de l’année (transferts plus élevés, prélèvements plus faibles, retournement des marchés boursiers depuis début mars).
En particulier, la composante de l’enquête du Conference Board, traitant des anticipations, a nettement progressé, de 51,0 à 72,3.
Elle se situe désormais à son niveau le plus élevé depuis le début de la récession et a enregistré sa plus forte augmentation (+21,3 points) depuis avril 2003. En particulier, le jugement des ménages au sujet du marché du travail s’est également amélioré pour le deuxième mois consécutif, de -41,7 à -39,0. La corrélation négative élevée entre cet indice et l’évolution du taux de chômage indique que la progression marquée de ce dernier au cours des derniers mois pourrait ralentir. Par ailleurs, en mai, les chiffres hebdomadaires de demandes d’allocations chômage ont été moins défavorables qu’en avril (626 750 en moyenne du 25 avril au 23 mai contre 638 250 le mois précédent).
L’augmentation du taux de chômage (diffusion attendue vendredi 5 juin) pourrait ainsi être plus faible qu’au cours des mois précédents. Ce dernier pourrait s’établir à 9,1% après 8,9% en avril et 8,5% en mars. Cet optimisme des ménages se traduit aussi par une progression des intentions d’achats importants : véhicules (l’indice relatif progressant de 4,9 à 5,5), biens d’équipement (de 26,0 à 28,7).
Dans ces conditions, les ventes au détail, hors essence et alimentation, pourraient augmenter de façon significative au cours des prochains mois. A contrario, les intentions d’achat de logement se sont à nouveau repliées en mai (de 2,6 à 2,3), pour se retrouver proche du niveau le plus bas depuis le début de la récession (2,1 en novembre 2008). En effet, le marché de l’immobilier commence seulement à montrer des signes de stabilisation, et les ménages anticipent probablement une poursuite du mouvement de baisse des prix. Selon l’indice synthétique pour 20 villes calculé par Standard and Poor’s, les prix des logements ont chuté de 2,2% m/m en mars. En avril, alors que les ventes de maisons anciennes ont rebondi de 2,9% m/m, les ventes de maisons neuves n’ont que légèrement augmenté (+0,3% m/m). Leurs stocks représentent encore plus de 10 mois de transactions au rythme actuel (après un record de 12,4 mois en janvier).
Dans la zone euro, les derniers indicateurs disponibles montrent que le pire de la crise a probablement été dépassé. Ainsi l’indice du climat économique a nettement augmenté en mai, grimpant de plus de 2 points à 69,3. Toutefois, son niveau demeure cohérent avec une contraction de la production, mais à un rythme de plus en plus modéré. La confiance dans le secteur industriel a augmenté de -35 en avril à -34. Celle des ménages est, quant à elle, demeurée inchangée à -31, après avoir bondi de trois points en avril, sa plus forte progression en près de deux ans. En effet, les ménages sont particulièrement préoccupés de l’évolution du marché du travail. L’indice relatif à leurs anticipations de chômage s’est inscrit à un nouveau record en mai (+67). A contrario, la confiance dans le secteur du commerce de détail s’est nettement améliorée, de -20 à -15.
Par ailleurs, les pressions à la baisse des prix sont de plus en plus marquées. Dans l’enquête de la Commission européenne, les indices d’anticipations de prix à un an ont reculé (prix de vente des entreprises et prix à la consommation). Ce dernier a même atteint en mai un nouveau plus bas historique depuis 1990, à -7 après -2 le mois précédent. Il était passé sous zéro en avril, pour la première fois depuis le début de la série. Après avoir marqué une pause en avril, l’inflation a repris sa tendance baissière en mai. Selon l’estimation flash d’Eurostat, elle s’est inscrite à 0%, un taux plus faible qu’attendu, en atteignant ainsi son nouveau plus bas historique. Le détail de l’évolution des prix n’est pas encore disponible (il sera publié mi-juin). Cependant, il est très probable que l’inflation sous-jacente ait reculé de façon significative en mai. De plus, des effets de base liés aux prix alimentaires et énergétiques devraient avoir contribué à la baisse de l’inflation. Celle-ci pourrait même devenir négative au cours de l’été, à cause des effets de base liés aux prix énergétiques avant de se redresser légèrement au quatrième trimestre.
Dans ces conditions, les taux réels resteront, à court terme, élevés. Ainsi, pour parvenir à une détente plus significative des conditions financières pour le secteur privé, la BCE pourrait décider de renforcer sa politique monétaire non conventionnelle au cours des prochains mois. Elle pourrait peut-être relever le montant d’achat des covered bonds, mais aussi annoncer le rachat d’obligations du secteur privé. Enfin, en matière de politique monétaire conventionnelle, nous prévoyons une nouvelle baisse de taux de 25 pb en septembre prochain. L’écart par rapport au taux de facilités permanentes serait ainsi réduit à plus ou moins 50 points de base.
Lors de sa réunion du jeudi 4 juin, la BCE présentera ses nouvelles prévisions d’activité et de prix. En mars, la Banque centrale tablait sur une contraction du PIB comprise entre 2,2% et 3,2% en 2009 et retenait une fourchette de [-0,7%, 0,7%] pour 2010. Ces prévisions devraient être nettement revues à la baisse.
Les projections d’inflation [0,1% à 0,7%] pour 2009 et [0,6% à 1,4%] pour 2010 devraient également être abaissées, quoique avec une amplitude moindre.