par Nathalie Dezeure, économiste chez Natixis
La seconde estimation de la croissance de T1-09 a confirmé l’estimation préliminaire (PIB en baisse de 1,9% T/T et de 4,1% en GA). L’évolution des composantes a mis en évidence un repli plus marqué que prévu de la consommation des ménages (-1,2% T/T contre -0,9% attendu) tandis que la chute de l’investissement (-3,8% T/T) s’est révélée moins prononcée qu’attendu.
Le détail des composantes de l’investissement n’est pas encore disponible excepté pour l’investissement des entreprises qui a enregistré une baisse brutale (-5,5% en T1-09). Par ailleurs, le déstockage s’est accéléré à un niveau record (6021 millions £ après 4155 millions en T4-08) retirant 0,7 point à la croissance. Enfin, la contribution du commerce extérieur est tout juste positive (+0,1point), en raison d’une baisse de 5,9% des importations et de 6,1% des exportations. Finalement, comme au cours des deux trimestres précédents, la croissance a été exclusivement soutenue par consommation publique et le commerce extérieur.
Nous continuons de penser que la contribution du commerce extérieur devrait se révéler moins favorable au cours des prochains trimestres. Outre la faiblesse de la demande mondiale de biens, les exportations du Royaume-Uni devraient être particulièrement affectées par la baisse des exportations de services (40% des exportations en volume) en raison du poids des services financiers et des services aux entreprises.
La perte (temporaire ?) de l’avantage comparatif dont disposait le Royaume-Uni dans les services financiers (perte d’un cadre réglementaire attractif, fiscalité moins favorable), devrait entraîner une chute significative des exportations au cours des prochains trimestres, en dépit de l’amélioration de la croissance mondiale qui se dessine pour la seconde partie de l’année.
La reprise du crédit reste hypothétique
Malgré un assouplissement monétaire historique, l’objectif de la BoE de relancer les dépenses domestiques via le crédit semble aujourd’hui hors d’atteinte. La baisse du taux de base (0,5% depuis le 5 mars) et, dans une bien moindre mesure, la politique quantitative d’achats d’actifs par la BoE ont certes permis une baisse significative des taux d’intérêt des crédits.
Entre octobre 2008 et mars 2009, le taux des crédits aux entreprises (hors « fees » appliqués par le prêteur) a diminué de près de 400 points de base (pb), tandis que la baisse des taux des crédits aux ménages va de 130pb (crédit immobilier à taux fixe) à 320pb (crédit à la consommation à taux variable).
Mais, malgré des taux d’intérêt au plus bas, il n’y a toujours pas de signe de reprise du crédit au secteur privé non-financier. Selon les dernières données, l’encours de crédit reculait encore de 3,4% l’an en mars. Le ralentissement des crédits aux entreprises (1,8%) s’est poursuivi tandis que la chute du crédit aux ménages s’est amplifiée.
Cette baisse du crédit reflète à la fois la contraction de l’offre (conditions de crédits très restrictives, retrait du marché des institutions étrangères) et la faiblesse de la demande (désendettement). Une amélioration est envisagée en ce qui concerne la disponibilité du crédit. Selon l’enquête Credit Condition Survey (CCS) du premier trimestre, les banques semblent plus enclines à prêter, un peu plus aux entreprises (la disponibilité du crédit a commencé à augmenter au premier trimestre) qu’aux ménages.
Cependant, les perspectives de demande restent très faibles. Les institutions de crédit n’envisagent aucun redressement de la demande de crédit des ménages (immobilier et consommation) tandis que celle des petites et moyennes entreprises devrait reculer à un rythme moins prononcé. Seule la demande de crédit des grandes entreprises est attendue en hausse, essentiellement à des fins de restructuration du bilan. Pour l’heure, la demande de crédit pour motif d’investissement, de fusion-acquisitions, immobilier commercial ou financement de stocks continue de reculer à un rythme soutenu.
Au final, la reprise du crédit reste toujours hypothétique. Dans ce cadre, les perspectives concernant la demande interne restent donc particulièrement sombres. Une tendance dépressive qui est par ailleurs entretenue par la forte dégradation du marché du travail affectant la solvabilité des ménages.
L’ajustement à la baisse du marché immobilier est terminé. Néanmoins, en dépit d’une baisse marquée du crédit hypothécaire (-6,6% en GA en mars dernier), certains indicateurs du marché immobilier se sont améliorés au cours des derniers mois, suggérant que le point bas a été atteint fin 2008. Pour la première fois depuis fin 2007, les mises en chantier ont enregistré une hausse significative au T1-09, progressant de 12,8% t/t ce qui s’est traduit par un redressement de leur glissement annuel. Cette progression s’explique notamment par le niveau historiquement bas des mises en chantier fin 2008 ainsi que par les stocks (qui sont retombés à leurs niveaux de fin 2007). Mais cette amélioration est tempérée par l’évolution des nouvelles commandes dans la construction qui continuent de chuter début 2009 (-7,6% t/t). Dans l’ensemble ces données suggèrent que l’investissement résidentiel devrait cesser de se replier (en variation trimestrielle) d’ici la fin de l’année, mais sur l’ensemble de l’année 2009, la chute restera très importante (-11,7% attendu).
Du côté des transactions immobilières, les premiers signes de reprise ont été observés. La forte baisse des prix immobiliers et des taux hypothécaires ont permis une nette amélioration de l’indice d’accessibilité, ravivant l’intérêt de certains acheteurs. Les demandes de renseignements concernant les crédits hypothécaires ont enregistré une vive croissance depuis octobre 2008. Historiquement, ce mouvement annonce une reprise du nombre de crédits accordés (ce qui n’implique pas forcément une hausse de l’encours) et une progression des transactions immobilières. Les derniers mois ont révélé une hausse du nombre de crédits immobiliers accordés mais il demeure à un faible niveau (43 milliers en avril, contre 104 milliers en moyenne en 2008). De même, les transactions immobilières ont amorcé une progression depuis leur point bas de janvier.
Néanmoins, la reprise qui se dessine s’annonce très limitée : l’ajustement du bilan des ménages (désendettement) limite la demande de crédit.
Enfin, la chute des prix immobiliers semble terminée. L’indice Nationwide a augmenté de 4,2% depuis février dernier et son glissement annuel est passé de -17,6% en février à -11,3% en mai. Plusieurs éléments suggèrent que les prix devraient se redresser : les perspectives de prix (enquête RICS) ont nettement augmenté depuis le début de l’année et le ratio ventes/stocks de logement s’est redressé pour le quatrième mois consécutif en avril. Sur l’ensemble de l’année, les prix immobiliers devraient reculer de 9,8% avant une timide progression en 2010 (+1,2%).
La BoE prise au piège ?
Le 7 mai dernier la BoE a annoncé qu’elle augmentait l’objectif du programme Asset Purchase Facility (APF) de 50Mds£ à 125 Mds£ (25 Mds£ sont encore disponibles). Les minutes du comité de politique monétaire ont révélé que cette décision a été prise à l’unanimité mais cela n’a pas été sans débat.
Des arguments en faveur d’un maintien de l’APF à 75 Mds£ ont été exposés. Ils reposent principalement sur l’incertitude concernant la nature des mécanismes de transmission et l’impact des achats d’actifs sur les dépenses nominales.
L’opportunité de poursuivre l’assouplissement monétaire alors que des premiers signes d’amélioration de l’économie apparaissent se pose également.
Mais les arguments en faveur d’une augmentation de l’APF l’ont emporté : la reprise sera lente et les projections de la BoE suggèrent qu’un assouplissement supplémentaire est nécessaire pour ramener l’inflation à la cible. Surtout, alors que les marchés anticipaient une hausse de l’APF, la BoE n’a vraisemblablement pas voulu prendre le risque de fragiliser la confiance dans la reprise en ne répondant pas à ces attentes. Le montant de l’augmentation de l’APF (50Mds£ ou 75 Mds£) a également été sujet à discussion, mais la question qui se pose désormais concerne l’opportunité d’une hausse de la limite autorisée (actuellement 150Mds). Les minutes ont révélé que cette question a déjà été abordée.
L’évolution des taux des Gilts suggère que l’extension de l’APF pourrait être nécessaire. En effet, l’objectif de la BoE de maintenir les taux longs a un faible niveau est loin d’être atteint.
La dégradation des finances publiques britanniques assortie d’une mise sous surveillance par Standard & Poors a provoqué une hausse des taux longs que les achats de Gilts par la BoE n’ont pas compensée (l’encours de Gilts achetés par la BoE s’élevait à 70,5Mds le 28 mai). En outre, certaines projections annoncent une hausse de la limite de l’APF à 350 Mds£. Si les marchés intègrent de tels montants, la BoE pourrait bien se retrouver contrainte de répondre à ces attentes.