par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse chez Amundi
Les statistiques et les enquêtes de conjoncture dépeignent la poursuite de l’expansion économique, tirée la plupart du temps par la demande intérieure. Dans la zone euro, la reprise économique s’est accélérée au 2e trimestre et devient généralisée, comme l’ont confirmé récemment les chiffres du PIB. Les indicateurs de confiance des entreprises atteignent de nouveaux plus hauts cycliques, non seulement en Allemagne, mais aussi en France et en Italie, et le moral des ménages s’améliore également.
De plus, les dépenses d’investissement repartent et une embellie est également à constater sur le front du marché de l’emploi, où les taux de chômage ne cessent de reculer et s’accompagnent d’une légère hausse du taux de participation. Tous ces éléments permettent d’espérer une accélération de la croissance potentielle ainsi qu’une révision à la hausse des prévisions du consensus et de la BCE. Nous continuons de penser que la croissance du PIB va se stabiliser aux alentours de 2 % aux États-Unis et se rapprocher de plus en plus du même chiffre dans la zone euro. En revanche, l’économie britannique demeure exposée à des risques (négociation avec l’UE, impacts potentiels du Brexit notamment). Les économies émergentes sont solides dans l’ensemble (notamment en Asie), et la Russie et le Brésil devraient sortir progressivement de la récession. La situation s’améliore aussi au Japon, où la croissance du PIB (supérieure à 1,5 %) est nettement plus élevée que son rythme potentiel (environ 0,5 %).
En conséquence, grâce à cette re-synchronisation du cycle mondial, le commerce international se renforce : +6,5 % en taux annuel au 1er semestre, soit +5,1 % en glissement annuel, du jamais vu depuis 2011. Néanmoins, nous prévoyons une décélération dans les mois à venir (accompagnée d’une stabilisation du ratio commerce international/ PIB mondial). L’inflation sous-jacente américaine ralentit depuis le début de l’année. Ce tassement est dû à des facteurs temporaires, mais le faible niveau de l’inflation sous-jacente indique la présence de facteurs structurels (du côté de l’offre). Nous pensons que ce taux va réaccélérer, mais rester modeste.
Au niveau actuel, l’euro n’est pas une menace pour la reprise dans la zone euro
Au niveau actuel, l’euro n’est pas une menace pour la zone euro (14 % contre le dollar américain depuis janvier et 7 % en termes effectifs depuis mai). Tant que l’appréciation de l’euro reste graduelle et justifiée par l’évolution des fondamentaux, elle n’aura pas d’impact important sur nos prévisions macroéconomiques. En réalité, cette appréciation soutient notre scénario. D’après les modèles de la BCE, une hausse persistante de l’euro n’a pas beaucoup d’effets sur la croissance du PIB ; en revanche, son impact sur l’inflation sous-jacente est significatif (et négatif). Soulignons que les tendances récentes de l’euro ont suscité des inquiétudes débattues lors de la réunion de juillet de la BCE, car cette appréciation revient de facto à un durcissement de la politique monétaire et peut potentiellement in influer sur les perspectives d’inflation (la BCE serait alors forcée de revoir à la baisse sa prévision d’inflation). Il est certain que la dynamique de l’euro occupera une place centrale dans les discussions relatives à la politique de la BCE en septembre. Si l’euro se stabilise (ou continue de s’apprécier progressivement, comme le prévoit notre scénario principal), la BCE pourrait annoncer (éventuellement en octobre) une réduction de son programme d’assouplissement quantitatif à compter de janvier 2018. Mais si l’euro poursuit son appréciation rapide (en termes effectifs), alors la banque centrale pourrait se montrer plus accommodante et repousser l’échéance du tapering.
La croissance américaine est-elle menacée ?
La solidité de l’euro s’explique par l’amélioration de l’économie européenne et la dissipation progressive des risques politiques, qui étaient particulièrement intenses au début de cette année. Toutefois, elle s’explique également par la réapparition de risques autour de l’économie américaine, notamment deux éléments qui polarisent actuellement l’attention des médias et des investisseurs : l’impact de l’ouragan Harvey et les risques de « shutdown » au niveau des services publics. Les effets de l’ouragan devraient être temporaires et disparaître assez vite des chiffres de la croissance du PIB, comme cela s’était produit après le passage de Sandy, par exemple. S’agissant de la possibilité d’un « shutdown », nous avons tendance à penser qu’un tel scénario (qui signifie que le gouvernement est à court de financements parce que le Congrès refuse de voter le budget) est relativement peu probable un an avant les élections de mi-mandat.
Au total, nos prévisions pour le PIB américain restent inchangées malgré la présence de ces deux risques.