par Henrik Amilon, Senior Research Analyst chez Sparinvest
Etant donné que les marchés boursiers anticipent les cycles économiques et que les titres « value » bon marché ont tendance à surperformer les autres titres à mesure que les pays sortent de la récession, les titres « value » représentent sans conteste la classe d’actifs qu’il faut surveiller pour identifier les prémices d’une reprise économique. C’est l’avis de Sparinvest, le gestionnaire de fonds danois, dont l’équipe d’analystes a récemment analysé le comportement des titres « value » par rapport à leurs équivalents « growth » durant plusieurs récessions, et qui en a conclu que les premiers tendaient à être les grands gagnants de l’amélioration des conditions économiques.
Pour les maisons d’investissement telles que la société Danoise Sparinvest, il est essentiel de connaître les secrets des stratégies d’investissement gagnantes. C’est la raison pour laquelle nous étudions la performance des actions « value » et « growth » durant 80 années de récession pour déterminer l’effet de telles périodes sur les deux stratégies. « Les actions « value » peuvent certes sous-performer pendant les récessions mais elles sont plus susceptibles de rebondir fortement lorsque les perspectives économiques commencent à s’améliorer. »
La recherche Académique a conclu que, sur la plupart des périodes de 5 ans, les actions « value » (c’est-à-dire les titres dont le ratio cours/valeur comptable est inférieur à la moyenne du marché) avaient tendance à générer des performances supérieures à celles des titres « growth » plus onéreux. Cette constatation fait de l’investissement « value » une stratégie invariablement gagnante sur le long terme. Mais pourquoi est-elle si efficace et pourquoi les investisseurs n’exploitent-ils pas de telles connaissances ? C’est sur ces points que les théoriciens sont en désaccord. Il existe deux écoles de pensée principales.
- Les partisans de la « théorie du marché efficient » traditionnelle pensent que les prix des investissements plus risqués doivent offrir aux investisseurs des perspectives de plus-values plus élevées, faute de quoi ils n’investiront pas dans de tels titres. Ils estiment que les actions « value » sont plus risquées par nature et ne deviennent donc attrayantes pour les investisseurs que si elles sont accessibles à des prix bon marché et qu’elles offrent une décote. Ainsi n’existe-t-il aucune divergence en matière de prix. Les actions « value » doivent être meilleur marché.
- Les adeptes de la finance comportementale, quant à eux, pensent que la surperformance régulière de l’investissement « value » est l’anomalie qui réfute la théorie du marché efficient. Ils sont convaincus que nous sommes psychologiquement programmés pour nous détourner de ce qui est peu attrayant et pour être attirés par ce qui est prestigieux et populaire, même en matière d’investissement. Ces tendances comportementales humaines représentent autant de sources d’erreurs de valorisations pour les investisseurs « value » car le potentiel bénéficiaire des sociétés peu prisées par le marché est souvent ignoré.
Que se passe-t-il donc en période de récession ? Pourquoi les titres « value » sont-ils considérés comme sous-performants par rapport au marché à l’approche d’une récession et surperformants lorsque les perspectives s’améliorent?
Pour appuyer la théorie financière traditionnelle selon laquelle la prime liée à l’investissement « value » représente tout simplement une compensation par rapport au risque encouru, nous pouvons citer le théoricien Lu Zhang. Il suggère que, pendant les périodes de ralentissement économique, la réversibilité de la production est plus onéreuse pour les titres « value » que pour les titres « growth ». Ceci s’explique par le fait que les titres « value » possèdent généralement des actifs immobiliers déjà investis tels que des immeubles de bureaux, des usines de production et des effectifs importants, tandis que les sociétés « growth » disposent seulement d’« options de croissance ». De toute évidence, il est moins cher d’inverser des projets d’expansion théoriques. Aussi les sociétés « growth » peuvent-elles réagir bien plus facilement et à moindres coûts en cas de récession. A mesure que s’améliore la situation économique, toutefois, les sociétés « value » sont en mesure de réagir plus rapidement à l’accroissement de la demande en réactivant tout simplement leurs immobilisations, tandis que les sociétés « growth » ont toujours besoin d’engager des dépenses d’investissement massives pour acquérir de tels actifs.
Les partisans de la finance comportementale, à l’inverse, offrent une explication basée sur la psychologie. Ils soutiennent que les cours des actions sont déterminés par l’interaction d’investisseurs rationnels et irrationnels sur les marchés. Les deux types d’investisseurs peuvent faire des erreurs de jugement systématiques, surtout dans un contexte de risque et d’incertitude accrus. Or ces erreurs affectent les cours boursiers. Par exemple, les investisseurs rationnels peuvent se heurter à des « limites d’arbitrage ». Ils peuvent être convaincus que le cours d’une action va augmenter mais leur horizon d’investissement est trop court pour que leurs prévisions se réalisent. Or, d’après la fameuse phrase de Keynes « Les marchés peuvent se montrer irrationnels plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable ». Les investisseurs irrationnels, quant à eux, sont attirés par des facteurs tels que le prestige et la popularité. Ils sont donc susceptibles de payer plus cher les titres de sociétés dont les fondamentaux sont médiocres, mais les relations publiques solides. A terme, à mesure que s’atténue la menace d’une récession, le marché prend le temps de réévaluer les fondamentaux et converge pour prendre une décision rationnelle concernant la valeur d’un titre. C’est là que les actions « value » tirent leur épingle du jeu.
Si certaines analyses théoriques montrent que les actions « value » sont plus risquées que les actions « growth » pendant une récession, ces analyses ne sont pas extrêmement solides et sont certainement insuffisantes pour justifier l’intégralité de la prime importante qui est historiquement liée à ces titres. Des effets aussi bien rationnels que comportementaux entrent en jeu sur les marchés financiers d’aujourd’hui. Il fournit à l’appui le graphique ci-dessous qui souligne la performance des actions américaines « value » et « growth » de décembre 1926 à janvier 2009, sur fond de récessions économiques intervenues pendant cette période.
On voit clairement que les actions « value » ont fortement sous-performé pendant la Grande dépression et la récession ultérieure de 1937. Naturellement, toutes les récessions sont comparées à la « Grande récession ». On peut donc concevoir qu’il existe ici un « problème d’héritage » pour les actions « value », et l’impression qui en ressort est qu’elles affichent toujours les performances les plus faibles pendant une récession.
Le graphique montre toutefois clairement que, la plupart du temps, la différence n’est pas énorme entre le comportement des actions « value » et « growth » pendant une telle période. Les deux catégories souffrent. Un examen plus approfondi révèle que, même si la surperformance relative des actions « value » par rapport aux actions « growth » est plus limitée à l’aube d’une récession qu’en temps normal, les titres « value » demeurent supérieurs en termes absolus. De même, à la sortie des récessions, la prime des titres « value » est supérieure à sa moyenne. L’essentiel, c’est ce qu’il se passe à long terme et là, tout investisseur qui aura évité les titres « value » paiera très cher une telle stratégie. La valeur finale du portefeuille « value » est plus de 10 fois supérieure à celle de du portefeuille« growth » ! Donc, sauf si un investisseur est plus apte à prévoir les récessions que le marché, il peut payer très cher une éventuelle aversion envers les actions « value ».
Les marchés boursiers anticipent : l’heure est-elle désormais à la stratégie « value » ? Les marchés boursiers anticipent par nature et on peut donc supposer que la crainte d’une récession grave a d’ores et déjà été prise en compte dans les actions « value ». Que vous expliquiez la prime « value » par des arguments traditionnels ou comportementaux, si vous acceptez son existence et tablez sur une sortie de crise imminente pour l’économie mondiale, vous reconnaîtrez aisément la capacité de la stratégie « value » à tirer parti de cette situation.