par Franck Dixmier, Directeur des gestions obligataires d’Allianz GI
Alors qu’on s’attend à ce que, dans le cadre de la normalisation de sa politique monétaire, la Fed annonce ce mois-ci une remontée de ses taux, une majorité des dirigeants de la BCE continue de soutenir le programme d’achat d’actifs de la banque centrale. Ce décalage entre les deux banques centrales risque de compliquer de manière croissante les décisions des investisseurs.
Les conditions sont réunies pour une hausse des taux de la Fed
Selon nous, il est quasiment assuré qu’une hausse des taux de 25 pb sera annoncée lors de la prochaine réunion du Comité de politique monétaire (FOMC), les 12 et 13 décembre.
Il est frappant de constater sur ces derniers mois que l’écart s’est réduit entre les anticipations du marché et les intentions de la Fed (les « dot plots »), même s’il n’a pas entièrement disparu. Sans surprise cette prochaine hausse de 25pb est totalement anticipée par les investisseurs.
Notons en outre que ce repricing récent n’a pas eu d’impact sur les marchés financiers, ce qui constitue une bonne nouvelle pour la FED, qui voit de facto ses marges de manœuvre augmenter par rapport à son souci de maintenir les meilleures conditions de stabilité financière.
Des dernières données économiques favorables couplées à des perspectives de croissance positives devraient permettre à la banque centrale de poursuivre la normalisation de sa politique monétaire et de continuer de passer de la parole aux actes.
Hausse graduelle de l’inflation aux États-Unis à venir
Concernant les perspectives à plus long terme, le message de la Fed devrait prudemment évoluer. Si les comptes rendus des dernières réunions du FOMC traduisent une position équilibrée, les commentaires sur l’inflation sont plus instructifs. Récemment, la Fed s’est trouvée confrontée au casse-tête d’un environnement très positif associé à une inflation basse, loin de l’objectif de stabilité des prix. À présent, le ton des débats semblerait indiquer une plus grande confiance dans un prochain rebond mesuré de l’inflation, notamment au niveau des salaires. Nous partageons cette analyse, et une hausse graduelle des salaires serait selon nous le catalyseur d’une reprise de l’inflation sous-jacente qui justifierait un volontarisme plus affiché de la FED dans la normalisation de sa politique monétaire. Nous anticipons à ce titre au moins 3 hausses des taux de 25pb en 2018, alors que le marché n’y attribue à ce jour qu’une probabilité de 60%. En conséquence, le repricing des hausses de taux à venir ne serait pas arrivé à son terme.
Évolution des orientations de la BCE
Il est probable qu’une large majorité des membres du Conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne devrait continuer de soutenir le programme d’achats d’actifs en 2018. Mais, parallèlement, la durée du programme, l’ampleur de l’ajustement et la manière de communiquer de la BCE devraient faire débat au sein du Conseil.
Il ne serait donc pas surprenant d’observer, lors de la réunion du 14 décembre, une évolution de la communication de la BCE, la « forward guidance », visant à rompre le lien entre la poursuite des achats d’actifs et l’inflation. A travers quelques déclarations récentes de membres de la BCE, il semblerait que l’ancrage trop fort des taux d’intérêts sur des niveaux extrêmement bas soit perçu de plus en plus comme un danger à terme pour la stabilité financière. S’il est peut-être trop tôt pour attendre une communication précise d’une date de fin du programme d’achat -qui ne saurait néanmoins trop tarder- il va être intéressant de guetter les inflexions dans les messages aux marchés qui certes vont réduire les options disponibles pour la BCE, mais accroitre la transparence de la politique monétaire pour les investisseurs.