par Gaël Binot, Gérant Marchés Emergents chez La Française AM
Le premier tour de l’élection présidentielle a été largement dominé par le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro (du partie PSL) avec 46% des voix contre 29.3% pour le candidat de gauche du Parti des travailleurs (PT), Fernando Haddad. Bolsonaro apparait comme le grand favori du 2ème tour qui aura lieu le 28 octobre. Le réservoir de voix, à gauche, apparait assez limité pour le candidat du Parti des travailleurs, les soutiens des autres candidats de gauche (PDT et PSOL) représentant 13.1% des voix du premier tour.
Pour le deuxième tour, le candidat du PT doit changer de stratégie pour capturer les voix du centre. Il souffre d’un retard important sur Bolsonaro. Le premier sondage de l’entre-deux tours donne 16 points d’avance au candidat Bolsonaro avec 58% des voix vs 42% pour Haddad (Source : Datafolha).
Au parlement, le parti de Bolsonaro fait une percée importante dans les deux chambres, il obtient 52 députés à l’Assemblée contre 8 auparavant et devient le deuxième parti avec 10% des sièges derrière le PT qui perd 5 députés (56 sièges). Au Sénat, où il n’était pas représenté jusque-là, il obtient 4 sièges sur 81. Les 2 chambres restent très fragmentées (30 partis à l’Assemblée et 21 au Sénat), et quel que soit le candidat victorieux, il devra composer avec de nombreux partis pour constituer une majorité. Il n'est donc pas certain que l'un ou l'autre candidat soit en mesure de réussir les réformes nécessaires, notamment la réforme des retraites qui est en stand-by depuis plus de 2 ans.
Les propositions économiques du candidat Bolsonaro, poussées par son conseiller économique Paulo Guesdes, ont une orientation clairement libérale. Elles favorisent, notamment, un désengagement de l’Etat dans les compagnies étatiques qui permettrait de réduire l’endettement public, la mise en place d’un régime parallèle de retraite par capitalisation, une baisse des taxes. Les propositions du candidat du PT sont nettement moins libérales. Elles sont favorables à la suspension de la politique de privatisation des entreprises stratégiques pour le développement national, et s’opposent à la réforme du code du travail, votée en 2017, qui visait à renforcer la compétitivité des entreprises et au plafonnement des dépenses budgétaires. Haddad est cependant perçu comme étant économiquement plus centriste que son parti. En cas de victoire de Bolsonaro, le secteur privé bénéficierait d’une plus grande ouverture à la concurrence notamment dans le secteur énergétique.
Le marché brésilien intègre en grande partie la victoire de Bolsonaro, les investisseurs se sont positionnés en faveur de ce scénario. Depuis la fin du mois d’août le réal a été la devise émergente la plus performante face au dollar, s’appréciant de +10%. Dans le même temps, les devises émergentes ne bougeaient pas face au dollar (ref. tableau 1). Les taux locaux ont également intégré partiellement une victoire du candidat du PSL, en révisant à la baisse les anticipations de hausse du taux directeur de +40 pb sur les trois prochains mois contre +100 pb, à fin août. Enfin, la prime de risque de la dette brésilienne à 10 ans en dollar s’est réduite de 98 pb, en passant de 329 pb à 231 pb (Source : Bloomberg).
Les conséquences des élections brésiliennes sur les marchés émergents devraient être faibles. En effet, si depuis le début du mois de septembre les anticipations d’une victoire de J. Bolsonaro ont eu un impact positif sur les actifs brésiliens (la bourse, les taux locaux, la devise et la dette externe), cela n’a pas été le cas pour les autres marchés émergents (ref. tableau 1). Les pays les plus susceptibles d’être touchés par la santé économique brésilienne seraient les pays membres du marché commun Sud-Américain (MERCOSUR), la Bolivie, le Paraguay, l’Argentine et l’Uruguay. Ils ont parmi leurs principaux clients, le Brésil (ref. tableau 2).