par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, Xavier d’Ornellas, Gérant Associé – Pôle Gestion Flexible chez Amplegest, avec la participation de Jean-Michel Mourette, Economiste (Eureka Finance)
Le début d’année 2018 est très paradoxal pour les économistes. Rarement la toile de fond de l’économie mondiale n’a été aussi favorable, avec une synchronisation de la reprise dans toutes les zones et des indicateurs au vert dans presque tous les domaines. Pourtant, en dépit de ce constat très positif, les inquiétudes apparaissent de plus en plus nombreuses et finissent par atteindre le moral des investisseurs.
La clé de lecture de cette situation anachronique vient probablement d’une erreur structurante dans la politique économique américaine. En effet, malgré une croissance déjà forte et un quasi plein emploi, Mr Trump et son administration ont décidé en fin d’année dernière de procéder à une politique de relance, principalement au travers d’une réforme fiscale de grande ampleur. Cette décision, éminemment politique, n’avait pas de réelle justification économique et risque d’entraîner un dérèglement des agrégats de la première puissance mondiale.
Comment en effet absorber le surcroit de demande généré par les cadeaux fiscaux de Mr Trump alors que le taux de chômage est au plus bas ? Les postes non pourvus dans les entreprises sont de plus en plus nombreux. Face à cette situation, il est très probable qu’elles finissent par augmenter les salaires de manière significative, réduisant ainsi leurs marges. Pour compenser elles pourraient être tentées d’augmenter leurs prix de manière similaire. On voit bien les conséquences inflationnistes d’une telle décision.
Le principal risque aux Etats-Unis est donc une résurgence de l’inflation bien au-delà de l’objectif des 2% de la FED. Face à cette menace, le nouveau gouverneur de la Banque Centrale est devant une impasse : doit-il rester prudent et s’en tenir aux trois hausses des taux programmées pour 2018 et risquer d’être accusé de laxisme si l’inflation repart ? Ou doit-il agir plus fortement et risquer ainsi de provoquer un choc sur les marchés ? Le mandat de Mr Powell commence par une situation pour le moins complexe…
Le reste du monde et particulièrement l’Europe ne souffre pas des mêmes incertitudes. Pourtant, il apparait clair que les décisions américaines affecteront les autres économies. C’est le privilège du pays leader. Par ailleurs, le comportement du dollar sera un facteur important, en particulier pour les pays émergents.
La consolidation actuelle des marchés traduit ces incertitudes auxquelles on peut également ajouter les risques politiques récents, à commencer par les menaces protectionnistes de Mr Trump. La nervosité a fait son retour chez les investisseurs après des années de faible volatilité. Le risque d’une inflation sous-estimée aux Etats-Unis et ses conséquences sur les taux d’intérêt nous conduisent aujourd’hui à davantage de prudence dans nos allocations et dans la gestion de nos fonds flexibles. Nous réduisons le poids actions et renforçons le cash et les métaux précieux. « Un grain de prudence vaut mieux qu’un magasin de subtilité » dit le proverbe. Nous pensons toutefois que la bonne santé de l’économie mondiale et que les perspectives bénéficiaires des sociétés seront des forces de rappel importantes en cas de baisse excessive. Nous gardons une préférence pour la zone euro dans nos investissements. L’Europe est en début de cycle et bénéficie toujours d’une politique monétaire conciliante. Nous serons très attentifs à court terme aux prochains chiffres d’inflation aux Etats-Unis et au comportement des taux d’intérêt dans le monde.