par Jaimy Corcos, Gérant de portefeuille actions chez Swiss Life Asset Managers
Malgré un sursaut en début d’année, les niveaux de volatilité se révèlent loin d’être exceptionnels en comparaison de leurs niveaux historiques. En revanche, la volatilité de la volatilité a tendance à augmenter fortement. Elle peut être un indicateur intéressant à surveiller.
La volatilité est-elle vraiment de retour sur les marchés actions ? La réponse est globalement négative concernant la volatilité réalisée même si cette dernière s’inscrit dans une phase ascensionnelle. Pourtant, la volatilité de la volatilité (mesurée sur les anticipations de volatilité à 90 jours) enregistre, de son côté de plus fortes variations et de plus en plus rapprochées. Ce phénomène est révélateur d’une tension constatée sur les marchés, malgré des perspectives économiques de long terme positives.
Que constate-t’on ? D’un côté, la volatilité réalisée atteint des niveaux conformes à sa moyenne historique, voire légèrement inférieurs. Pour le VSTOXX, qui mesure la volatilité « instantanée » des actions de l’indice Eurostoxx 50, la moyenne de la volatilité réalisée évolue en dessous de la moyenne à 15 ans, aux alentours de 20 points. En début d’année, celle-ci a enregistré des pics jusqu’à 35 points. Concernant le VIX, qui mesure celle des actions du S&P 500, le niveau actuel de la volatilité réalisée est proche de sa moyenne à 15 ans. L’indice est monté jusqu’à 37 points cette année mais évolue dans une fourchette entre 10 et 15 points. Il n’y a donc pas d’augmentation durable de la volatilité réalisée sur les marchés actions.
En revanche, les variations de cette volatilité à 90 jours font ressortir une accélération très significative des mouvements au cours de la dernière décennie. Jusqu’au milieu des années 2000, cette volatilité de la volatilité est restée stable. Mais à partir de cette période, la fréquence des pics de volatilité s’est accélérée, à des rythmes de plus en plus rapprochés. En effet, les investisseurs ont tendance à réagir ponctuellement de façon plus marquée à chaque choc lié à une « crise », scandale, problème politique ou géopolitique ou/et une déception concernant les résultats trimestriels d’une entreprise ou une statistique macroéconomique. Pour autant, la durée du pic est brève car ces mêmes opérateurs se montrent relativement confiants dans l’évolution de l’économie mondiale et des marchés sur une tendance longue.
Des pics de volatilité plus fréquents
Il existe en effet une véritable asymétrie des marchés quant à la réaction des opérateurs suite aux différents évènements de marché. Les « mauvaises nouvelles » donnent lieu, en effet, à une sanction sur le marché et par conséquent à des pics de volatilité ponctuels mais sont digérées rapidement. La réciproque ne se vérifie pas dans les mêmes proportions. Les résultats d’entreprise au-dessus du consensus ou les statistiques macroéconomiques supérieures aux attentes ne donnent pas lieu, à de rares exceptions, à un emballement équivalent à ceux enregistrés lorsque le « newsflow » est négatif. Comme si les marchés se montraient moins surpris par les « bonnes nouvelles », déjà intégrées dans les cours, que par les mauvaises. Une autre preuve de la confiance des investisseurs à long terme.
Cette accélération des pics de volatilité, à partir du milieu des années 2000, trouve une explication partielle dans la généralisation des modèles mathématiques dans le trading à court terme comme le trading haute fréquence (HFT) au milieu de cette décennie ou d’autres stratégies de produits dérivés. L’informatisation à outrance dans les salles de marchés, cette course au « centième de seconde », s’est révélée propice aux variations instantanées les plus violentes. Ces désagréments constituent des évènements préjudiciables à la sérénité des investisseurs opérant sur les marchés. Lors d’un choc ponctuel de volatilité, certains opérateurs de marché (hedge funds, Algo, modèles mathématiques etc.) interviennent massivement sur les futures de volatilité et peuvent ainsi déstabiliser les marchés à court terme comme on a pu le voir sur certains flash crashs, celui de février dernier en étant un bon exemple. Il est à mon sens intéressant de garder cette mesure afin d’analyser un peu plus en profondeur ce qui peut se passer sur les régimes de volatilité et leur évolution.