par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
L’activité s’est fortement contractée au premier trimestre. Le PIB a chuté de 4% t/t, soit un repli de9,1% en glissement annuel après une contraction de 3,8% au T4 2008. Il s’agit de sa plus forte baisse trimestrielle depuis le début de la série en 1955.
L’ensemble des composantes, à l’exception des dépenses publiques en hausse de 0,3% t/t, a contribué négativement à la croissance. Toutefois, les données pour avril signalent un léger mieux.
La production industrielle a progressé en avril
La production industrielle a progressé pour le deuxième mois consécutif en avril, en hausse de 5,2%, m/m après déjà +1,6% en mars. D’une année sur l’autre, l’activité n’en demeure pas moins en chute libre, de -31,2% g.a. Entre février et mars, elle a reculé de 15,8% t/t après 22,2% au T1 2009.
La production a particulièrement progressé dans le secteur des pièces électroniques et des pièces détachées, fortement touché par la crise mondiale au cours des mois passés : (+15,7% m/m après +10,4% en mars). Ce rebond provient probablement des efforts entrepris par la Chine (cliente du Japon pour ces produits) pour soutenir sa demande interne. Toutefois, il faudra du temps pour que la production et les exportations japonaises retrouvent leurs niveaux des années précédentes, dans la mesure où elles avaient été stimulées par des déséquilibres (bulles sur les marchés financiers, faiblesse du yen, flambée des cours des matières premières…).
Certains signes tendent à prouver que la production est en train de se reprendre. En effet, les stocks ont reculé en avril pour le quatrième mois consécutif (-2,7% après -3,6% en février). Entre février et avril, ils ont ainsi baissé de 8,2%, après -5,2% au T1 2009, leur premier repli trimestriel depuis le T1 2008. Les comptes nationaux au T1 2009 avaient confirmé cette évolution, les stocks ayant ôté 0,2 pp à la croissance. Par ailleurs, le ratio des stocks sur livraisons a reculé pour le deuxième mois consécutif, baissant de 4,9% m/m, après déjà -5,3% en mars.
Enfin le METI anticipe que la production industrielle devrait augmenter en mai comme au juin (respectivement +8,8% et +2,7%).
Au total, l’activité serait en hausse de près de 10% t/t au deuxième trimestre, progressant pour la première fois depuis le T1 2008. En outre, le PMI manufacturier japonais a poursuivi son redressement en mai, passant de 41,4 en avril à 46,6, retrouvant ses niveaux d’août 2008, ce qui pourrait confirmer que le point bas du cycle industriel a été atteint en début d’année.
La consommation des ménages à la traîne
Les dépenses de consommation de l’ensemble des ménages ont baissé de 0,9% en termes réels en avril. Entre février et avril, elles ont reculé de 1% t/t, après -0,8% au premier trimestre 2009. Plus généralement, la consommation privée (telle que mesurée par les comptes nationaux) devrait rester morose au cours des prochains mois. La détérioration des conditions sur le marché du travail, couplée avec la contraction de l’activité, entame la confiance des ménages (elle a rebondi en avril, de 28,9 en mars à 32,7 en avril et demeure toutefois à un niveau proche de son point bas historique, atteint en décembre dernier), et devrait grever leur pouvoir d’achat.
Cependant, les ventes de détail ont augmenté en avril pour la première fois depuis septembre 2008 (+0,6% m/m), conséquence probable des premiers chèques de l’Etat reçus par les ménages.
Le marché du travail poursuit sa dégradation
En hausse depuis près d’un an, le taux de chômage a continué de progresser en avril, s’établissant à 5% après 4,8% en mars. Il a ainsi atteint son niveau le plus élevé depuis février 2004.
Depuis le début de l’année, 640 000 emplois ont été supprimés, en dépit de la contraction de la population active (-140 000). Le secteur manufacturier est le premier touché par ces réductions d’effectifs. En outre, le Tankan de mars ne laisse envisager aucune amélioration rapide. L’indice de diffusion relatif à l’ensemble des entreprises (solde entre les sociétés qui se trouvent en sureffectif et celles qui sont en sous-effectif) est remonté de +4 en décembre à +20 en mars, et est attendu à +22 en juin. Par ailleurs, le ratio des offres sur demandes d’emploi, qui se replie régulièrement depuis près de deux ans, se situe sous 1 depuis novembre 2007. Il a atteint 0,46 en avril (au plus bas depuis juin 1999), après 0,52 en mars. Plus de deux personnes postulent désormais pour un même poste. De plus, les travailleurs non réguliers1 représentent aujourd’hui un tiers de la population active et sont les premiers touchés par la progression de la précarité sur le marché du travail. Dans ces conditions, l’ajustement pourrait être plus rapide et plus profond qu’au cours des phases précédentes de contraction de l’activité. Le taux de chômage pourrait ainsi approcher 6 % au deuxième semestre 2009.
Le spectre de la déflation se profile à nouveau
En 2008, l’inflation, hors produits frais, (mesure de référence de la Banque du Japon) est restée légèrement positive, à +0,2% (après avoir atteint un pic de 2,4% en juillet 2008). En avril, elle s’est inscrite en baisse de 0,1% g.a., comme en mars, et cette tendance au repli devrait se poursuivre. D’une part, l’indice, hors produits frais, pour Tokyo, qui est un indicateur avancé d’un mois pour l’indice national, a reculé de 0,7% g.a. en mai, après être resté stable en avril. D’autre part, d’importants effets de base favorables liés à la poussée des prix des produits pétroliers en particulier et des matières premières en général, en 2008, vont continuer de contribuer à la baisse de l’inflation. Par ailleurs, le repli des cours des matières premières se diffuse progressivement à l’ensemble des produits et des services, comme en témoigne l’évolution de l’indice sous-jacent hors alimentation et énergie. Ce dernier a reculé de 0,4% g.a. en avril, après -0,3% en mars. Plus généralement, cette baisse devrait se poursuivre, en ligne avec l’augmentation de l’output gap et la progression du chômage. L’inflation sous-jacente (hors produits frais) afficherait un recul de plus de 1% en moyenne en 2009.
Dans son dernier rapport daté de fin mai, la Banque centrale a jugé que les conditions monétaires et financières demeurent restrictives au Japon, même si elle note une certaine détente comparée aux mois précédents. En conséquence, alors que l’overnight call rate est à 0,10% depuis décembre 2008, les autorités monétaires continuent d’envisager d’autres mesures non conventionnelles. En particulier, dans le contexte actuel de forte hausse des besoins de financement publics, elles pourraient chercher à influencer l’évolution de l’ensemble de la courbe des taux, tant les échéances courtes, comprises entre 6 et 9 mois, que les plus longues.
NOTES
(1) Travailleurs ayant un contrat autre qu’à plein temps et à durée indéterminée, cf. Caroline Newhouse-Cohen « Le marché du travail nippon » Conjoncture, n° 12, décembre 2008.