par James Chanos, Portfolio Manager chez AB Kynikos Portfolio
Dans le cadre des enseignements que je dispense sur l’histoire de la fraude financière, j’aborde souvent un point intéressant avec les étudiants : le fait que le « cycle de la fraude » réplique le cycle financier, mais avec un décalage. Plus une période haussière se prolonge dans le temps, plus les fraudeurs ont besoin de faire du bruit ; ils communiquent davantage, gonflent leurs résultats prévisionnels et font étalage de leurs comptes. Et c’est précisément ce phénomène que nous observons en ce moment aux États-Unis.
On voit de plus en plus fréquemment des histoires où les dirigeants d’entreprise franchissent sans hésitation les limites du comportement acceptable et gonflent leurs résultats. À mesure que le cycle se poursuit, les investisseurs deviennent moins méfiants. Ils se disent : « attends un peu, les marchés continuent à grimper et, forcément, je vais finir par rater le coche si je n’investis pas dans ces titres ! »
Et c’est à ce moment précis que la situation devient particulièrement risquée.
Depuis quelque temps, nous observons notamment un fait intéressant, et je suis certain de ne pas être le seul à l’avoir remarqué. Dans le secteur de la technologie, à l’échelle mondiale, les entreprises les plus innovantes et les plus rentables – dont certaines connaissent une très forte croissance – affichent une valorisation parmi les plus faibles.
À l’inverse, les entreprises qui nous vendent de la poudre de perlimpinpin, de « l’Hope-ium », sur leurs perspectives à l’horizon 2025, 2030, etc. – affichent une valorisation qui contraint littéralement les analystes à modifier l’échelle de leurs graphiques ! À l’heure actuelle, le marché de la technologie est perturbé par des asymétries de ce type. Et nous avons donné un nom à ces titres : les actions du « culte de la technologie ».
Débusquer la fraude boursière en temps réel fait le bonheur des vendeurs à découvert (short sellers). Les organismes de réglementation et la justice, pour leur part, font figure d’archéologues de la finance. Ils ne seront en mesure d’expliquer ce qui s’est passé que dans dix ans, quand la poussière sera retombée.
Et je pense que du point de vue des investisseurs, ce travail qu’accomplissent les vendeurs à découvert est très important pour les marchés financiers. Et nous sommes heureux d’y contribuer.