par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
A l’issue de la réunion du Federal Open Market Committee qui s’est tenue les 23 et 24 juin, et comme largement anticipé, la Banque centrale américaine a laissé ses taux directeurs inchangés (entre 0% et 0,25% pour les Fed funds et à 0,50% pour le taux d’escompte). Elle a aussi confirmé les achats de titres prévus : 1250 milliards de MBS d’agences et 200 milliards USD de titres de dette d’agences d’ici la fin de l’année, ainsi que 300 milliards de dollars de titres du Trésor d’ici à l’automne.
Par ailleurs, la Fed a légèrement modifié son communiqué par rapport à celui du mois d’avril, faisant disparaître une phrase du paragraphe sur les prix “l’inflation pourrait demeurer pendant un certain temps sous les niveaux les plus appropriés pour soutenir la croissance et la stabilité des prix à long terme“. Cette disparition suggère que la Fed est moins inquiète du risque de déflation que par le passé, sans pour autant craindre une remontée rapide de l’inflation qui devrait demeurer modeste encore un certain temps.
Les marchés financiers ont paru déçus que la Fed n’ait pas précisé l’horizon de maintien du statu quo monétaire, répétant seulement que les taux devraient rester à leurs niveaux exceptionnellement bas pendant une période assez longue et qu’elle n’ait pas semblé s’inquiéter outre mesure de la remontée récente des rendements de titres d’Etat à long terme. Elle parait plutôt y voir la traduction des anticipations meilleures qu’auparavant de reprise. En effet, concernant l’activité, la Fed a souligné que l’ensemble des données et enquêtes publiées depuis le FOMC des 28 et 29 avril suggèrent que le rythme de la contraction économique a ralenti au cours des derniers mois. Cette semaine encore la publication des commandes de biens durables pour mai, en hausse de 1,8% comme en avril, signale une amélioration naissante dans le secteur. Les commandes se sont sensiblement redressées au cours des deux derniers mois, tandis que les stocks ont été allégés régulièrement depuis le début de l’année. Cette inflexion favorable est cohérente avec les données d’enquêtes portant sur le secteur manufacturier, et en particulier avec l’enquête ISM dont la composante portant sur les nouvelles commandes est repassée au dessus de 50 en mai, pour la première fois depuis la fin 2007. En dépit de cela, les prochaines semaines pourraient être favorables aux marchés obligataires, les marchés d’actions reprenant leur souffle, la plupart des bonnes surprises semblant déjà intégrées dans les prix.
Dans la zone euro, la première opération de refinancement à long terme à un an lancée mercredi 24 juin par la BCE a rencontré un très vif succès. 1121 établissements y ont eu recours, pour une enveloppe totale de 442,24 milliards d’euros, empruntés au taux refi. Le succès plus important que prévu de l’opération (la Banque centrale limitait jusqu’à présent ses opérations de refinancement à 6 mois) a provoqué un rally sur la partie courte de la courbe des taux obligataires. Les taux allemand comme français à 2 ans ont reculé de 7 points de base, à respectivement 1,40% et 1,64%. Le taux Eonia qui était nettement remonté la veille de l’opération (de 0,75% à 1,38%), interrompant ainsi cinq semaines de baisse, s’est à nouveau replié une fois celle-ci bouclée. Le succès de cette opération tient probablement aux conditions actuelles d’emprunts jugées extrêmement favorables. Les deux prochaines opérations de ce type auront lieu le 29 septembre et le 15 décembre. La BCE pourrait alors allouer les fonds au taux refi plus une prime, ce qui n’empêchera probablement pas les établissements financiers de soumissionner, de façon importante, en fin d’année, compte tenue de la lisibilité ainsi donnée en terme de liquidités. Cette injection massive de liquidités (l’opération précédente la plus importante datait de décembre 2007 et s’élevait à 348,6 milliards d’euros) devrait permettre aux banques de la zone d’accompagner la reprise économique qui s’amorce. Les enquêtes PMI pour juin confirment, en effet, une sortie progressive de récession. L’indice composite d’activité, qui est habituellement un bon indicateur avancé de la croissance du PIB, a légèrement progressé. A 44,4, il a progressé de 6 points par rapport au premier trimestre et de plus de 8 points par rapport à son point bas atteint en février dernier. Il reste toutefois cohérent avec une contraction de l’activité, il est vrai plus modeste qu’au T1 2009.