par Roland Lescure, directeur des gestions de Groupama Asset Management
Depuis les points bas de mi-mars 2009, les marchés boursiers ont progressé de près de 40%, effaçant les pertes du début de l’année. Ce rebond exceptionnel par son ampleur suit une baisse tout aussi exceptionnelle entamée à l’été 2007 et accélérée par la faillite de Lehman Brothers.
Il s’est accompagné d’une hausse des taux longs et des matières premières, autant de signes qui indiquent un reflux de l’aversion pour le risque et un timide retour de la confiance. Le mouvement le plus spectaculaire concerne le marché du crédit, dont la détente a amené les écarts de rendements (les « spreads » de crédit) à des niveaux proches de ceux qui prévalaient avant la faillite de Lehman Brothers.
Cette amélioration spectaculaire de l’appréciation des marchés sur l’environnement économique et financier a quelques fondements solides : recapitalisation des banques américaines et faillite de deux constructeurs automobiles orchestrées de main de maître, résultats des sociétés non financières en berne mais conformes aux attentes, début de reprise en Chine. Mais elle nous semble aujourd’hui exagérée, au vu d’un environnement fondamental encore dégradé. La baisse de l’activité se poursuit dans la plupart des économies, à un rythme certes moindre qu’à l’hiver. Après avoir compensé en début d’année la baisse des chiffres d’affaire par des réductions de coûts, les entreprises risquent de voir leurs marges affectées par la poursuite de la récession. Enfin, la situation des banques reste à risque, malgré les « stress-tests » et les recapitalisations qui ont avant tout permis de trier entre les « bonnes banques » et les « mauvaises ».
Au-delà de l’impact encore à venir de la récession sur les profits des sociétés cotées, la hausse des taux récente, corollaire d’un retour timide de l’appétit pour le risque, fait également peser un risque sur les marchés. Aux Etats-Unis, elle s’est déjà traduite par une baisse des refinancements des crédits hypothécaires, qui permettait aux ménages américains d’accélérer leur désendettement. Elle pourrait aussi affecter les conditions de financement des petites et moyennes entreprises, qui n’ont pas accès aux marchés du crédit et ne peuvent donc profiter de la baisse des spreads de crédit.
Pour l’heure, les émissions d’actions et d’obligations permettant de restaurer les bilans ont été absorbées sans heurt par les marchés, dopés par une réallocation des investisseurs en faveur des actifs risqués. Mais la dynamique économique et financière d’ensemble reste négative, et devrait se traduire pour l’ensemble de l’année 2009 par une nouvelle baisse des résultats de 30% de part et d’autre de l’Atlantique. Dans ces conditions, nous maintenons pour la fin de l’année des prévisions d’indices proches des niveaux actuels (de l’ordre de 3000 pour le CAC40), et n’excluons pas une correction estivale au fur et à mesure que les déceptions sur les résultats se matérialiseront.
La probabilité d’une hausse supplémentaire des taux longs nous semble limitée. Les banques centrales des pays émetteurs comme celles des pays acheteurs ont toutes intérêt à conserver des taux bas (inférieurs à 4% aux Etats-Unis et autour de 3,50% en zone euro). Le risque d’étouffement de la croissance reste élevé, d’autant plus que la hausse des marchés actions s’est accompagnée d’une hausse des cours des matières premières qui pourrait affecter pouvoir d’achat des consommateurs et marges des entreprises.
Le marché du crédit a indéniablement profité du retour de la confiance, en offrant des rendements attractifs comparés notamment à ceux offerts par le marché monétaire. Les émissions redonnent de la flexibilité aux émetteurs et les craintes sur la liquidité s’estompent. Le marché du crédit, tout comme le marché des actions, commence clairement à trier les sociétés au sein de chaque secteur : les entreprises qui auront préservé leur capacité financière et qui sauront gagner des parts de marchés sortiront gagnantes de la crise. Nos choix d’investissement se concentrent désormais sur l’analyse des entreprises, la sélection des titres reprenant le pas sur l’allocation sectorielle dans la construction de portefeuilles.