par Axel Botte, Stratégiste Taux chez Natixis AM
L’ensemble des marchés financiers est porté par une politique monétaire toujours très accommodante compte tenu de la croissance actuelle. Certes, la BoE a relevé son taux directeur de 25pdb. Cette décision n’a pas eu d’effet sur le niveau global des rendements mais accentue la tendance à l’aplatissement des courbes de taux. Aux États-Unis, le T- note cote juste au-dessus de 2,30%. Le Bund s’échange autour de 0,35%.
Les spreads périphériques se sont nettement réduits. La modification de la loi électorale en Italie puis la désescalade en Catalogne ont amplifié le message accommodant de la BCE. Le BTP à 10 ans cote à 140pdb, soit la prime la plus basse depuis un an. Le Portugal (170pdb) poursuit son rally dans la perspective d’un possible nouveau relèvement de sa note en décembre (Fitch). Le crédit reste très recherché. Le spread moyen se situe à 85pdb. La compression des spreads fait tache d’huile sur le high yield, où le faible taux de défaut et la croissance soutenue entretient la demande institutionnelle.
Les primes sur les emprunts émergents affichent un léger élargissement par rapport à la semaine passée. La dette souveraine turque est sous pression (322pdb) alors que les prix de l’or noir remontent (Brent à 63$).
Enfin, sur le marché des changes, le réal brésilien perd 2,5% en cinq séances. Le yen et le sterling se déprécient contre le dollar.
Le rebond de l’activité se confirme aux États-Unis
Les dépenses des ménages ont bondi d’1%M en septembre en termes nominaux. Ce chiffre meilleur qu’attendu préfigure une révision haussière du PIB du 3T17. En outre, les ventes de véhicules demeurent fortes en octobre à 18mn d’unités. La construction sera aussi révisée en hausse. Les commandes à l’industrie sont solides : les livraisons de biens d’équipement augmentent de 0,9%M en septembre. En revanche, l’évolution du commerce extérieur sera moins favorable à la croissance qu’estimé initialement. L’inflation totale se situe à 1,6%A. L’indice des prix hors éléments volatiles reste modeste à 1,3%A.
L’enquête ISM du secteur manufacturier se tasse quelque peu à 58,7 en octobre. Les nouvelles commandes (63,4) ainsi que l’emploi (59,8) sont toutefois en forte progression. L’indicateur des services atteint 60,1. Par ailleurs, productivité accélère. La production horaire a monté de 3% au 3T17.
Les conditions sur le marché du travail restent très favorables. L’ADP estime à 235k les créations d’emplois le mois dernier après 110k en septembre. Les données du BLS sont désormais plus en ligne avec l’ADP. Le sondage effectué auprès des ménages donne un taux de chômage à 4,1%. Le taux du sous-emploi est sous 8%. Le taux de participation est toutefois en baisse. Le taux d’emploi est stabilisé au-delà de 60%. Le rebond des heures travaillées réduit en parallèle l’inflation du salaire horaire à 2,4%A.
Poursuite de l’embellie cyclique en zone euro
Les enquêtes conjoncturelles continuent de pointer la prolongation de l’embellie cyclique en Europe. L’Espagne poursuit son chemin à un rythme supérieur à 3% l’an. Il est sans doute trop tôt pour juger l’impact de la crise catalane mais les enquêtes d’octobre n’indiquent pas d’inflexion. En France, le PIB progresse de 0,5%T (2,2%A) et le 2T17 a été arrondi à la hausse (+0,6%T). L’investissement des entreprises constitue la bonne surprise du rapport d’activité. La demande des ménages est solide comme la consommation publique. Le commerce extérieur pèse en revanche. Pour l’ensemble de la zone euro, la croissance atteint 2,5% sur un an. Toutefois, l’indice des prix a diminué à 1,4%A. L’inflation ralentit dans les services (1,2%A) et les prix des biens industriels hors énergie (0,4%A) mais les prix alimentaires montent brusquement (2,4%A).
Forte tendance à l’aplatissement
L’aplatissement est une tendance lourde sur les marchés de taux. La hausse du repo à 0,50% au Royaume-Uni, largement attendue par les intervenants, a engendré une baisse du rendement du Gilt vers 1,25%. La livre sterling a aussi chuté, les perspectives de resserrement restant modestes voire insignifiantes par rapport au niveau de l’inflation actuelle. Le fait d’annoncer très en amont un mouvement en réduit la portée.
De même, la Réserve Fédérale devrait relever la fourchette des Fed Funds à 1,25-1,50% en décembre. La pression haussière sur le 2 ans (au-delà d’1,60%) favorise le report des investissements sur les échéances longues. Cette tendance perdurera tant que la Fed ne modifie pas sa politique de réinvestissements uniforme sur l’ensemble des maturités offertes à l’émission. La perspective d’une réduction graduelle du bilan à l’horizon de 2022 nécessite de réduire la maturité des investissements en Treasuries et en MBS afin de restaurer à terme les avoirs en T-bills, une structure bilancielle plus appropriée pour gérer la liquidité bancaire.
La cherté des valorisations n’est pas un obstacle à la performance des taux longs à court terme. Cela étant, le spread de 200pdb favorise le T-note face au Bund. Il convient de marquer cette différence en adoptant une position vendeuse de Bund à court terme. Le rally inspiré par Draghi pourrait s’essouffler et empêcher la cassure de niveaux techniques. La nomination de Jerome Powell lève une incertitude et assure une continuité dans le resserrement monétaire à venir. Le biais de courbe est à l’aplatissement sur le marché des Treasuries, aussi bien sur le spread 2-10 ans que sur le segment 10-30 ans.
Pression à la baisse des spreads périphériques
La prolongation de la politique monétaire accommodante bénéficie aux emprunts périphériques. L’Italie s’échange à 140pdb du Bund. Le vote d’une nouvelle loi électorale en Italie favorise le maintien d’une coalition au pouvoir et S&P a relevé la note du pays à BBB dernièrement. Le BTP avait toutefois été suracheté par la BCE du fait de la rareté des emprunts core disponibles sur les marchés secondaires. La réduction du QE effacera une partie de l’effet d’aubaine favorable au BTP depuis plusieurs mois. Nous sommes à la neutralité sur la dette italienne. L’Espagne profite de l’accalmie en Catalogne. Les Bonos oscillent autour de 110pdb. Nous ne prévoyons pas de resserrement fort à partir de ces niveaux. Le Portugal reste en revanche porté par les perspectives de relèvement de sa note et la recherche de rendement. Le spread se situe au-delà de 170pdb. L’adjudication de PGB 10 ans devrait rencontrer une bonne demande cette semaine. Ces emprunts refinancent notamment les prêts consentis par le FMI, ce qui constituent un bon signal pour les intervenants de marché. A l’inverse, nous restons à l’écart de la plupart des marchés core dont les valorisations ne justifient pas de diversification par rapport au Bund allemand.
Le crédit euro se resserre
Le marché du crédit superforme l’actif sans risque. Le spread moyen sur l’univers investment grade ressort à 85pdb. De la même façon, les obligations notées en catégorie spéculative intègrent l’amélioration de la qualité de crédit avec la prolongation du cycle de croissance européen. La prime moyenne est désormais inférieure à 240pdb contre Bund. Les flux entrants sur les ETFs investis en high yield européen se sont nettement redressés au cours des dernières semaines. L’indice iTraxx IG s’est resserré sous le seuil de 50pdb et le Crossover s’approche de 220pdb. Aux États-Unis, les spreads high yield se situent sous 340pdb à moins de 15pdb des plus bas de l’année. L’énergie profite de la persistance du rebond de l’or noir. Le WTI s’inscrit au-dessus de 56$ le baril. Ces tensions sont en revanche sans incidence sur les points morts d’inflation aux États-Unis comme en zone euro.