par William de Vijlder, Chef économiste chez BNP Paribas
D’une manière générale, les économistes suivent avec intérêt le comportement des marchés financiers. Le prix d’un actif dépend à la fois des flux de paiements, du taux d’intérêt et de la prime de risque exigée par les investisseurs. La dynamique de ces facteurs est très cyclique et on peut considérer que le prix d’un actif (action, obligation, bien immobilier, etc.) reflète, dans une certaine mesure, les attentes des investisseurs en matière de croissance et de taux d’intérêt.
On peut distinguer trois phases dans l’interprétation économique du cycle de marché. La première est celle du soulagement et de l’espoir : à la fin d’une récession la bourse entame une hausse, soutenue par des baisses importantes des taux d’intérêt qui alimentent l’anticipation d’une réaction de l’activité économique. La deuxième est celle de la confiance : la hausse des cours boursiers est davantage dictée par les perspectives bénéficiaires que par l’environnement monétaire.
Nous sommes actuellement dans la troisième phase. La combinaison d’une conjoncture très bien orientée et d’une inflation inférieure à l’objectif des banques centrales permet de maintenir une politique monétaire souple, qui soutient la croissance. Les attentes en matière de flux de paiements (dividendes) sont optimistes tandis que le taux officiel peut rester bas. Il en découle un appétit pour le risque élevé. Les investisseurs sont confiants et estiment le risque économique (celui d’un retournement cyclique) faible. Cette phase pourrait être qualifiée de « phase de vigilance ».
D’un côté, la dynamique boursière témoigne de la réussite de la politique monétaire. Elle soutient également la croissance, par le biais de conditions de financement avantageuses pour les entreprises ou encore d’un effet de richesse au niveau des ménages. D’un autre côté, cette dynamique interpelle. Aux Etats-Unis, on observe une corrélation étroite augmentation du patrimoine des ménages et confiance : la hausse de la bourse et celle de l’immobilier dopent la confiance et les dépenses des ménages. On constate d’ailleurs une baisse du taux d’épargne. Une nette baisse de la bourse pourrait donc peser sur la consommation. En outre, la valorisation élevée de certains actifs leur confère une grande sensibilité à tout changement des facteurs fondamentaux économiques tels qu’une résurgence de l’inflation, des taux d’intérêt plus élevés ou encore un soudain ralentissement de la croissance.
En conclusion, la bonne tenue de Wall Street retient plus que jamais l’attention des économistes. Facteur de soutien indéniable à la croissance, elle pose aussi la question de la sensibilité à un éventuel changement des perspectives monétaires et économiques.