par Philippe Zaouati, CEO de Mirova, Membre du HLEG, et Président de Finance For Tomorrow
La Commission a publié un plan d'action très ambitieux qui vise à déployer la finance durable à l'échelle paneuropéenne et dans l’ensemble du système financier. Cette feuille de route fait suite aux recommandations du Groupe d'experts de haut niveau (HLEG) et poursuit trois objectifs majeurs :
- réorienter les flux de capitaux vers une économie plus durable ;
- intégrer la durabilité dans la gestion des risques
- promouvoir la transparence ainsi qu’une une vision long terme.
Ces objectifs sont soutenus par dix actions concrètes : établir une taxonomie des actifs durables au niveau européen ; créer des standards et des labels pour les produits financiers verts ; encourager l'investissement dans des projets d'infrastructures durables ; prendre en compte les critères de durabilité dans les conseils financiers ; développer les indices financiers durables ; mieux intégrer la durabilité dans les notations et les analyses de marché ; clarifier les obligations des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs ; intégrer la durabilité dans les exigences prudentielles ; renforcer l'information sur la durabilité et améliorer les règles comptables ; encourager une gouvernance d'entreprise plus durable et atténuer la vision court-termiste sur les marchés financiers.
Avant toute chose, reconnaissons à la Commission ce grand mérite de chercher à mettre en action, de façon rapide et efficace, les conclusions d’un travail d'experts. Le plan d'action reflète l’ensemble des éléments clés du rapport du HLEG sur la finance durable et certaines propositions, telles que celle concernant les indices de marchés (benchmarks), vont même au-delà. Il est rare de voir un tel élan, rapide et ambitieux, et c’est tout à l’honneur de la Commission. Les prochaines élections européennes approchant, le calendrier est serré. Cette occasion de promouvoir une finance et une croissance durables ne doit pas être manquée. La Commission a su relever les défis de la finance durable et doit être félicitée et soutenue dans son approche : par le Parlement, par les États membres, par le secteur financier et par toutes les parties prenantes, afin de tirer le meilleur possible de cette proposition de plan d’action.
Pour ce faire, l’équation à résoudre est complexe : d’un côté, un calendrier serré. De l’autre, des ambitions importantes. La nécessité d'agir rapidement pour concrétiser les changements ne doit pas limiter le niveau d'ambition. Par exemple, l'utilisation du dispositif de l’éco-label pour créer un label volontaire à l'échelle de l'UE constituerait une étape très significative : le processus devrait débuter immédiatement, sans attendre l'adoption finale d'une taxonomie européenne, mais plutôt entériner la taxonomie européenne à chaque étape de son développement, en commençant par les sujets climat.
L'enjeu est de taille, car l'objectif est de permettre au secteur financier de mieux accompagner la transition durable de nos économies et de réconcilier les citoyens de l'UE avec le secteur financier, ce qui n’est pas un sujet simple. À cet égard, de nombreuses propositions qui font partie du plan d'action devraient être soutenues et suivies attentivement afin de s'assurer qu'elles permettent effectivement aux investisseurs professionnels et aux citoyens d'investir en faveur d'un changement durable : l'intégration de la durabilité dans les obligations fiduciaires et dans les benchmarks, ainsi que les standards pour les produits financiers écologiques, sont d'une importance capitale pour les investisseurs professionnels. En ce qui concerne les citoyens, l'accent devrait être mis sur la clarification et la simplification de leurs choix. Il est extrêmement important d'intégrer la durabilité dans les conseils financiers. La clarification de ce qu'est un "produit socialement responsable" (SRI) au moyen de standards minimaux européens est une option qui devrait être explorée immédiatement. La mise en œuvre du plan d’action doit prioriser la durabilité, mais aussi les citoyens : ceux-ci devraient être le point de départ pour concevoir des réformes simples et significatives au niveau de l'UE. La finance sera durable ou ne sera pas et devra évoluer aussi de manière à réconcilier l'UE et ses citoyens.