par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse chez Amundi
La situation économique a de quoi rassurer les marchés financiers : le Brésil et la Russie confirment leur sortie de récession, la croissance s’avère un peu plus solide que prévu en Chine, la zone euro maintient un rythme de croissance bien au-dessus de son potentiel, ainsi que le Japon dont la phase d’expansion est historiquement longue et forte. On parle désormais de normalisation des politiques de bilans de la BCE et de la Fed. Il ne faut pas croire que cela se fera rapidement, mais cette tendance prouve combien les banques centrales sont plus confortables avec le niveau de croissance. C’est en tout cas ce qui se passe en zone euro.
Elections allemandes… à la fin, c’est encore Angela Merkel qui gagne
Les électeurs allemands ont choisi les députés du Bundestag (709 vs. 630 dans la précédente assemblée). Avec près de 35 % des sièges, le parti CDU / CSU d’Angela Merkel a gagné les élections, mais une coalition est inévitable. Le SPD (22 % des sièges) a annoncé qu’il ne prendra pas part, cette fois-ci, au gouvernement de coalition. Plusieurs scénarios sont possibles, et les partis pouvant former une coalition avec la CDU / CSU, (FDP et / ou Verts), tout en partageant de nombreux points de vue essentiels, divergent de manière significative sur un certain nombre de sujets budgétaires et européens. Ces partis sont tous favorables à des réductions d’impôt, mais elles diffèrent quant à la quantité et aux catégories qui devraient en bénéficier. Leurs priorités de dépenses publiques sont également différentes (infrastructures, zones sociales et / ou défense). La mise en œuvre de certaines des promesses de campagne génèrera une stimulation budgétaire modérée en Allemagne, mais nous pensons que la croissance du PIB sera un peu moins forte en 2018 qu’en 2017 (un retour à la tendance plutôt qu’une diminution).
La BCE a l’intention d’annoncer en octobre une réduction de ses achats d’actifs mais elle surveillera l’euro
Au début du mois, Mario Draghi a reconnu que la reprise économique dans la zone euro était plus forte que prévu. La BCE a relevé ses prévisions de croissance du PIB de 2017 de 1,9 % à 2,2 %, ce qui en fait le rythme de croissance le plus élevé depuis 2007. Cependant, Mario Draghi a déclaré que « la volatilité récente du taux de change représentait une source d’incertitude pour les perspectives à moyen terme pour stabilité des prix… et un risque à la baisse pour les perspectives de croissance ». Principalement en raison de l’appréciation de l’euro, la BCE a revu à la baisse ses prévisions d’inflation-cœur de 2019 de 1,7 à 1,5 %, ce qui est assez faible. La BCE devrait par ailleurs annoncer en octobre une réduction de ses achats d’actifs pour 2018, probablement de 20 milliards par mois (de 60 à 40 milliards par mois?). Deux commentaires:
- Les montants achetés couvriront toujours le montant total des émissions nettes dans la zone euro: difficile de miser sur une hausse continue et significative des taux longs;
- Les hausses des taux d’intérêt n’interviendront pas avant la n du programme d’achats de la BCE.
L’ère de la « politique monétaire éternellement accommodante » est maintenant terminée
Le resserrement de la Fed n’est pas agressif, la BCE et BoJ continueront de maintenir les taux d’intérêt à un niveau bas, mais la situation a changé :
- Avec la réduction du bilan de la Fed et la réduction des achats d’actifs de la BCE, le montant des émissions souveraines, nettes des achats banques centrales est de moins en moins négatif en 2018.
- La normalisation de la politique monétaire planifiée par les banques centrales n’est pas totalement dans les prix et il peut y avoir des surprises telles que la hausse récente et inattendue de la Banque du Canada.
En somme, l’ère de la politique monétaire éternellement accommodante est terminée. Pour rappel, les banques centrales du G4, dont le bilan total s’élève actuellement à 19500 milliards de dollars, ont injecté 12 500 milliards depuis la faillite de Lehman Brothers. Une référence pour la normalisation à venir ?
Risques politiques et géopolitiques confirmés comme préoccupations permanentes
Il est important de rappeler qu’une grande partie de la baisse récente des rendements obligataires provient des tensions géopolitiques entre la Corée du Nord et les États-Unis / Japon et ils pourraient rebondir à court terme en cas d’assouplissement de ces tensions. Il est très difficile de prévoir quelque chose sur ce sujet, mais il ne semble pas légitime que nous puissions compter sur une escalade politique qui pourrait conduire à un conflit militaire. D’autre part, et c’est un thème que nous avons souvent mentionné dans le passé, les risques politiques et géopolitiques (État islamique, terrorisme, Syrie, réfugiés, Corée du Nord…) feront désormais partie de notre vie quotidienne. Les différents scénarios doivent être intégrés dans les portefeuilles. En ce qui concerne les États-Unis, l’accord entre Donald Trump et les dirigeants démocrates pour augmenter le plafond de la dette des États-Unis n’a que fait que retarder le problème jusqu’au 8 décembre. À suivre de près.