par Olivier Bizimana et Olivier Eluère, économistes au Crédit Agricole.
Depuis plus d’un an, les chocs s’accumulent sur les économies européennes. Un pétrole cher, un euro fort et la crise financière ont constitué des freins puissants à la croissance. La demande interne s’est contractée au deuxième trimestre et les indicateurs avancés pointent la poursuite du ralentissement. L’approfondissement de la crise financière depuis le mois de septembre laisse craindre un freinage de l’activité plus profond et durable. Dans ce contexte, se pose la question des mesures de soutien de l’activité en Europe. Parmi les grands pays de la zone euro, la France est l’un de ceux qui dispose des plus faibles marges de manœuvre budgétaires, au regard des exigences du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC).
A la fin 2007, le déficit public français s’établissait à 2,7 % du PIB. Le freinage de la croissance attendu cette année et en 2009 (respectivement 1 % et 0,9 %), va peser sur l’équilibre des finances publiques. Le solde conjoncturel (composante du solde budgétaire influencée par le cycle d’activité) devrait diminuer d’environ 0,5 point de pourcentage par an en 2008 et 2009. En faisant une hypothèse neutre, selon laquelle le déficit public structurel (corrigé des effets du cycle d’activité et des mesures exceptionnelles) reste stable à son niveau de 2007, cette dégradation ferait mécaniquement passer le déficit total à 3,2 % du PIB en 2008 et 3,6 % du PIB en 2009.
Malgré la dégradation des perspectives de croissance, le gouvernement français maintient ses objectifs de retour à l’équilibre budgétaire à moyen terme, conformément aux exigences du PSC. Le gouvernement table ainsi sur un acheminement graduel vers l’équilibre à l’horizon 2012, avec une diminution des déficits dès 2008-2009. Le projet de loi de finances 2009 (PLF) prévoit une maîtrise stricte des dépenses et des mesures d’économie (non remplacement d’un départ sur deux à la retraite pour les effectifs de l’État) ce qui permettrait une amélioration du solde structurel, de 0,5 point de PIB par an en 2008 et 2009, et compenserait la dégradation prévue du déficit conjoncturel. Le déficit public se maintiendrait à 2,7 % du PIB.
En définitive, avec les hypothèses du PLF, il faudrait un ralentissement très marqué de la croissance du PIB pour faire déraper le déficit public. Avec une croissance limitée à 0,5 % en 2009 (contre une hypothèse centrale de 0,9 %), les mesures d’assainissement structurel donneraient des marges de manœuvre pour laisser jouer les stabilisateurs automatiques sans entraîner le déficit au-delà du seuil de référence des 3 % du PIB(1). En revanche, en cas de matérialisation d’un scénario noir de croissance nulle ou négative, une hypothèse qui aujourd’hui ne parait pas impossible vu l‘ampleur de la crise financière et ses conséquences récessives sur les économies européennes, le solde budgétaire serait amené à dépasser les 3 % du PIB. Les circonstances exceptionnelles pourraient alors être invoquées pour éviter la procédure pour déficit excessif(2). Mais en toute hypothèse, les finances publiques de la France n’étant pas proches de l’équilibre, il lui sera difficile de mettre en place une politique contra-cvclique pour compenser le ralentissement de l’activité.
(1) Les « stabilisateurs automatiques » sont un mécanisme qui permet aux finances publiques d’amortir les fluctuations de la demande.
(2) Dans la réforme du PSC du 20 mars 2005, le Conseil Ecofin a redéfini les circonstances permettant un dépassement « exceptionnel et temporaire » de la valeur de référence de 3 % du PIB. Le Conseil considère comme exceptionnel, un dépassement de la valeur de référence qui résulte d'un taux de croissance négatif ou de la baisse cumulative de la production pendant une période prolongée de croissance très faible par rapport au potentiel de croissance.