par Morgan Harting, Emerging Markets Multi Asset portfolio manager chez AllianceBernstein (AB)
Depuis début 2016, les marchés émergents affichent de solides performances. En effet, leurs actions ont connu une hausse de 30% en 2017. A l’orée 2018, les marchés émergents sont confrontés à des risques géopolitiques et monétaires accrus et à la présence de poches de survalorisation. Toutefois, nous sommes convaincus que les investisseurs avertis pourront trouver, dans les mois qui viennent, de belles opportunités sur ces marchés. Pour cela, ils devront se livrer à une stratégie de diversification au sein des différentes catégories d’actifs.
Cette année, les performances affichées par les marchés émergents ont essentiellement reposé sur leurs fondamentaux. Au regard de la solide croissance des échanges mondiaux, les bénéfices attendus sur les marchés émergents ont été révisés à la hausse tout au long de l’année. Cette tendance devrait s’amplifier, l’évolution des multiples cours-bénéfice n’expliquant qu’un dixième du rendement affiché par les actions émergentes.
Des fondamentaux en progrès
Certes, les actions émergentes ont vu leur valorisation progresser, mais elles se négocient encore à des prix bien inférieurs à ceux de leurs homologues des marchés développés. De nombreux pays en développement connaissent une phase d’amélioration de leurs fondamentaux. Globalement, les marchés émergents devraient connaître une croissance de 4,6 % en 2018 : un certain nombre d’entre eux étant parvenus à réduire ou à stabiliser leur inflation. Forts de cette combinaison de facteurs, les pays émergents pourront, si nécessaire, mettre en œuvre des politiques de stimulation monétaire.
De plus, la structure de leur commerce extérieur a considérablement évolué. Désormais, ils sont moins dépendants des capitaux étrangers et moins vulnérables à une éventuelle hausse des taux d’intérêt sur les marchés développés. Un certain nombre d’États ont également mis en œuvre des réformes et adopté des modes de gouvernance plus efficaces. Autant de décisions qui ont amélioré les perspectives de croissance sur l’ensemble des marchés émergents.
Par conséquent, nous pensons que ces marchés restent un terrain propice aux investisseurs avisés, qui, devraient s’intéresser, en 2018, aux éléments suivants :
• Les entreprises du numérique : catalyseur du développement des marchés émergents
Pour l’instant, la hausse des actions émergentes s’est opérée selon une logique très similaire à celle qui a prévalu sur le marché américain. Aux États-Unis, les entreprises du numérique qui dominent notamment les secteurs du téléphone mobile et du e-commerce, ont compté pour près du tiers des résultats enregistrés. Les investisseurs en sont donc arrivés à considérer ces géants – les fameux GAFAN (Google, Amazon, Facebook, Apple et Netflix) – comme des acteurs incontournables. Dans les marchés émergents, les GAFAN ont leur équivalent : Alibaba, Tencent, Samsung, Naspers et Taiwan Semiconductor ont ainsi affiché en 2017, à elles cinq, un rendement trois fois supérieur à celui du reste des actions émergentes.
Dans les marchés émergents, cette phase haussière pourrait bien s’amplifier : les investisseurs semblent désormais s’intéresser aux nombreux secteurs et entreprises qui soutiennent la croissance des géants du numérique, notamment les fabricants de mémoire vive dynamique (DRAM) et de composants électroniques taïwanais et sud-coréens. En adoptant une meilleure discipline capitalistique, ces entreprises tirent profit de la consolidation de leur industrie et font progresser rapidement leurs bénéfices et dividendes, ce dont les multiples cours-bénéfices ne tiennent pas encore compte.
• Une forte capitalisation des banques chinoises
Tandis qu’ils affichent une meilleure rentabilité et un rendement du dividende deux fois supérieur, les titres des banques chinoises se négocient moitié moins que leurs concurrentes mondiales De plus, la conjoncture économique nationale est favorable aux établissements prêteurs. Globalement, les entreprises chinoises ont affiché en 2017 une bien meilleure rentabilité. De nombreuses valeurs industrielles ont par exemple connu une croissance avoisinant les 35%. Conséquences : les banques ont vu leur risque de crédit baisser et la qualité de leur portefeuille de créances s’améliorer. D’un autre côté, les autorités chinoises ont réussi à freiner le shadow banking des petites institutions du pays. Le système financier du pays semble donc devenir plus efficace : les ressources autrefois destinées à l’ingénierie financière s’orientant désormais davantage vers les activités productives. Ces différents facteurs contribuent à la réduction du risque et stimulent la rentabilité des banques chinoises les plus prometteuses.
• Les obligations d’Etat brésiliennes
Au Brésil, l’inflation a augmenté de plus de 10 % en janvier pour atteindre 2,5 % en novembre. Cela a ouvert la voie à des réductions successives des taux d’intérêt qui ont stimulé le rendement des obligations. Avec un rendement nominal de 10% à 10 ans, les obligations brésiliennes comptent parmi les plus rentables du monde et donnent aux investisseurs de ce marché toutes les raisons d’espérer de bons résultats en 2018. Les répercussions de la reprise économique brésilienne se sont déjà fait sentir sur les marchés boursiers, qui ont connu une hausse de 69% en 2016 et de près de 30% en 2017. Les multiples cours-bénéfices ont par conséquent atteint le chiffre significatif de 24x. Bien que les marchés des actions et du crédit puissent offrir aux investisseurs quelques belles opportunités, nous pensons que les obligations brésiliennes leur permettront de bénéficier d’un meilleur couple rendement / risque.
Nous pensons que les investisseurs qui diversifieront leurs portefeuilles sur l’ensemble des classes d’actifs émergentes trouveront des filons intéressants dans différents secteurs et pays.
Cibler les opportunités les plus intéressantes sur les marchés actions et obligataires peut contribuer à la création d’un portefeuille plus équilibré. Résultat : ce dernier sera susceptible de mieux résister aux à-coups qui émailleront inévitablement la reprise des marchés émergents en 2018.